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Maroc-France : fini l’interdépendance !

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Les décideurs marocains sont unanimes. Il faut dorénavant instaurer une relation d’égal à égal entre le Maroc et la France. L’ancien ‘‘protecteur’’ qui cherche à assujettir le Royaume à tout prix, n’a plus les faveurs de l’élite politi-économique, encore moins du peuple marocain.

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La Déclaration commune des entretiens maroco-français de La Celle-Saint-Cloud, le 6 novembre 1955, prévoyait l’accession du Royaume au «statut d’État indépendant, uni à la France par les liens permanents d’une interdépendance librement consentie et définie». Cette déclaration intervenait à la veille du retour d’exil du sultan Mohammed V. Elle a été reprise dans la Déclaration d’indépendance signée le 2 mars 1956 et les accords d’interdépendance ont été formalisés quelques mois plus tard (cf. encadré).

67 ans après, les relations maroco-françaises ont évolué et le supposé partenariat d’exception qui lie le Maroc à l’Hexagone n’est plus guère qu’une lointaine chimère. La puissance coloniale qui «a bien voulu faire accéder» l’empire à l’indépendance qui devait former avec l’interdépendance un ensemble indissoluble, a épuisé son capital confiance auprès des Marocains.

Le désamour pour la France se traduit par un désintérêt pour tout ce qui vient de l’Hexagone. Même la langue française n’a plus la cote auprès des élites qui lui préfèrent désormais la langue de Shakespeare. Les francophiles sont devenus au fil du temps des francophones pour finalement se contenter d’être de simples francisants. Pis encore, une montée de la francophobie est constatée dans les milieux intellectuels et sur les réseaux sociaux. Des appels au boycott de produits français ont également été lancés. Tout ceci en dit long sur le malaise actuel.

Maroc-France : une maladresse macronienne

Au mois de novembre 2022, le célèbre écrivain Tahar Benjelloun signait une chronique dans le magazine français Le Point. «Emmanuel Macron devrait apprendre le marocain, non la langue, mais sa culture traditionnelle, son fonctionnement, qui n’a rien à voir avec le système des autres monarchies», avait-il écrit. L’écrivain racontait comment le locataire de l’Élysée avait cru pouvoir se comporter avec le Maroc avec une certaine désinvolture en annonçant une visite fin octobre dans le Royaume après s’être rendu à Alger. «Le problème, c’est qu’il n’a pas été invité à se rendre dans ce pays. Le roi, séjournant à Paris durant cet automne, aurait refusé de le prendre au téléphone», commentait Benjelloun.

La visite mi-décembre dernier de Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, au Maroc avait été perçue comme un signe de détente après des mois de tensions entre les deux pays. Mais la froideur du chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, et son choix de faire son allocution en langue arabe ont révélé l’ampleur de la crise. De plus, des sorties médiatiques peu amènes récentes font état d’une relation franco-marocaine en déclin et remettent en question la venue du président français au Maroc.

Les impairs envers le Royaume sont légion : réduction du nombre de visas délivrés aux Marocains, position ambiguë sur la question du Sahara, manœuvres contre le Royaume et ses institutions… Aujourd’hui, le Maroc n’a plus d’ambassadeur en France et la visite d’Emmanuel Macron est reportée aux calendes grecques.

Lire aussi : Diplomatie : le Maroc sur tous les fronts

Revisiter le passé et repenser l’avenir

La France a profité du vacillement de l’État marocain au début du XXe siècle, et dont les puissances impériales ne sont pas étrangères, pour imposer son protectorat. Dès lors, la puissance coloniale a déployé tous les moyens pour formater les Marocains et les convaincre qu’ils étaient dépendants de son soutien. C’est elle qui allait édifier les nouvelles villes, construire les routes et installer les chemins de fer. La France a commis des atrocités lors de la période du protectorat, notamment contre la résistance. Elle a aussi attaqué l’institution monarchique et déposé le sultan Mohammed V et sa famille.

L’impérialisme français a pourtant été gommé avec l’avènement de l’indépendance. Cependant, l’amitié franco-marocaine a toujours été en ballotage avec un rapport déséquilibré en faveur de l’Hexagone qui dictait le rythme. Même quand le Maroc a voulu jouer cavalier seul sur le continent africain dans le cadre de la coopération Sud-Sud, Paris a vu ça d’un mauvais œil, soufflant à Rabat de parler d’un partenariat triangulaire France-Maroc-Afrique.

Le roi Mohammed VI en avait parlé dans son discours du 20 août 2021, à l’occasion du 68e anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple : «Le Maroc, au même titre que certains pays du Maghreb arabe, fait face à une agression délibérée et préméditée. Agrippés à des positions préétablies et à des considérations obsolètes, les ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume ne souhaitent pas que le Maroc demeure la nation libre, forte et influente qu’il a toujours été (…) Ils ne veulent pas admettre que les règles du jeu ont changé, que, désormais, nos pays sont totalement aptes à gérer leurs affaires, à mettre en valeur leurs ressources et leurs potentialités, dans l’intérêt bien compris de nos peuples».

Le Souverain avait pourtant déployé de grands efforts depuis son intronisation en 1999 pour remodeler les relations avec l’Hexagone et faire en sorte que ce partenaire travaille avec le Maroc pour promouvoir le développement et l’innovation dans un rapport gagnant-gagnant. Cela commençait à se concrétiser pendant les mandats de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et même François Hollande. Le premier mandat d’Emmanuel Macron a permis une prise de contact entre les deux dirigeants, mais aucune visite d’État n’a été programmée. L’inauguration de la Ligne à grande vitesse (LGV) Tanger-Casablanca en 2018 a été un grand moment avec des entretiens approfondis entre les deux chefs d’État.

À l’heure actuelle, les contacts sont très limités. Un cadre diplomatique marocain nous a assurés que même la coordination qui se faisait auparavant au niveau des missions permanentes des deux pays aux Nations Unies n’est plus d’actualité.

Maroc-France : Le roi Mohammed VI et Emmanuel Macron à bord d'Al Boraq

Le roi Mohammed VI et le président français, Emmanuel Macron, lors du voyage inaugural de la LGV entre Tanger et Rabat © DR

Aujourd’hui, même pour l’extension de la LGV, les décideurs parlent d’une préférence pour un constructeur chinois. C’est dire que le ‘‘Made in France’’ n’est plus le choix premier et ultime.

Lire aussi : Visas : stop à l’humiliation !

La France est en perte de vitesse à cause de ses choix politiques et de son positionnement dominant. La déliquescence de cette grande puissance est visible à l’œil nu et partout dans le monde. Plusieurs pays africains ont poussé l’Hexagone à retirer ses soldats de leurs territoires. Les sorties chevaleresques de la présidence de la république française et son attitude condescendante envers les pays du Sud ne feront qu’empirer les choses. Tous les domaines de coopération seront touchés. Si la France veut sauver ce qui peut encore l’être, elle doit bâtir une relation d’égal à égal, fondée sur une nouvelle approche. Au cas contraire, le champ de sympathie pour la France et sa culture continuera à rétrécir, au point que même les médias qui ont opté pour la langue française s’engageront dans un processus de changement, pour ne pas tomber dans la schizophrénie…

Texte de la convention diplomatique franco-marocaine

« Le Président de la République française et S. M. Mohammed V, sultan du Maroc,

Désireux d’arrêter les principes selon lesquels les deux Etats entendent organiser, dans l’égalité complète et le respect de leur indépendance, les liens d’amitiés et de coopération qui servent l’intérêt réciproque de la France et du Maroc,

Soucieux de définir les modalités de l’interdépendance librement réalisée entre les deux pays dans le domaine des relations extérieures, en application de la déclaration du 2 mars 1956, et déterminés à maintenir et à renforcer ainsi la solidarité qui les unit.

Ont nommé pour leurs plénipotentiaires …

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme,

Sont convenus des dispositions qui suivent :

Art. 1er. Les deux H.P.C. (Hautes parties contractantes, NDLR), résolues à maintenir entre elles des relations d’amitié permanente, d’aide mutuelle et d’assistance, se tiendront mutuellement au courant de toutes les questions qui touchent leurs intérêts communs et échangeront régulièrement leurs vues sur les problèmes d’intérêt général.

Art. 2. Si les H.P.C. sont, d’une manière quelconque, menacées dans leurs intérêts communs, elles se consulteront immédiatement pour faire face à cette menace si la situation l’exige.

Art- 3. Afin d’assurer une action concertée dans le domaine de la politique étrangère,
1) La convention diplomatique rend au Maroc l’exercice de ses compétences internationales. Ce premier objet se traduit à la fois dans le domaine du droit de légation actif et passif et dans celui de la compétence de conclusion des traités.

2) En matière de droit de légation actif et passif, il est précisé (art. 10) que les représentants des deux parties l’une auprès de l’autre seront des ambassadeurs (qui reçoivent le titre plus complet d’ « Ambassadeur Extraordinaire, Envoyé Exceptionnel », titre qui se subs-les ministres des affaires étrangères des deux gouvernements se réuniront périodiquement ou à la demande de l’une des deux parties.

Art. 4. Les H.P.C. s’engagent, chacune pour sa part, à ne pas adhérer à une politique qu’elles auraient, après examen en commun, reconnue comme incompatible avec les intérêts de l’une d’entre elles.

Art. 5. Chacune des parties s’engage à ne pas conclure de conventions internationales qui rendent sans effet les droits qu’elle aura reconnu conventionnellement à l’autre partie.

Art. 6. Aucune des présentes dispositions ne doit s’interpréter comme portant atteinte aux obligations qui résultent soit de la charte des Nations Unies, soit des engagement, traités ou conventions en vigueur dans l’une des H.P.C. et des tierces puissances.

Aucune des présentes dispositions ne doit non plus s’interpréter comme comportant, pour l’une des H.P.C., une limitation quelconque à son pouvoir de négocier et de conclure des traités, conventions ou autres actes internationaux.

Art. 7. Les H.P.C. conviennent que tout désaccord au sujet de l’application ou de l’interprétation du présent traité qu’elles ne seraient pas parvenues à résoudre par des négociations directes entre elles, pourra être porté à l’initiative de l’une des parties, devant la Cour internationale de Justice de la Haye.

Art. 8. La France appuiera la candidature du Maroc dans les organisations internationales où celui-ci n’est pas représenté.

Les délégations des deux gouvernements dans les organisations internationales se tiendront mutuellement informées de leurs activités, se consulteront, discuteront de leur action dans l’esprit du présent accord.

Art. 9. Dans les pays où le Maroc n’aura pas décidé d’envoyer une mission diplomatique permanente, la République française est disposée, si le gouvernement marocain le lui demande, à assurer la représentation et la protection des ressortissants et des intérêts marocains. Dans ce cas, les agents diplomatiques et consulaires français agiront conformément aux directives du gouvernement marocain.

Art. 10. Les Représentants diplomatiques que les H.P.C. accréditeront mutuellement porteront respectivement les titres d’« Ambassadeur Extraordinaire, Envoyé Exceptionnel de la République française auprès de S. M. le Sultan » et d’ « Ambassadeur Extraordinaire, Envoyé Exceptionnel de S. M. le Sultan auprès de la République française ».

Art. 11. Le Maroc assume les obligations résultant des traités internationaux passés par la France au nom du Maroc ainsi que celles des actes internationaux relatifs au Maroc qui n’ont pas donné lieu à des observations de sa part.

En foi de quoi les Plénipotentiaires ont signé le présent accord et y ont apposé leurs sceaux »

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