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Il est loin le temps où quelques centaines de travailleurs marocains à l’étranger revenaient au pays pour passer leurs congés estivaux en famille après un an de dur labeur. Il faut dire qu’au début des années 1960, la communauté marocaine à l’étranger ne comptaient pas plus de 100.000 personnes réparties principalement entre la France, l’Espagne, la Belgique, l’Italie et l’Algérie. Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), l’effectif de la communauté marocaine à l’étranger est passé de 160.000 individus à 680.000 entre 1968 et 1982. «L’émigration internationale marocaine est allée croissante avec une forte accélération depuis les années 1960», souligne une enquête réalisée par l’institution en 2005. Dans les années 1970, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni rejoindront la liste des principaux pays d’accueil de ceux qu’on appelait à l’époque Ressortissants marocains à l’étranger (RME). Plus tard, les Marocains s’installeront un peu partout : aux USA, au Canada, en Amérique latine, dans les pays scandinaves, dans les pays du Golfe, en Afrique subsaharienne, au Japon, en Australie…
Les balbutiements de l’opération Transit
Le milieu des années 1970 connaîtra un afflux assez important des RME pour que l’État prenne conscience de l’importance d’organiser ce retour saisonnier de quelques milliers de personnes qui transfèrent de l’argent en devises à leurs proches tout au long de l’année et qui boostent l’activité économique pendant l’été. À l’époque, les Marocains d’Europe arrivaient principalement en trains ou en autocars jusqu’au Sud de la France (Sète, Marseille) et de l’Espagne (Algésiras, Almeria) pour embarquer à bord de ferries à destination de l’unique port passagers de Tanger, ou des deux présides occupés de Sebta et Melilia.
Approché par LeBrief.ma, Mohamed Charef, professeur chercheur à l’Université Ibn Zohr d’Agadir et expert des questions migratoires, explique que ce retour pour les vacances est favorisé par l’attachement au Maroc mais aussi par la situation géographique du Royaume. «On est à un jet de pierre de l’Europe, à 13 kilomètres seulement. Ce qui offre la possibilité de revenir par train ou par voiture, l’avion était cher avant l’open sky», détaille-t-il. En 1975, l’État entame la construction du port de Beni Ansar (Nador). Il sera officiellement inauguré en 1981 afin de répondre au flux croissant des passagers qui préfèrent désormais venir au Maroc en voiture. Entre 1982 et 1985, le ministère de l’Intérieur coordonne un semblant de dispositif d’accueil auquel participent la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII). Les effectifs sont alors renforcés dans les ports de Tanger et de Nador mais les longues files d’attente et l’absence d’équipements (sanitaires entre autres) feront de ce voyage estival un vrai calvaire pour les RME. «Il y avait beaucoup de décès, d’accidents, de problèmes administratifs, de retards et de souffrances des familles. Il faut dire aussi que les pays traversés étaient confrontés à beaucoup de problèmes avec des gens qui arrivaient de loin parfois, des Pays-Bas ou même des pays scandinaves. Ce flux générait un goulot d’étranglement avec des filles d’attente interminables surtout quand il y avait les chassés-croisés de juillet et août», rappelle Mohamed Charef.
En 1986, le Maroc décide de coopérer avec l’Espagne, principal pays d’embarquement des RME vers le Royaume. Une commission mixte maroco-espagnole de transit est alors créée et opère jusqu’à aujourd’hui pour mener à bien le plus grand dispositif européen de mouvement des personnes et l’un des plus importants au monde. L’Espagne a joué en jeu en mettant à niveau les infrastructures dédiées aux voyageurs faisant la traversée du Détroit de Gibraltar et en installant des panneaux de signalisation mentionnant ‘‘Algésiras’’ en arabe du Nord au Sud de la péninsule ibérique.
Créée en 1990 par feu Hassan II et présidée par la princesse Lalla Meryem, la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger prend le relais pour assurer le suivi de l’opération Transit. Ceux qu’on appelle désormais Marocains résidant à l’étranger (MRE) bénéficient alors d’assouplissements en tout genre. Une centaine de jeunes issus du centre sportif Moulay Rachid sont appelés en renfort pour épauler un staff important d’unités sanitaires d’intervention rapide. En poste dans les ports d’Algésiras, Malaga et Almeria, ces unités sanitaires ont pour rôle de faciliter le transit des MRE sous la houlette de la Direction générale de la protection civile.
Durant l’été 1996, 1.555.680 MRE, utilisant quelque 339.099 véhicules, font la traversée du Détroit grâce aux 5.792 rotations effectuées par les ferry-boats des compagnies marocaines et espagnoles. Face au succès de l’opération Transit 96, de nouvelles dispositions ont été prises pour séduire encore plus ces nouvelles générations de MRE qui, contre toute attente, tiennent à venir chaque été au Maroc. «Quand on discute avec ces 2e et 3e générations, ils évoquent les années 1970 avec ces voitures break diesel surchargées qui prenaient la route vers le Maroc. Il y avait d’ailleurs un tube maghrébin qui racontait le voyage, comment c’est perçu au pays… C’était un signe de réussite», estime Mohamed Charef.
Au niveau de la douane, des scanners sont installés dans les postes-frontières pour accélérer les opérations de contrôle. Idem pour la DGSN qui dépêchent des agents de la police des frontières à bord des navires pour accélérer l’opération de vérification des passeports. Les véhicules utilitaires sont pour la première fois autorisés à accéder au territoire national via une dérogation de deux mois. «C’est une opération qui est devenue singulière au niveau mondial, parce qu’il est rare de trouver plusieurs pays qui essaient de gouverner une opération ponctuelle qui dure entre deux et trois mois», souligne notre expert.
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L’opération Transit rebaptisée Marhaba
Avec le nouveau règne, les flux croissants des MRE favoriseront l’institutionnalisation de l’accompagnement de leur retour au Maroc pendant la période estivale. Dès 2001, la Fondation Mohammed V pour la solidarité est chargée de prendre en charge cette opération et de mettre en œuvre un dispositif d’assistance original. L’opération Transit prend une nouvelle dimension et devient Marhaba (bienvenue), placée sous la présidence effective du roi Mohammed VI.
Durant les années 2000, les infrastructures portuaires seront renforcées avec le lancement des activités du terminal passagers du nouveau port Tanger Med et de la gare maritime du port d’Al Hoceima. À savoir que les lignes maritimes avec l’Espagne concentrent 95% des passagers lors de l’opération Marhaba. L’opération inclut depuis 2001 le volet aérien. Pour Marhaba 2022, la compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) a renforcé son programme de vols en proposant 6 millions de sièges sur 80 liaisons aériennes à travers les quatre continents. Par ailleurs, des espaces d’accueil sont installés dans plusieurs ports européens (Gênes, Sète, Marseille, Motril, Alméria et Algésiras) et un peu partout au Maroc (Bab Sebta, Bab Melilia, aéroports Casablanca Mohammed V, Rabat-Salé, Oujda Angad, Agadir Al Massira, Fès Saïss, Marrakech Menara et Tanger Ibn Battouta, aires de repos Méditerranée, M’Diq, Jebha et Tazaghine). Les équipes de la Fondation sont épaulées par 1.200 agents dont les assistances sociales des Forces armées royales (FAR), les médecins, les cadres paramédicaux et les volontaires y sont mobilisés, pour être à l’écoute des MRE, les assister et leur fournir l’accompagnement et les secours nécessaires.
La liste des intervenants dans cette gigantesque opération comprend aussi les éléments de la sûreté nationale, des douanes, de la santé publique et de la gendarmerie royale, ainsi que les autorités locales. Sans oublier le concours de la Direction de la marine marchande, de l’Agence nationale des ports (ANP), de l’Office national des aéroports (ONDA), de Royal Air Maroc (RAM), de l’Office national des chemins de fer (ONCF), des Autoroutes du Maroc (ADM), de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée, des compagnies maritimes et des banques. Tous les acteurs tiennent à assurer une bonne circulation de l’information et à anticiper sur certains aspects liés à la gestion des journées de pic, à l’interchangeabilité des billets et à la lutte contre la spéculation au niveau des prix des traversées maritimes.
Le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, s’active aussi pendant cette opération. Le département dirigé par Nasser Bourita travaille d’arrache-pied sur l’amélioration des prestations consulaires pour accompagner l’opération Marhaba, notamment à travers la mise en place d’une cellule de veille centrale au niveau du ministère afin de suivre le déroulement de l’opération de transit en coordination avec les autorités des pays d’accueil et les autorités marocaines compétentes. Il est question aussi d’une mobilisation exceptionnelle des services du département des Marocains résidant à l’étranger pour accompagner et recevoir ceux qu’on appelle aussi Marocains du monde (MDM), par le biais de consulats mobiles dans les ports de transit du début à la fin de l’opération pour fournir, de manière continue, des prestations administratives et des services d’orientation et d’assistance.
«Il faut dire qu’aujourd’hui, les jeunes reviennent mais tout au long de l’année et ce n’est pas dans le même esprit du retour de leurs parents. Ces derniers revenaient directement dans leur village natal avec une panoplie de produits, alors que les jeunes viennent en vacances dans les grandes villes, légers, comme ils le font à l’étranger», conclut Charef.
Le retour massif des MDM pendant la période estivale, par voie maritime, aérienne ou terrestre, qu’ils soient établis en Europe, en Amérique, en Afrique ou ailleurs, témoigne de leur attachement au pays et à leurs proches. Cette année, l’opération Marhaba revêt un caractère particulier puisqu’elle intervient après deux années de disette à cause de la pandémie de Covid-19. Le retour de nos concitoyens sera facilité, les autorités marocaines compétentes ayant élaboré un protocole sanitaire simple et flexible consistant à présenter un certificat de vaccination ou bien un test PCR négatif effectué 72 heures avant la date du voyage. On s’attend à un pic quotidien de 100.000 passagers pendant le mois de juillet notamment la semaine qui précède la célébration de Aïd Al-Adha.
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