Macronie : le début de la fin?
Alcide Hyacinthe de Beauchesne.
La phrase de l’auteur français semble, aujourd’hui, prendre tout son sens. Au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, les réactions ne se sont pas fait attendre. Alors qu’Emmanuel Macron pensait jouer un coup de maître et renforcer par la même occasion son pouvoir, le voici récompensé par le peuple qui l’a élu pour la première fois le 14 mai 2017. «Le président Macron a voulu une clarification, mais semble avoir obtenu une confusion.», déclare Zakaria Garti, analyste économique et financier, lors d’une rencontre organisée par la Tariq Ibnou Ziyad initiative (TIZI), ayant pour thème « Maroc-France-Algérie, entre héritage complexe et perspectives d’avenir ».
L’arme politique
La dissolution a tout bonnement conduit à l’émergence d’une majorité inattendue, à savoir la gauche unifiée. La France s’en voit profondément bouleversée. L’arme politique de la dissolution a été utilisée dans un contexte de crise sociale et politique. Des réformes plus qu’impopulaires, des protestations qui ne cessent de croître, ainsi qu’une fragmentation de la majorité, ont poussé Macron à changer de fusil d’épaule et de jouer le tout pour le tout.
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Le président français espérait, ainsi, renforcer sa position tout en affaiblissant ses opposants politiques. Eh bien, c’est chose faite… mais dans l’autre sens ! C’était sans surprise que l’extrême droite a rapidement gagné du terrain au premier tour. Et encore moins de surprise pour une gauche qui s’est dépêchée de s’unifier dans l’adversité. C’est un peu le scénario Chirac Vs Le Pen de 2002 qui se répète. Mais pas que. La France a toujours été pleine de surprises concernant ce volet politique. «En 1997, le président Jacques Chirac avait dissous l’Assemblée nationale. Et Lionel Jospin, le dernier Premier ministre, avait parlé d’une expérimentation hasardeuse. Reconduire l’expérimentation hasardeuse, d’autant plus hasardeuse en pleine élections européennes, avec de nouvelles élections organisées trois semaines plus tard. Et tout ceci un mois et demi avant les Jeux Olympiques», déclare Xavier Driencout, ancien ambassadeur de France en Algérie, lors de l’évènement TIZI.
Sous l’élan de leaders charismatiques et toujours avec la volonté inchangée de contrer les politiques néolibérales de Macron, une ligue de gauche est née. Une alliance qui rassemble des partis tels que La France Insoumise, le Parti socialiste, Europe Écologie Les Verts et le Parti communiste français. Malgré leurs désaccords sur certaines questions (justice sociale, transition écologique, démocratie participative…), ils se sont rassemblés pour créer une union historique. L’on retiendra au moins cela de ce quinquennat.
Et la réponse a été immédiate ! Quelques jours après cette union, les Français, fatigués des réformes controversées, ont penché vers cette alternative. Cet espoir, ils l’ont exprimé jusque dans les urnes en faisant reculer la majorité présidentielle, par la perte de nombreux sièges, et en offrant un bloc solide à la gauche à l’Assemblée nationale.
Si les Français ont été nombreux à faire barrage à l’extrême droite et au centre, le résultat des urnes fait entrer le pays dans une période de brouillard et d’instabilité. «Pour l’instant, les résultats sont ce qu’ils sont. C’est-à-dire que la gauche, qui s’appelle le Nouveau Front Populaire, n’a eu que 7 millions de voix. Mais avec le vote de scrutin, on a réussi à avoir 180 sièges. Et le Rassemblement national avec 10,1 millions de voix a 143 sièges. Et au milieu, il y a un important bloc», détaille Driencout.
La France deviendra-t-elle une démocratie parlementaire ?
Pour Emmanuel Macron, ce nouveau visage politique représente un véritable casse-tête. Habitué à gouverner avec une majorité plutôt confortable, il se retrouve désormais face à une opposition forte et surtout déterminée. Le blocage peut se présenter à chaque étape. Chaque projet de loi, chaque réforme devra passer par des négociations ardues avec une Assemblée où la majorité ne lui est pas forcément favorable. Car oui, malgré les petites majorités, personne n’a LA seule majorité qui compte à l’Assemblée nationale, à savoir les 289 sièges de la majorité absolue.
La première conséquence directe et prévisible est le remaniement du gouvernement actuel. Gabriel Attal a démissionné, malgré le mécontentement de la Macronie. Mais ce n’est plus au président de décider. Le peuple a voté. À croire que cette République se transforme peu à peu en une démocratie parlementaire. Pas de l’avis de tous. « La France n’est pas en train de passer une démocratie présidentielle à une démocratie parlementaire où le Parlement serait au centre du jeu politique pour les trois années qui restent », explique l’ancien ambassadeur de France en Algérie. «Le président de la République a un rôle, au meilleur des cas, d’arbitre, et au pire des cas, de figurant dont tout le monde se distancie, y compris les premiers soutiens, y compris Gabriel Attal, qui a eu des mots très durs à son encontre lors de la dissolution», poursuit-il.
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La confusion se poursuit
Au lendemain du dépouillement des votes à l’Assemblée nationale, le flou est encore plus présent qu’avant. À peine 11 jours après les législatives, Yaël Braun-Pivet a été réélue présidente de l’Assemblée nationale. La Macronie est de retour ? Il faut croire qu’elle s’accroche grâce à une alliance avec la droite (LR). Une future possible coalition gouvernementale, qui n’est du goût des gauchistes, qui, au lendemain des législatives, estiment que Pivet devait de son propre chef se désister de cette course, n’ayant pas la majorité populaire.
Elue avec 220 voix au 3ᵉ tour, sans majorité et bénéficiant du report des députés de droite, elle ne dépassait pas de loin son concurrent direct, André Chassaigne (NFP). Des résultats contestés par la France insoumise, qui parle « d’accords de couloirs ». En effet, au premier tour, Pivet n’en menait pas large, mais après quelques négociations avec la droite, qui a mis sur la table des postes clés à l’Assemblée, la balance a penché du côté macroniste.
«Honte à tous ces députés qui ont choisi une alliance de fortune, celle du camp présidentiel avec les droites. Leur politique est rejetée, mais ils veulent l’imposer. C’est un coup de force contre la démocratie», a déclaré Fabien Roussel, secrétaire national du PCF (Parti communiste français).
Sur X, le président Emmanuel Macron n’a pas manqué de la féliciter en saluant sa responsabilité républicaine et son respect pour une pluralité des opinions.
Félicitations pour votre élection, chère @YaelBraunPivet. Présidente de notre Assemblée nationale, tous ceux qui vous connaissent savent que vous veillerez au respect de la pluralité des opinions et à l’expression de la diversité des sensibilités. En responsabilité républicaine.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 18, 2024
Le défi majeur pour Macron est de réussir à gouverner dans ce nouveau contexte. Il devra faire preuve de plus de flexibilité et de compromis, des qualités qui n’ont pas toujours été associées à son style de leadership. Les réformes qu’il avait prévues, notamment sur les retraites et le marché du travail, ont été repoussées et devront être repensées pour obtenir le soutien nécessaire à l’Assemblée.
Et puis, il y a la question de la démocratie participative, qui reste en suspens, mais plus pour très longtemps, avec une gauche montante et un Chassaigne plus en forme que jamais, malgré sa seconde position lors du vote à l’Assemblée nationale, le jeudi 18 juillet dernier. Le système devrait, à gauche, nécessiter une réforme pour plus de représentativité et d’inclusivité. Autant d’actions qui pourraient, certes, renforcer l’Assemblée nationale, mais, par la même occasion, réduire les pouvoirs présidentiels.
Pour la gauche, c’est là une occasion à ne pas rater, afin de proposer des politiques plus progressistes. Il ne faudrait, toutefois, pas se louper, comme disent les Français ! Quand on sait que la gauche elle-même, malgré son union publique, a du mal à s’entendre, l’on est en droit de se demander si cette coalition perdurera dans le temps ?