Des milliers d’enseignants manifestent contre les conditions actuelles des contractuels, à Rabat, le 7 novembre 2023. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA
Depuis l’indépendance, le Maroc a reconnu le droit de grève et l’a inscrit dans sa Constitution, un pilier fondamental de toute société démocratique. Cependant, malgré cette reconnaissance constitutionnelle, les modalités et conditions d’exercice de ce droit n’ont jamais été clairement définies par une loi spécifique.
Aujourd’hui, face aux grèves récurrentes des enseignants et des professionnels de la santé, ainsi que le blocage observé dans certains secteurs vitaux, l’urgence de mettre en place un cadre juridique clair et précis pour encadrer les mouvements sociaux se fait ressentir. En ce sens, le gouvernement intensifie le dialogue avec les syndicats pour parvenir à une solution consensuelle, visant à établir des règles équitables et transparentes pour tous les acteurs concernés.
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Loi sur la grève, un dialogue intense
Devant la Chambre des représentants, le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a réaffirmé la poursuite du dialogue avec les syndicats pour parvenir à une formule consensuelle sur le projet de loi régissant le droit de grève. Il a fait savoir qu’une trentaine de réunions ont déjà eu lieu et continuent pour aboutir à un accord solide avec les partenaires sociaux avant de soumettre ce projet à l’examen parlementaire.
Les avancées dans ce dossier montrent un engagement clair à adopter une législation qui garantit les droits des travailleurs et des employeurs, tout en équilibrant ces droits avec les devoirs. Le gouvernement a, rappelons-le, signé un accord social majeur pour mettre en œuvre les dispositions de l’accord du 30 avril 2022, incluant la garantie de l’exercice du droit de grève.
Ce droit doit être, selon Sekkouri, exercé librement, mais de manière responsable, sans nuire aux employeurs, respectant les conventions collectives et la liberté syndicale, et en conformité avec les normes internationales et la constitution marocaine. Ceci étant, le droit de grève sera exercé au Maroc conformément à des règles qui définissent les droits et les devoirs.
Le ministre a d’ailleurs rapporté que les concertations sur cette loi ont porté sur l’urgence d’impliquer le pouvoir judiciaire dans ce domaine et sur la nécessité d’appliquer des sanctions équitables. Il a souligné que les sanctions ne doivent pas être réservées uniquement aux employés, mais que les employeurs doivent également être tenus responsables s’ils discriminent entre les grévistes et les non-grévistes en accordant des avantages à ces derniers.
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Les syndicats prônent une approche concertée
Les syndicats plaident pour une législation sur le droit de grève qui prenne en compte la diversité des syndicats représentant non seulement les travailleurs salariés, mais aussi d’autres professions. Ils soutiennent que les grèves ne sont jamais menées par caprice ou pour perdre du temps, mais en réponse à de véritables violations des droits des salariés et des non-salariés dans divers secteurs.
Toutefois, les syndicats rejettent certaines dispositions du projet de loi tel qu’il existe aujourd’hui. Selon eux, la version actuelle du texte ne concerne que les mouvements de grève des salariés, ignorant ainsi d’autres catégories de travailleurs, notamment les travailleurs indépendants. Ces derniers ont, tout comme le reste des travailleurs, le droit légitime de recourir à la grève. En outre, le projet de loi interdit plusieurs formes de grèves, telles que les grèves solidaires et les mouvements pour des raisons politiques. Or, les syndicats estiment que ces grèves sont souvent une réaction spontanée aux politiques publiques qui affectent les droits des travailleurs.
Les syndicats exigent donc des conditions de grève plus claires et plus souples, en conformité avec les textes internationaux, afin de garantir pleinement le droit des travailleurs. Ils notent également que le projet de loi impose un préavis de grève, ce qui, selon eux, risque de paralyser les mouvements sociaux.
De leur côté, les employeurs, représentés notamment par la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), plaident depuis de nombreuses années pour une refonte du texte de loi régissant le droit de grève. Ils soutiennent une législation qui encadre clairement la relation entre employeurs et employés, eux qui estiment que certains mouvements sociaux nuisent à l’entreprise et, par extension, à l’économie nationale. La CGEM reconnaît ainsi l’importance de préserver les intérêts de tous les acteurs concernés et insiste sur la nécessité de créer des conditions favorables à la confiance entre les parties.
Dans l’ensemble, syndicats et employeurs s’accordent sur la nécessité d’une législation claire et équilibrée, tout en insistant sue l’importante d’un dialogue inclusif. Et sur la base de cet accord, le gouvernement s’est engagé à programmer la discussion et l’adoption du texte de loi au Parlement pendant la session parlementaire en cours. Un espace de discussion très large sera donc ouvert, permettant d’aboutir à un texte répondant aux aspirations des travailleurs.
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