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Loi immigration : quels changements pour les MRE, étudiants et les travailleurs sans papiers en France?

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Gérald Darmanin. © Ludovic Marin / AFP

La récente décision du Conseil constitutionnel français a entraîné la censure de 35 des 86 articles de la nouvelle immigration, provoquant une vive réaction publique. Cette loi pourrait impacter considérablement la diaspora marocaine en France, qui comprend 1,5 million de personnes, y compris 670.000 binationaux, et 46.000 étudiants marocains. Les citoyens du Royaume, principaux bénéficiaires de titres de séjour depuis 2018, pourraient voir leur quotidien altéré par ces modifications législatives. L’effet précis de ces changements sur l’immigration et l’intégration en France reste une question ouverte, soulignant l’incertitude quant à l’avenir de la communauté marocaine et d’autres groupes d’immigrants.

Le Conseil constitutionnel français a tranché, jeudi 25 janvier, sur la loi immigration, portée par Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur et soutenue par le gouvernement ainsi que le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Adoptée le 19 décembre par l’Assemblée nationale, cette législation a suscité de vives controverses. Les neuf juges ont censuré une large portion du texte, écartant 35 des 86 articles, principalement ceux ajoutés par les factions de droite et d’extrême droite. Celles-ci étaient jugées comme des «cavaliers législatifs» pour leur manque de lien avec le projet initial. Parmi les dispositions rejetées, dont l’introduction de la préférence nationale pour les prestations sociales. Ont également été écartés, le rejet du regroupement familial, le conditionnement des aides sociales, la caution pour les étudiants étrangers, la régularisation des travailleurs sans-papiers et même la déchéance de la nationalité.

Réformes du regroupement familial

La nouvelle législation sur l’immigration en France apporte des changements aux règles du regroupement familial. Désormais, les résidents étrangers en situation régulière devront attendre deux ans, au lieu de 18 mois précédemment, avant de pouvoir solliciter le regroupement familial. De plus, l’âge minimum requis pour le conjoint souhaitant rejoindre son partenaire en France passe de 18 à 21 ans.

Les critères d’admissibilité pour les membres de la famille souhaitant s’installer en France se durcissent aussi. Une compétence linguistique en français est requise, sous peine de devoir passer un examen spécifique. De plus, les ressources financières de l’individu résidant en France doivent non seulement être stables, comme c’était le cas auparavant, mais aussi régulières et suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille. La couverture d’une assurance maladie est de plus devenue une condition obligatoire pour le regroupement familial.

Lire aussi : Immigration : 323.260 premiers titres de séjour délivrés en France en 2023

Prestations sociales

Parmi les points houleux les plus débattus, l’article proposant la mise en place d’une préférence nationale pour l’accès aux prestations sociales. Cette mesure aurait allongé la durée de résidence nécessaire pour que les non-Européens en situation régulière puissent prétendre à certaines aides comme l’aide personnalisée au logement ou les allocations familiales. Toutefois, ce volet de la loi a été censuré.

Autre sujet de controverse, l’instauration de quotas migratoires annuels, soumise à un débat obligatoire, a été jugée inconstitutionnelle, créant un précédent important. De même, la tentative de modification du droit du sol, qui aurait contraint les jeunes nés en France de parents étrangers à entreprendre une démarche volontaire pour obtenir la nationalité française, a aussi été rejetée. Cette disposition rappelait la loi Pasqua de 1993 abrogée, depuis, par la loi Guigou en 1998.

En ce qui concerne l’accès aux prestations sociales non contributives, la loi prévoit désormais que les étrangers hors Union européenne devront justifier de cinq ans de résidence en France pour bénéficier de certaines aides. Des exceptions sont cependant prévues, notamment pour ceux travaillant depuis trois mois en France ou disposant d’un visa étudiant pour l’APL, ou encore ceux travaillant depuis 30 mois pour d’autres prestations. Ces règles ne s’appliqueront pas aux réfugiés, aux apatrides, aux détenteurs d’une carte de résident de dix ans. Elles ne concerneront pas, non plus, l’allocation pour enfant handicapé, la prestation de compensation du handicap, ni l’allocation en cas de décès d’un enfant.

Caution de retour pour les étudiants étrangers

En ce qui concerne l’obligation pour les étudiants étrangers, dont de nombreux Marocains, elle est de verser une «caution de retour» pour obtenir leur premier titre de séjour pour études en France. Le montant de cette caution, qui sera précisé ultérieurement par décret, vise à garantir leur départ à la fin des études ou à la transition vers une situation professionnelle en France. Toutefois, les étudiants en difficulté financière ou se distinguant par leur excellence académique, bénéficieront d’une exemption. L’ex-première ministre, Elisabeth Borne, a souligné que cette caution serait fixée à un niveau «modique», atténuant ainsi les inquiétudes.

Cette disposition intervient dans un contexte où la France accueille 46.371 étudiants marocains, selon les données de 2023 de Campus France. Elle reflète la préoccupation croissante concernant les «faux» étudiants étrangers, c’est-à-dire ceux qui pourraient utiliser le statut d’étudiant comme moyen de rester en France au-delà de leur période d’études. La critique a été vive, surtout de côté de l’association France Universités, qui voit dans cette mesure une commercialisation de l’enseignement supérieur français et un risque d’aggravation de la précarité des étudiants internationaux. L’association a également exprimé ses craintes quant aux répercussions négatives sur le rayonnement de l’enseignement supérieur français, de la francophonie et de l’image de la France dans le monde.

Lire aussi : France : la terre d’accueil n’est plus

Réforme de la nationalité française

Pour les enfants nés sur son sol de parents étrangers, auparavant, ils devenaient automatiquement français à 18 ans, sous réserve de certaines conditions de résidence. Cette acquisition automatique de la nationalité est désormais conditionnée par une démarche active de l’individu entre 16 et 18 ans, marquant une rupture avec la pratique instaurée depuis 1945 et réaffirmée en 1998 après une parenthèse plus restrictive dans les années 90.

Cette réforme s’inscrit dans un contexte plus large de débat sur l’immigration et l’intégration, mais elle a suscité des inquiétudes particulières concernant le sort des mineurs non accompagnés (MNA), notamment ceux originaires du Maroc. Ces jeunes, déjà confrontés à des défis importants, perdent le droit à un soutien spécifique de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dès leur majorité.

Ces mineurs sont au cœur d’une problématique qui dure depuis plusieurs années, avec des implications tant pour la France que pour le Maroc. Leur situation, complexe et délicate et nécessite des solutions concertées. Bien que la nouvelle loi impacte la vie de ces jeunes, elle n’apportera pas de changement radical. Et ce, en raison des limites et des défis potentiels à l’application de ces mesures, surtout au regard des standards du Conseil de l’Europe concernant la protection des mineurs.

Durcissement des conditions d’immigration

La réforme de la loi sur l’immigration marque le retour du délit de séjour irrégulier, aboli en 2012 sous la présidence de François Hollande. Désormais, tout étranger trouvé sans visa valide ou après l’expiration de son visa encourt une amende de 3.750 euros et une possible interdiction de territoire français pour une durée de trois ans. Cette mesure, défendue par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, vise à renforcer la lutte contre l’immigration illégale. Par ailleurs, les conditions d’obtention de titres de séjour pour les conjoints de Français et les parents d’enfants français se voient également durcies, avec l’exigence dorénavant d’un séjour régulier de cinq ans, contre trois auparavant, pour prétendre à une carte de résident.

Dans un autre volet de la loi, une note d’optimisme pour les travailleurs sans-papiers : ceux exerçant dans des secteurs souffrant de pénuries de main-d’œuvre, tels que le bâtiment ou la restauration, pourront être régularisés. Pour cela, ils doivent justifier d’une présence en France d’au moins trois ans et d’une activité salariée d’au moins douze mois. Innovant par rapport à la législation précédente, le travailleur sans-papiers pourra entamer sa demande de régularisation de manière indépendante, sans devoir obtenir l’accord préalable de son employeur. Néanmoins, l’octroi du titre de séjour restera à la discrétion des préfets. Introduisant de ce fait une part d’incertitude dans le processus de régularisation.

Lire aussi : Universités françaises : forte opposition à la nouvelle loi sur l’immigration

Contrat d’engagement et restrictions d’accès

Cette nouvelle loi introduit également des dispositions exigeant de tous les demandeurs de titre de séjour l’adhésion à un «contrat d’engagement au respect des principes de la République». Ce contrat stipule l’engagement du demandeur à honorer des valeurs fondamentales telles que la liberté individuelle, l’égalité entre femmes et hommes, la dignité humaine, ainsi que les symboles de la République. Le refus de signer ce contrat ou une conduite démontrant le non-respect de ses termes entraînera un refus de délivrance de tout document de séjour. En outre, des violations sérieuses de cet engagement pourront conduire à un retrait ou à un non-renouvellement du titre de séjour par les autorités.

Par ailleurs, la loi restreint l’accès au dispositif d’hébergement d’urgence pour les étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), en le limitant à la période précédant leur départ effectif. Le maintien du délit de séjour irrégulier, avec des sanctions incluant une amende de 3.750 euros et une interdiction de territoire de trois ans, souligne la fermeté de cette approche.

Un aspect particulièrement sévère de la réforme est l’instauration de la déchéance de nationalité pour les individus naturalisés français reconnus coupables d’homicide volontaire contre des représentants de l’autorité publique. Cette mesure illustre la volonté de l’État de renforcer les exigences d’allégeance et de respect envers les institutions républicaines, dans un contexte de préoccupations sécuritaires et d’intégration.

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