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Loi immigration française : le Conseil des Sages tranche, la droite dénonce un «abus»

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Manifestation contre la loi immigration, le 25 janvier 2024 à Paris. © Alain JOCARD / AFP

La décision est enfin tombée : le Conseil constitutionnel a censuré près du tiers du texte qui divise la France. Caution des étudiants, «quotas» migratoires, durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers, resserrement des critères du regroupement familial… les Sages ont retoqué 35 mesures, quasi toutes introduites par la droite avec l’appui de l’extrême droite. Les mesures validées par le Conseil devraient, elles, être appliquées «dès ce week-end».

«Jamais la République n’a eu une loi aussi dure contre les étrangers délinquants», s’est félicité jeudi soir le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Sa réaction fait suite à la décision du Conseil constitutionnel après examen de la loi immigration qui polarise la société. Le texte a largement été censuré : sur les 86 articles du texte, 35 ont été retoqués totalement ou partiellement par les Sages.

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L’instance avait été saisie fin décembre par le président de la République, Emmanuel Macron, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et par des députés et sénateurs de gauche à la suite d’un débat sous haute tension qui avait fracturé la majorité et conduit à la démission d’un ministre, Aurélien Rousseau (Santé). La décision, vivement contestée à droite, est jugée satisfaisante pour le gouvernement qui dit vouloir appliquer les premières mesures «dès ce week-end». Ce vendredi matin, le ministre de l’Intérieur a convoqué les préfets pour leur donner ses premières instructions en matière de contrôles, d’expulsions et de régularisations.

Des «cavaliers législatifs» retoqués

Après deux jours de délibérations, l’institution présidée par l’ex-premier ministre socialiste, Laurent Fabius, a expurgé le texte d’une bonne partie de son contenu principalement pour des motifs de forme, plutôt que de fond. Les Sages ont censuré trois articles partiellement ou totalement sur le fond, et trente-deux autres, car considérées comme des «cavaliers législatifs», sans lien suffisant avec le texte initial. Parmi eux figurent certains de ceux qui ont suscité le plus d’inquiétude dans une partie de la société et qui avaient conduit des dizaines de milliers de personnes à manifester pendant le week-end pour défendre les droits des immigrés.

Loi immigration française : le Conseil des Sages tranche, la droite dénonce un «abus»

Manifestation contre la loi immigration, le 25 janvier 2024 à Paris. © ALAIN JOCARD / AFP

Un motif de forme qui ne préjuge pas de leur conformité sur le fond avec la Constitution. Rien n’exclut donc qu’elles soient proposées dans de nouveaux textes. Ni qu’elles soient, cette fois, rejetées sur le fond.

Il s’agit quasi exclusivement de mesures adoptées en décembre sous la pression de la droite et avec l’appui de l’extrême droite. C’est notamment le cas de la mesure très controversée allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales, comme les aides au logement et les allocations familiales.

Même chose pour le resserrement des critères du regroupement familial, comme l’allongement de 18 à 24 mois de la durée de résidence requise pour y prétendre, l’exclusion des conjoints de moins de 21 ans ainsi que la nécessité de justifier d’«un certain niveau de connaissance de la langue française». Les mesures telles que l’instauration d’une «caution retour» pour les étudiants étrangers ou la fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France, ont également été refusées. Exit aussi l’article privant les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des réductions tarifaires en Île-de-France ou le «délit de séjour irrégulier» puni d’une amende.

La mesure, chère à la droite, prévoyant que des «quotas» migratoires soient fixés par le Parlement pour plafonner le nombre d’étrangers admis sur le territoire, est ainsi rejetée, au titre du principe de séparation des pouvoirs et de l’égalité de traitement. Dans le même sens, un article autorisant le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement, prévu dans le texte initial du gouvernement, est lui considéré comme bafouant les garanties légales prévues dans la Constitution.

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Un texte à effet immédiat

Le texte final conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l’un des objectifs de Gérald Darmanin.
Parmi les articles déclarés conformes à la Constitution, a notamment été validée la nécessité de s’engager à respecter «les principes de la République», comme la liberté d’expression et de conscience ou l’égalité entre les femmes et les hommes, pour pouvoir obtenir un titre de séjour.

Et sans surprise, l’article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l’automne, perdure dans le texte. La majorité présidentielle s’était résignée à une version plus restrictive que celle du projet de loi initial, en donnant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension.

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Le Conseil valide aussi des dispositions au cœur du projet de loi initial du gouvernement, pour faciliter les expulsions et les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF). Elles font surtout sauter les protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers, comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans.

Les juges constitutionnels ont de plus validé la levée des protections à l’éloignement dont bénéficient certaines catégories d’étrangers, comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans. Cette disposition est censée permettre 4.000 expulsions supplémentaires de délinquants étrangers, promet la Place Beauvau. Elle est assimilée par ses opposants au rétablissement d’une forme de «double peine».

Mis à part les mesures retoquées et celles jugées conformes, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le reste de la loi. Une cinquantaine d’articles pourront donc faire partie du texte promulgué. Mais rien n’empêchera que pour une quarantaine d’entre eux, une éventuelle inconstitutionnalité soit contrôlée a posteriori, dans le cadre par exemple de questions prioritaires de constitutionnalité.

La droite française conteste

Le président français a aussitôt pris acte d’une décision «qui a validé quasi intégralement les mesures que le gouvernement avait portées dans son projet de loi initial» et demandé au ministre de l’Intérieur «de tout mettre en œuvre pour que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais», a rapporté son entourage.

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Pour le président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale, Jean-Philippe Tanguy, les Sages du Conseil constitutionnel «sont dans une logique de dérive politique» et «un abus de droit» après la censure de nombreux articles de la loi immigration. Marine Le Pen a, pour sa part, estimé que «seule une réforme de la Constitution permettra de répondre aux enjeux migratoires». «La rédaction en vigueur de la Constitution ainsi que la jurisprudence actuelle, ne permettent pas de protéger les Français de l’immigration incontrôlée», a jugé la cheffe de file des députés RN, invoquant les mesures censurées sur le fond par le Conseil.

Le patron des Républicains, Eric Ciotti, a, lui, dénoncé un «hold-up démocratique» et «une collusion entre monsieur Macron qui veut plus d’immigration et monsieur Fabius, petit opérateur des basses manœuvres». Celui-ci prévient en plus que «les Français vont se révolter». «Les Français ne peuvent pas supporter qu’on les prive au travers du choix de leurs parlementaires, d’une décision», ajoute le député des Alpes-Maritimes qui estime qu’une écrasante majorité des Français veut moins d’immigration.

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Le président du Conseil constitutionnel a défendu ce vendredi «une décision juridique». Le Conseil constitutionnel n’est «pas là pour rendre des services politiques», mais «une décision juridique», a-t-il assuré sur France Inter.

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