Ne dort-elle jamais ? Qui ? Casablanca, voyons. Elle brille, de jour comme de nuit, avec ses lumières, ses panneaux publicitaires et ses immenses bâtiments. Elle est le cœur du Maroc, mais aussi son miroir. À elle seule, elle sait nous montrer tout ce qui ne va pas chez nous. Derrière le fard à joues, la poussière, derrière le fond de teint, la drogue, derrière le rouge à lèvres… l’on connaît tous cette expression !

Demanderiez-vous à une maman marocaine de se reposer ? Non ! Eh bien pour Casablanca, c’est la même chose. Veillant sur 36 millions d’habitants, le poumon économique du pays ne se repose jamais. Cette ville en a connu des rêves, des selfs made men et women, des drames, comme l’effondrement d’un pont sous la pluie battante, et pourtant, malgré tous ces êtres qui la peuplent, son énergie reste intacte.

Au lever du soleil, le monstre casablancais brille de son mystère. Les rayons du matin éclairent les anciens bâtiments Art déco, signes d’un passé colonial. Dans le brouhaha des rues, la prière du muezzin se mêle aux bruits des voitures. Ici, tout bouge. Ville vivante et complexe, Casablanca respire à différents rythmes : parfois fatiguée, mais toujours en mouvement.

Mais… tout s’essouffle un jour. Même une mère nourricière. La ville souffre. Les cicatrices sont aussi visibles dans les ruelles que les fissures sociales dans les quartiers populaires, où des rêves brisés cohabitent avec des espoirs tenaces. La modernité lutte ardemment pour se faire une place. Mais malgré les coups de projecteurs, la pauvreté et les problèmes sociaux du monstre ne sont pas invisibles. On peut les lire dans les yeux de ceux que la pauvreté rend impuissants.

Alors que la Marina scintille, les bidonvilles s’éteignent peu à peu, mais demeurent ! Les tours qui montent mettent de l’ombre sur des millions de familles vivant dans la difficulté. À Casablanca, richesse et pauvreté coexistent, s’entrelacent et se percutent.

L'éveil du monstre casablancais

Quartier Ain Sebaâ, place nommée Goulssa, où se vendent des briques, ciment… au détail. Un constraste frappant entre les différentes hauteurs d’immeubles, de maisons, villas et commerces © LeBrief

Mais ne soyons pas pessimistes. Nous ne pouvons réduire le monstre casablancais à ses faiblesses. C’est aussi, et avant tout, le personnage le plus audacieux du pays ! Idées innovantes, melting-pot social, cultures… Là où certains voient le chaos, d’autres trouvent une énergie brute et un potentiel immense. Artistes et entrepreneurs changent son image de jour en jour.

Mais comment réformer cette ville chaotique ? Et pourquoi chercher à la réformer ? Et si on l’acceptait telle qu’elle était : un monstre qui nous mènera loin.

Le monstre casablancais en quête d’équilibre

L'éveil du monstre casablancais

Contraste entre deux bâtiments que tout oppose. Le premier est moderne, quand le second se laisse aller. Rue d’Alger, Casablanca © LeBrief

Voyez Casablanca comme le patient d’un psychiatre en salle d’attente. Il se voit comme un monstre, incarne, à lui seul, 6 millions de personnes, pas forcément habitants, et autant de personnalités toutes aussi diverses. Il ne saurait lâcher prise pour, enfin, se reposer. Mais ce que le monstre casablancais ne sait pas, c’est qu’il incarne à la fois la vitalité d’un Maroc moderne et le leadership d’une grande ville en perpétuel changement.

Le patient ne saurait voir ses qualités : centre économique du pays, attirant de nombreux investisseurs, des cerveaux des quatre coins du monde… C’est normal. Le patient est submergé par ses problèmes : inégalités, tensions sociales, difficultés économiques de ses habitants…

Casablanca représente un Maroc à deux vitesses. Il faut dire que les contrastes sont évidents chaque jour. D’un côté, des quartiers riches comme Anfa et la Marina, qui affichent des maisons luxueuses, des bureaux modernes et de bonnes infrastructures. De l’autre, des périphéries qui abritent des zones défavorisées et des bidonvilles aux conditions de vie souvent déplorables et insalubres. « La ville doit faire face à un déficit en logements sociaux. Actuellement, 56.000 baraques subsistent, mais des appels d’offres sont régulièrement lancés pour réduire ce déficit. Nous espérons absorber ce problème grâce à une cadence soutenue dans les constructions », explique Abdessadeq Mourchid, porte-parole du Conseil de la ville à LeBrief.

Lire aussi : Bidonvilles, pourquoi y en a-t-il encore ?

Une grande partie de la population du monstre casablancais vit en dessous du seuil de pauvreté, malgré une ville qui produit presque 20% du PIB national. Rien ne va, malgré les efforts ! Les services publics, on en parle ? Où sont-ils ? Très insuffisants face à l’urbanisation rapide ! Y habiter, avoir accès à un médecin dans le public, ou encore trouver une place pour son enfant dans une école décente, est un combat de tous les jours. Le monstre casablancais est donc frustré, surtout lorsqu’il voit tous ces jeunes diplômés qui ont du mal à trouver un travail stable.

Et puis, si Casablanca insiste sur la mixité sociale, cela engendre d’autant plus de frustrations parmi ses habitants ! Quelle vue paisible de regarder les villas de Californie se construire lorsque les fins de mois sont difficiles à deux pas de là ! Il faut dire que les investissements ne sont pas les mêmes partout. Un centre-ville fleurissant aura son tramway, son ravalement de façade et ses espaces. Tandis que des zones comme Sidi Moumen, Hay Hassani ou encore Sbata seront négligées, jusqu’à la prise de contrôle de ses habitants. Pour faire court, si personne ne prend soin d’eux, ils le feront eux-mêmes et pas forcément de manière légale.

Ce que le jour doit à la nuit

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Quartier Attacharouk à Casablanca © LeBrief

Il y a les drogues dites légères, qui sont très accessibles pour les Casablancais. Celles-ci sont à présent dépassées par des substances bien plus nocives comme des drogues synthétiques, le karkoubi, des psychotropes, qui bien qu’ils soient bon marché, entraînent une dépendance rapide et des comportements violents. Les réseaux criminels se développent là où la ville a oublié ses habitants. Bien obligés de nourrir leur famille ! Ils trouvent des solutions à leur niveau, à défaut de s’en voir proposer par la mairie.

Casablanca fait aussi face à un immense problème qu’il est impossible d’ignorer : la prostitution ! Ok, disons-le franchement, au début, elle était une cause directe de la pauvreté. Un choix par défaut. À présent, c’est un choix de carrière. Les réseaux sociaux sont pleins d’hommes et femmes montrant leurs bienfaiteurs (sugar daddy), les cadeaux qu’ils ont reçus, les voyages qu’ils font… Et le soir, à Casablanca, le voile de la nuit s’étend sur ces problématiques, notamment à Aïn Diab. La prostitution à Casablanca n’est pas qu’un problème local, elle est intimement liée (sans mauvais jeu de mots) au tourisme sexuel.

Et puis, puisque nous avons fait le chemin jusqu’à Aïn Diab, il y a le problème de l’alcool. C’est un sujet épineux n’est-ce pas ? Pourtant les magasins d’alcool pullulent tous les jours. Eh oui, le monstre casablancais est le plus alcoolique de tous ses confrères marocains. Trêve de plaisanterie. Nous ne sommes pas là pour juger la consommation d’alcool, mais la mise en danger d’autrui suite à une surconsommation : accidents de la route, violences domestiques, chômage… Les ressources d’aide ou de désintoxication manquent affreusement dans cette ville.

Et il y a les petits délits, mais qui usent à force : vols, agressions, conflits au volant… Sur le plan psychologique, ces difficultés usent fortement les habitants, surtout les jeunes.

Casablanca l’audacieuse

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Boulevard Omar El Khayam à Casablanca © LeBrief

Malgré ses problèmes sociaux, Casablanca est une ville qui est en perpétuelle évolution. Sa transformation se fait à travers des infrastructures et des politiques, mais aussi à travers l’engagement de ses habitants, son potentiel économique et sa culture. Bien qu’il ait des problèmes, le monstre casablancais a un charme unique, et tente d’améliorer son image à coup de projets ambitieux.

Casablanca poursuit sa croissance avec des projets urbains qui ont pour objectif de la placer parmi les plus grandes villes du monde. Ces travaux, même critiqués parfois, (il faut dire qu’ils dépassent toujours le calendrier établi) montrent un désir fort de moderniser la ville.

Le littoral, longtemps ignoré, renaît. Le projet Wessal Casablanca-Port a pour but de transformer l’ancien port industriel en un lieu vivant, intégrant des zones résidentielles, des hôtels haut de gamme, des espaces verts et des centres commerciaux ! Rien que ça ! La transformation de la côte, visible à la Marina ou à la Corniche, permet aux habitants de se réconcilier avec leur mer.

Espérons juste que cette modernité, souvent offertes aux familles les plus aisées de la ville, ou aux touristes, soit accessible à tous. La mer, la vue et les bienfaits du magnésium appartiennent à tous.

Ajoutons à cela les problèmes de mobilité. Il y a encore quelques années, la plupart des Casablancais faisaient la queue pour un grand taxi, ou prenaient une voiture à crédit, difficilement remboursable. Aucune chance de faire autrement, le monstre casablancais est un embouteillage incessant. Le trafic chaotique n’a pas entièrement été remplacé, mais il a (légèrement), diminué avec l’arrivée du tramway, véritable mascotte de la ville d’ailleurs. On ne saurait dépeindre la ville sans son tram’. Il traverse la ville et connecte des quartiers qui étaient isolés.

« Parmi les grands chantiers en cours, on peut citer les pénétrantes de Casablanca. Il s’agit d’importants projets visant à améliorer la connectivité urbaine, notamment via l’autoroute urbaine. Certaines de ces pénétrantes sont déjà réalisées ou en cours de réalisation, tandis que d’autres sont en phase de financement ou d’étude technique. Elles visent à fluidifier la circulation et à connecter efficacement le nouveau stade, le Complexe Hassan II, qui sera implanté à Benslimane. Par ailleurs, le projet de RER, qui reliera Casablanca à Benslimane et la nouvelle autoroute entre Tit Mellil et Berrechid, actuellement en construction, sont également des initiatives importantes », nous explique Abdessadeq Mourchid (voir l’interview complète de Abdessadeq Mourchid en fin d’article).

Sociologiquement ce ne sont pas que des infrastructures. Des quartiers comme Sidi Moumen ou Aïn Sebaâ bénéficient d’une meilleure connectivité, créant de nouvelles opportunités économiques et sociales.

Mais l’un des objectifs les plus louables du monstre casablancais est de nettoyer ses poumons de toute cette pollution. Les nouveaux projets verts et durables incluent des parcs, comme le parc de la Ligue arabe, rénové récemment pour offrir un espace de détente. Parallèlement, des efforts sont faits pour intégrer des solutions énergétiques, à travers des initiatives de ressources renouvelables…

Le portefeuille du monstre casablancais

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Siège d’Attijariwafa Bank à Casablanca, sur boulevard Moulay Youssef © LeBrief

L’argent ne faisant pas le bonheur, le monstre souffre, malgré la plus grosse richesse du pays. Et pourtant, il doit se reprendre en main. Impossible de se reposer sur ses lauriers, il continue d’être ambitieux. Au cœur des ambitions économiques de la ville se trouve Casablanca Finance City (CFC). Comme son nom l’indique, il s’agit d’un centre financier international logé à Casablanca pour faire d’elle LE lieu de l’investissement africain. La CFC sait attirer de grandes sociétés internationales, ainsi que de nouvelles entreprises qui souhaitent profiter de la position géographique et des opportunités offertes par le Maroc.

Il y a aussi le développement de la zone Sidi Maârouf où des incubateurs comme Technopark élisent domicile. Et puis, dans l’autre sens (géographique) le centre industriel casablancais, avec des zones pour chaque secteur tels que l’automobile, l’aéronautique ou encore l’ancestral agroalimentaire. Le secteur des services, en particulier les banques, assurances et télécommunications, feront leur place au centre de la ville, dans des quartiers comme Abdelmoumen, Moulay Youssef ou encore Maârif.

Lire aussi : CFC : le cœur de la finance africaine

Là, le monstre casablancais devrait prendre conscience de son rôle de leader et devrait même donner des leçons aux autres villes marocaines. En effet, si chacune d’entre elles appliquait le même développement économique, nul ne serait obligé de quitter sa famille pour travailler à Casablanca.

Une culture vivante

Fresque murale réalisée par l’équipe Placebo Studio à Casablanca © Placebo Studio

Même si Casablanca est souvent perçue comme une ville axée sur les affaires, elle est également un lieu de créativité et de culture. Cet aspect, longtemps méconnu, est à présent important pour son identité.

Les murs de la ville, pour ne parler que d’eux, nous racontent des récits. Le street art, notamment, est devenu un mode d’expression très prisé pour de nombreux artistes locaux. De grandes fresques embellissent les quartiers, offrant une vision critique ou poétique de la vie à Casablanca.

Le cinéma aussi apporte sa propre visibilité internationale. Des films populaires, souvent réalisés ici, abordent les contradictions, défis et richesses de la ville.

Par ailleurs, chaque année, plusieurs festivals animent la ville en célébrant sa diversité culturelle. Jazzablanca, L’Boulevard et divers événements de théâtre et de danse contemporaine attirent des personnes de tout le pays. Cosmopolite dans sa mentalité, le monstre casablancais a tenté de rassembler tous les genres artistiques et musicaux, afin que tout le monde soit servi !

En dépit du peu d’espaces culturels, de nouvelles initiatives émergent. Le Théâtre Mohammed VI, des galeries d’art privées, la Villa des Arts… révèlent un vif intérêt pour la culture. Aussi, des événements organisés par Casa Patrimoine, permettent à chaque habitant, de longue date ou de passage, d’aller à la rencontre de son patrimoine.

Le challenge casablancais

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Le tramway casablancais, Place Mohammed V © LeBrief

Répondons directement, il est de taille. Commençons par le premier challenge. La ville a connu une urbanisation très rapide ces dernières décennies, notamment en raison d’une importante migration rurale. Impact de tout cela ? Un étalement urbain, un désordre ambiant, de nouveaux quartiers informels… Encore une fois, comme précisé plus tôt, si les autres villes se donnaient la peine de développer la même économie, les migrations ne seraient pas si importantes dans un seul et même endroit.

Nous avons déjà abordé les problèmes de bidonvilles. Parlons à présent de ceux du relogement. Oui, ils sont la bienvenue, évidemment. Encore faudrait-il qu’ils soient bien exécutés ! Les familles relogées doivent souvent faire face à un manque de transports publics, de centres de santé, d’écoles en périphéries… Mais c’est remplacer un problème par un autre !

Lire aussi : Casablanca : entre patrimoine et anarchie urbaine

Et puis, Casablanca, la belle, s’est transformée en monstre casablancais entièrement bétonné. De nombreux projets résidentiels, commerciaux et hôteliers surgissent souvent comme des champignons, au détriment des espaces verts. Qui dit moins d’espaces verts, dit

Les effets de cette urbanisation chaotique sont multiples : augmentation des îlots thermiques urbains, destruction de la qualité de l’air, réduction des espaces publics pour se rassembler et lâcher prise…

Une gouvernance à revoir

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Quartier Attacharouk à Casablanca © LeBrief

Gérer une grande ville comme Casablanca est un immense challenge. On ne peut être à la mairie et à la Santé ! Et pour cause. Les habitants se plaignent souvent du travail des institutions locales, notamment lorsqu’il s’agit de travaux à rallonge.

Pour information, la gestion de Casablanca ne dépend pas que de la mairie. Certaines tâches vont à la mairie, d’autres à la région et au gouvernement. Ça pourrait vouloir dire plus d’efficacité, et pourtant, ce serait mal connaître la bureaucratie locale. Avoir son permis de construire, régler un litige foncier ou aller à la Mokataâ peut vite prendre une journée.

Mais tout cela est normal. Comme diraient les Casablancais, ceux qui prennent les décisions pour notre ville n’ont pas nos problèmes. Et c’est exactement de cela qu’il s’agit : la participation des citoyens. Pourquoi leur opinion n’est-elle pas demandée pour des problèmes qui les concernent directement ?

Bon, ne soyons pas mauvaise langue, certaines actions comme les budgets participatifs ou les consultations publiques pourraient aider à créer un meilleur lien entre autorités et citoyens. Mais soyons honnête, si les Casablancais avaient pu donner leur avis, ils parleraient avant tout de la gestion des déchets ! Les décharges illégales sont de plus en plus nombreuses, les systèmes de collecte sont insuffisants et ne parlons même pas de la question du recyclage.

Les déchets s’amoncellent à vue d’œil dans certains quartiers et cela engendre un réel risque sanitaire, au-delà du problème esthétique qui fait honte à voir. Les Casablancais vivent déjà dans une pollution à peine acceptable, les problèmes d’eaux usées non traitées, aussi, nuisent à la vie marine, le manque d’espaces verts (moins de deux mètres carrés par habitant) est bien en-dessous des normes internationales. Et même ces deux mètres, parlons-en, ils sont souvent négligés et dans un état déplorable. Les élus en sont conscients et en parlent même.

Mourchid nous déclare que : « Sur le plan des espaces verts, Casablanca bénéficie déjà d’un certain nombre d’aménagements, notamment à Aïn Chock, avec le projet de réhabilitation du lac en partenariat avec l’ODA. En outre, le méga-projet de dessalement d’eau à Casablanca, situé à Dar Bouazza, sera un atout crucial. Ces projets répondent à une réalité structurelle : le stress hydrique est désormais une problématique durable pour la ville. D’autres initiatives incluent le recyclage des eaux usées, avec deux stations d’épuration déjà fonctionnelles. Cependant, il est important de noter que tous ces projets ne sont pas exclusivement liés à la Coupe du Monde. Certains, comme le dessalement, s’inscrivent dans une vision stratégique plus large ».

Bien que les challenges soient omniprésents, Casablanca a des occasions à exploiter pour un développement qui dure. Débutons par sa jeunesse. Plus de la moitié des habitants ont moins de 30 ans ! C’est toute une génération qui a du potentiel à revendre. Nous pouvons avoir parmi eux des lanceurs d’affaires, des génies de l’innovation, des artistes internationaux en herbe et peut être bien même le futur chef du gouvernement. Les jeunes peuvent jouer un rôle stratégique dans cette vaste pièce théâtrale qu’est la vie casablancaise. Ils peuvent se mobiliser pour les questions environnementales, créer des initiatives communautaires, comme des espaces de travail collaboratifs ou des centres culturels dans les quartiers populaires, soutenir l’intérêt numérique du pays. L’idée de ville intelligente pourrait se développer avec cette jeune génération afin d’améliorer les services et réduire la pollution.

Se réinventer sans renier son patrimoine

L'éveil du monstre casablancais

La Wilaya de la région Casablanca-Settat, Place Mohammed V © LeBrief

Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. 
Winston Churchill

Et c’est bien ça le terrible défaut du monstre casablancais. Malgré des journées du patrimoine, des livres, des représentations… Il semble avoir oublié son passé. À coups de constructions, de bétonisation, d’investissements dans des zones immeubles aux dépens des espaces historiques parfois, Casablanca perd son âme !

Pourtant, à l’instar d’autres villes comme Rabat, Tanger ou encore Fès, elle peut se réinventer tout en respectant ses racines. Être enraciné n’empêche personne de pousser vers le haut, au contraire, de fortes racines évitent de tomber au premier coup de vent. Le monstre devrait donc se pencher sur cet équilibre entre histoire et avenir.

C’est facile de critiquer, ou de faire la morale quand tout est clôturé. Mais ne vous inquiétez pas, nous avons bien une ou deux petites solutions, quoique nous puissions faire mieux que les spécialistes en la matière ! Casablanca doit prendre soin de ses quartiers historiques, Habous, Mers Sultan, Derb Sultan… La modernité peut être apportée par touches et rester cohérente avec le reste. Par exemple, ne pas construire un immeuble entièrement vitré, imposant, aux côtés d’une bâtisse historique sur Moulay Youssef… On dit ça, on ne dit rien ! Casablanca doit absolument s’inspirer de ses propres entrailles, à savoir de ses propres zones historiques, pour proposer une esthétique et une approche de l’urbanité centrée sur l’humain. Si la sauvegarde de son patrimoine architectural, qu’il soit Art déco ou traditionnel, n’est pas une priorité dans le développement, l’on pourrait croire que le monstre casablancais a honte de ses origines, qu’il tente d’effacer peu à peu. Pourtant, le patrimoine est à proprement dit ce qui fait le caractère d’une ville.

Peut-être, de cette manière, retrouverons-nous l’essence même de Casablanca, à savoir son esprit communautaire…

Interview avec Abdessadeq Mourchid, porte-parole du Conseil de la ville de Casablanca.


Abdessadeq Mourchid, porte-parole du Conseil de la ville de Casablanca © LeBrief


– Le Brief : Concernant la ville de Casablanca, quelles sont les initiatives prévues dans le cadre de la Coupe du Monde 2030 ?

– Abdessadeq Mourchid : C’est une question essentielle, d’autant plus que Casablanca est actuellement un vaste chantier à ciel ouvert. De nombreux projets sont en cours, qu’il s’agisse de projets structurants ou de proximité. En effet, chaque arrondissement voit actuellement l’ouverture de multiples chantiers.

En ce qui concerne la préparation, le point de départ est évidemment le stade du Complexe Mohammed V, qui fait l’objet d’une restructuration approfondie et qui devrait rouvrir prochainement, incha’Allah, pour accueillir les matchs du championnat ainsi que ceux de l’équipe nationale.
Parmi les grands chantiers en cours, on peut citer les pénétrantes de Casablanca. Il s’agit d’importants projets visant à améliorer la connectivité urbaine, notamment via l’autoroute urbaine. Certaines de ces pénétrantes sont déjà réalisées ou en cours de réalisation, tandis que d’autres sont en phase de financement ou d’étude technique.

– Le Brief : Ces aménagements contribueront-ils à faciliter les entraînements ?

– Abdessadeq Mourchid : Oui, tout à fait. Ils visent à fluidifier la circulation et à connecter efficacement le nouveau stade, le Complexe Moulay El-Hassan, qui sera implanté, incha’Allah, à Aïn Chock-Ben Slimane. Par ailleurs, le projet de RER, qui reliera Casablanca à Ben Slimane, et la nouvelle autoroute entre Tit Mellil et Berrechid, actuellement en construction, sont également des initiatives majeures.
Sur le plan des espaces verts, Casablanca bénéficie déjà d’un certain nombre d’aménagements, notamment à Aïn Chock, avec le projet de réhabilitation du lac en partenariat avec l’ODA. En outre, le méga-projet de dessalement d’eau à Casablanca, situé à Dar Bouazza, sera un atout crucial. Ces projets répondent à une réalité structurelle : le stress hydrique est désormais une problématique durable pour la ville.
D’autres initiatives incluent le recyclage des eaux usées, avec deux stations d’épuration déjà fonctionnelles. Cependant, il est important de noter que tous ces projets ne sont pas exclusivement liés à la Coupe du Monde. Certains, comme le dessalement, s’inscrivent dans une vision stratégique plus large.

– Le Brief : Dispose-t-on d’un budget global pour ces réalisations à l’horizon 2030 ?

– Abdessadeq Mourchid : Pas encore de manière précise. Il existe une convergence entre les différents niveaux institutionnels – la région, le conseil préfectoral, la ville – et l’État. Tous unissent leurs efforts pour établir des conventions et consolider les financements nécessaires. Ainsi, les budgets locaux, régionaux et nationaux se complètent pour soutenir ces projets.
Casablanca reste confrontée à des défis majeurs, notamment en termes de mobilité. Heureusement, des avancées sont notables avec l’opérationnalité des lignes T3 et T4 du tramway, ainsi que du busway. L’interopérabilité de ces réseaux est à l’étude pour une mise en œuvre prochaine. Ces initiatives visent à améliorer durablement les déplacements dans la ville.
L’organisation de la Coupe du Monde constitue, au-delà de l’événement en lui-même, une opportunité pour restructurer et mettre à niveau les infrastructures du pays. Prenons exemple sur des précédents tels que l’Espagne en 1982 ou le Brésil. Ces événements ont généré une mobilisation nationale pour améliorer les infrastructures et le cadre de vie.
En matière de stationnement, un projet de parking à proximité du Complexe Mohammed V est en cours d’étude. Ce dernier permettra d’absorber un volume important de véhicules, un enjeu crucial dans cette zone.

Pour ce qui est de l’immobilier, nous constatons un fort engouement pour Marrakech. À Casablanca, particulièrement dans l’arrondissement de Maârif, la demande reste très élevée. Une étude de L’Économiste classe d’ailleurs le Maârif en tête pour son attractivité immobilière. Cependant, la ville doit également faire face à un déficit en logements sociaux. Actuellement, 56.000 baraques subsistent, mais des appels d’offres sont régulièrement lancés pour réduire ce déficit. Nous espérons absorber ce problème grâce à une cadence soutenue dans les constructions.

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