Accueil / Société

Les futurs médecins face à une situation sociale difficile

Temps de lecture

Photo illustration DR ©

Une nouvelle enquête sur les futurs médecins au Maroc vient tirer la sonnette d’alarme sur les conditions précaires des étudiants. À en croire cette étude, réalisée par la Commission nationale des étudiants en médecine, en médecine dentaire et en pharmacie (CNEMEP), 50% de ces étudiants trouvent des difficultés à payer leur loyer, alors que 37% ne mangent pas à leur faim. Les éclaircissements de Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.

La Commission nationale des étudiants en médecine, en médecine dentaire et en pharmacie du Maroc (CNEMEP) a livré les conclusions d’une enquête, menée entre le 9 et le 16 avril 2022 et à laquelle ont participé plus de 5.314 étudiants. Ils ont été interrogés sur leurs conditions économiques et sociales. Selon l’étude, cette génération de médecins est fragilisée par les difficultés financières, l’aggravation de l’état psychologique et l’incompréhension des décisions politiques relatives aux réformes en cours.

La majorité des étudiants ayant répondu au formulaire sont Marocains (97%), dont 91% sont inscrits en médecine générale, 4,7% en pharmacie et 4,2% en médecine dentaire. Parmi les participants, quelque 59,4% sont de sexe féminin, contre 40,6% de sexe masculin.

Les limites financières

Au niveau des limites financières, 64% des étudiants dépendent des indemnités et des bourses pour vivre et assurer leurs études. 92% se trouvent pour leur part dans l’obligation de se tourner vers leurs familles pour participer au financement de leurs études. Il ressort également de cette enquête que 78% d’entre eux se sont retrouvés, au cours de ces 12 derniers mois, dans l’obligation de demander de l’aide à leur famille.

Ce manque de financement pousse presque 60% des étudiants à sauter des repas. 30% affirment renoncer à des soins, tandis que 64% soulignent l’impossibilité de partir en vacances.

Cette situation affecte directement la qualité de leur formation ainsi que leur vie sociale, santé générale et hygiène quotidienne, indique l’étude. Pire encore, cette investigation signale que 26% des étudiants se trouvent parfois dans l’obligation de renoncer à des produits d’hygiène primaires (savon, nécessaire de toilette).

Lire aussi: Médecine : le sort incertain des étudiants marocains rentrés d’Ukraine

Problèmes liés au logement et au transport

En moyenne, les futurs médecins doivent payer 2.584 DH pour un logement situé à près de 40 minutes de leur faculté et terrain de stage. 50% d’entre eux reconnaissent être confrontés à des difficultés pour en assurer le budget.

Ces étudiants ont comme moyen de déplacement la marche (24,69%), la voiture (21,65%), le taxi (17,60%), ou un autre moyen de transport public, à savoir le bus ou le tramway (29,61%), vélo ou autre.

Certains (42,3%) se sont retrouvés contraints d’habiter loin du lieu de leurs études, en raison de la cherté du loyer.

Une alimentation déséquilibrée

D’après l’enquête, l’étudiant se retrouve contraint à gérer son alimentation avec un budget restreint. En effet, 37% des étudiants estiment que leurs ressources financières ne leur permettent pas de manger à leur faim. Et parmi l’ensemble des participants, 54.36% trouvent que leur budget ne leur permet pas de manger équilibré. 58% ont modifié leurs habitudes alimentaires depuis qu’ils sont étudiants, alors que 96% déclarent n’avoir jamais reçu de repas de garde dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU).

Commentant ces données, Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, explique que la vie de tous les étudiants dans les facultés marocaines est précaire, mais celle des étudiants en médecine l’est encore plus.

«Les étudiants en médecine ont des charges financières durant toute l’année, avec les cours et les stages qu’ils doivent effectuer. La plupart viennent de la classe moyenne, sachant que le parcours des études est long et difficile», souligne-t-il.

Selon lui, les futurs médecins souffrent aussi au niveau de la formation, ce qui explique d’ailleurs que plus des deux tiers (71,1%) envisagent  en dernière année de quitter le pays. «Le nombre des médecins enseignants est insuffisant pour garantir une certaine qualité de formation», ajoute notre interlocuteur.

Interrogé sur les solutions attendues, Tayeb Hamdi insiste sur le rétablissement de l’image de la profession. «L’image du médecin est aujourd’hui dégradée. Il faut rendre l’exercice de la pratique médicale attractive avec une amélioration des conditions de formation et de vie».

Lire aussi: Conseil de gouvernement : augmentation de 2.000 DH pour les étudiants en médecine

Que propose la CNEMEP ?

La quasi-totalité des étudiants (96%) affirme que les indemnités de fonction actuelles ne sont même pas suffisantes pour avoir un mode de vie minimal correct. Les étudiants estiment qu’ils devraient percevoir en moyenne 2.706,6 DH par mois en vue des dépenses relatives au transport, au logement et à l’alimentation.

La rémunération des gardes reste aussi une obligation dont presque la totalité des étudiants (95.7%) affirme l’urgence de sa mise en place. Ils veulent aussi que leurs indemnisations soient revues à la hausse.

Enfin, 93,7% des étudiants se disent insatisfaits des mesures entreprises pour soutenir leur vie. 98,9% estiment que plus d’efforts doivent être entretenus pour les aider en termes de dépenses.

Dernier articles
Les articles les plus lu

RGPH 2024 : vieillissement de la population, urbanisation et défis économiques

Société - Les résultats du dernier RGPH 2024 révèlent des changements profonds dans la structure démographique et socioéconomique du Maroc.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Les ministres arabes de l’Habitat unis pour un développement urbain durable à Alger

Afrique, Diplomatie, Société - Hicham Airoud, directeur de l’Habitat et de la Promotion immobilière, a dirigé la délégation marocaine à la 41e session du Conseil des ministres arabes de l'Habitat et de l'Urbanisme à Alger.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Le CSPJ rappelle ces magistrats à l’ordre

Société - Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) démontre une volonté affirmée d’instaurer une gouvernance plus intègre.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Travaux imprévus à Maarif, circulation paralysée, la goutte de trop

Société - Les Casablancais qui empruntent le quartier Maarif sont confrontés à un véritable casse-tête. Des travaux… Encore !

Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024

Peines alternatives : vers une justice plus humaine

Société - La justice marocaine franchit un cap avec l’entrée en vigueur de la loi sur les peines alternatives, un texte ambitieux visant à moderniser le système judiciaire.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Arts et métiers : une ambition maroco-française au service de l’innovation industrielle

Société - Le 5ᵉ CA de l’école Arts et Métiers, campus de Rabat, s’est tenu le 16 décembre 2024 sous la présidence de Ryad Mezzour.

Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024

Enseignement : des réformes urgentes face à un système en crise

Société - Le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un état des lieux préoccupant du secteur de l’enseignement au Maroc.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Spoliation immobilière : un homme d’affaire écope de six ans de prison ferme

Société - La Chambre criminelle de première instance a condamné Abdallah Boudrika à six ans de prison ferme pour spoliation immobilière.

Mbaye Gueye - 16 décembre 2024
Voir plus

Solitude urbaine : l’invisible poids des villes

Dossier - La solitude urbaine au Maroc n’est pas qu’une anecdote, elle est le reflet d’une fracture sociale, d’une urgence humaine.

Sabrina El Faiz - 16 novembre 2024

Immigration en Italie : les Marocains en 3e position

Société - Avec 342.469 ressortissants en 2023, les Marocains représentent 7,8% de la population étrangère en Italie.

Farah Nadifi - 3 décembre 2024

MRE, qui ne veut pas de vous ?

DOSSIER - C’est l’histoire d’un MRE qui a failli perdre la vie dans une altercation autour d'une terre. Une affaire sordide où advient aussi le « racisme anti-MRE ».

Sabrina El Faiz - 21 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire