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Les classes défavorisées, les plus impactées par la corruption

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Mohamed Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLCC) © DR

Le Royaume se dirige vers un assainissement de son économie à l’échelle nationale, en faisant de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. En effet, le Maroc obtient un score de 38/100 au titre de l’IPC 2023. Le pays enregistre ainsi un repli de 5 points sur les cinq dernières années. Le Baromètre africain a établi le constat que ce sont les classes démunies et marginalisées, ainsi que les populations des zones reculées qui sont les plus impactées par la corruption. C’est dans cette démarche que l’INPPLC a entamé une nouvelle dynamique où il y aura une synergie des différents acteurs concernés pour lutter contre ce phénomène endémique.

Le rapport annuel de l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) pour l’année 2023, constitue le premier rapport qui couvre une année entière. Cela intervient dans un contexte préoccupant, avec une corruption endémique à l’échelle nationale. Il est alors nécessaire d’engager une réelle dynamique fondée sur une nouvelle approche qui a pour assise les réalisations accumulées et dépasser ainsi les obstacles. La synergie entre les acteurs est ainsi prépondérante pour rendre les actions efficaces.

L’instance a engagé depuis 2019 plusieurs chantiers et travaux, visant à construire les bases solides d’une transition vers une nouvelle ère de prévention et de lutte contre la corruption. Ce momentum marquera progressivement la fin du fléau de la corruption. C’est une condition sine qua non afin de libérer le plein potentiel de développement du Royaume. Aussi les conditions idoines sont réunies pour entamer cette transition et mettre en place une stratégie nouvelle génération dans le cadre d’une approche renouvelée.

Privilégiant une approche holistique de lutte contre la corruption, en englobant divers aspects tels que l’éducation, la sensibilisation et la mobilisation, la prévention, la dissuasion et la répression. In fine, crédibilité du changement reconstruction de la confiance, constituent deux facteurs indispensables pour impulser une dynamique nationale afin d’endiguer le phénomène de la corruption, et réduire significativement ses effets nocifs sur les citoyens, sur l’économie et le développement. C’est une lourde responsabilité qui incombe à l’Instance, et c’est une confirmation de son engagement à mobiliser toutes ses capacités afin de réaliser cette mission avec efficience.

A travers ce rapport, l’Instance souligne l’affermissement des différents chantiers qui appuient la nouvelle stratégie. Plusieurs axes se dessinent notamment :

Axe 1 : Diagnostic de la corruption

Le premier axe consiste à diagnostiquer la situation de la corruption sur les plans international, régional et national. Pour souligner l’évolution de la corruption sur le plan international, l’Instance a examiné les résultats de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC), pour la majorité des pays dans le monde. Ainsi, 86% des pays n’ont enregistré aucun progrès important au cours des dix dernières années. La conclusion de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC), est que la moyenne générale du score mondial a été maintenue à 43/100. Les scores les plus élevés enregistrés se situent en Europe de l’Ouest et dans l’Union européenne (65/100), suivis des pays d’Asie et du Pacifique qui ont enregistré un score moyen de 45/100. Quant aux pays d’Amérique, ils ont obtenu un score moyen de 43/100, tandis que les pays de la région MENA ont enregistré un score moyen de 38/100. L’Europe de l’Est et l’Asie centrale affichent un score moyen de 35/100. Quant à l’Afrique subsaharienne, elle a obtenu un score moyen de 33/100.

Par ailleurs, l’IPC souligne la corrélation entre l’augmentation des taux de corruption et la détérioration de la paix dans le monde. Avec une baisse de 0,42% de la moyenne de l’indice de paix dans les pays en 2023. Les causes de cette diminution se trouvent dans une augmentation des disparités mondiales dû à une concentration économique exacerbée. Il existe aussi une corrélation entre la corruption et la régression des droits politiques et civils.

A l’échelle régionale, l’Instance a noté que la région MENA, a obtenu un score moyen de 34/100 au titre de l’IPC en 2023. Ainsi, la propagation de la corruption entrave le progrès dans diverses zones de la région, et augmente les disparités sociales et territoriales, ainsi que les risques d’instabilité politique et de recrudescence des conflits. Au niveau africain, plusieurs facteurs expliquent que 90% des pays d’Afrique subsaharienne continuent à avoir des scores inférieurs à la moyenne de 50 points. Notamment la propagation dans certains pays de conflits armés, l’instabilité politique, les violentes transitions de pouvoir et l’augmentation des menaces terroristes.

A l’échelle nationale, le Maroc obtient sur l’année 2023, un score de 38/100 au titre de l’IPC. Enregistrant ainsi un repli de 5 points sur les cinq dernières années. In fine, le Royaume se classait en 2018 au 73e rang parmi 180 pays passant en 2023 au 97e rang parmi 180 pays, soit un recul de 24 rangs durant les cinq dernières années. Le Baromètre africain a établi le constat que ce sont les classes démunies et marginalisées, ainsi que les populations des zones reculées qui sont les plus impactées par la corruption. Aussi, l’Instance relève que la corruption a été identifiée comme la deuxième principale entrave à laquelle sont confrontées les entreprises au Maroc.

Axe 2 : Stratégies des politiques publiques

Le deuxième axe s’articule autour de l’évaluation de la mise en œuvre, de la coordination et de l’orientation des stratégies et politiques publiques. Ainsi, l’instance souligne la faible mobilisation des responsables concernés, l’absence d’une coordination efficace et du contrôle des programmes et projets, la prédominance de la gestion sectorielle au détriment de la logique de programmation, la non-consécration d’une méthodologie dans la définition d’une des priorités au niveau du ciblage, et aussi la persistance de la faible lisibilité par rapport aux budgets accordés aux différents programmes de stratégie nationale, ainsi que le non-accompagnement de la stratégie d’un plan de communication adéquat et objectif permettant de crédibiliser les politiques adoptées et de mobiliser les citoyens, les acteurs économiques et les autres parties prenantes.

Deux piliers fondamentaux prédominent notamment, d’une part l’approfondissement de la connaissance objective du phénomène de la corruption, de son évolution et l’anticipation sur le développement de ses manifestations. D’autre part, la transformation digitale de la société dans son ensemble et de l’administration publique en particulier. Ces deux piliers constituent des leviers systémiques fondant les opérations stratégiques de la politique de l’Etat, consolidant ainsi la transparence et la prévention de la corruption.

Axe 3 : Recommandations de l’Instance

Quant au troisième axe, il repose sur les recommandations et les propositions de l’instance : pour une interaction dans le cadre de la convergence et la complémentarité institutionnelles. Ainsi, l’Instance s’oriente vers l’exploitation de la technologie pour la mise en place d’une plateforme électronique interactive qui répondra aux exigences d’accès, de ciblage, d’identification des corrélations, des niveaux d’obligation, de convergence et de différence, ainsi que les multiples liens qui renvoient vers les guides et les références des conventions. Aussi, l’Instance diagnostique la thématique de l’abus de fonctions dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. A travers le diagnostic global de ce phénomène, permettant de le catégoriser parmi les actes de corruption et de le sortir de la catégorisation sexuelle, qui a tendance à l’assimiler à de simples actes immoraux ou à un harcèlement sexuel.

Axe 4 : Gouvernance Institutionnelle

Le quatrième axe s’articule autour de la gouvernance institutionnelle de l’instance et l’organisation de la décision collective par les organes. Ainsi, au titre de l’année 2023, l’Instance a approuvé la Charte d’intégrité « Nazaha » qui constitue un cadre éthique et déontologique qui formalise l’adhésion de l’ensemble des composantes de l’Instance aux principes et règles qu’ils s’engagent à respecter lors de l’accomplissement des missions qui leurs reviennent dans les différentes dimensions de supervision, d’orientation, de délibération et de gestion. En 2023, l’Instance a reçu 85 plaintes et dénonciations. Le rapport a mis en lumière le nombre de dossiers relatifs aux plaintes et dénonciations que l’Instance a décidé de classer sans suite, en précisant les bases et les dispositions juridiques sur lesquelles ces décisions ont été fondées.

Axe 5 : Coopération nationale et internationale

Le cinquième axe s’articule autour des activités de coopération nationale et internationale. L’INPPLC a conclu une convention de coopération avec l’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF), qui définit les termes de la coopération et de la coordination entre les deux institutions, sur des bases de référence et des principes directeurs en vue de garantir une coopération constructive qui répondrait à leur aspiration commune de parvenir à une gestion efficace et efficiente des efforts de prévention et de lutte contre la corruption, dans toutes ses dimensions et en lien avec la lutte contre le blanchiment des capitaux. Aussi la mise en œuvre de la coopération quadripartite signée avec les institutions de régulation du secteur financier (Bank Al-Maghrib, l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale), matérialisée par une rencontre qui bénéficie aux intervenants dans le marché des capitaux sur les risques de corruption et les moyens d’y faire face. Mais aussi le partage des meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption au bénéfice des courtiers d’assurance. De même, l’Instance a organisé une conférence sectorielle sur la gestion des conflits d’intérêts, avec la participation de 90 cadres et responsables des trois composantes du secteur financier.

Axe 6 : Renforcement de la communication de l’Instance

Le sixième axe, consiste aux activités fonctionnelles et au renforcement des capacités de support. La communication constitue un axe essentiel de l’ouverture de l’Instance sur son environnement à travers l’élaboration d’une feuille de route sur la communication digitale de l’Instance, notamment pour renforcer sa présence dans les réseaux sociaux. L’Instance est aussi présente dans les différentes tribunes médiatiques, ce qui a contribué à la promotion de l’Instance, de ses messages et de ses avis à grande échelle à l’occasion de rencontres programmées durant toute l’année 2023.

Aussi dans le cadre de l’élaboration de son plan d’action pour la période 2023-2025, l’INPPLC a mis à jour sa méthodologie et son cadre de travail à travers l’élaboration d’un guide complet et intégré des procédures de fonctionnement de l’Instance. L’Instance a également créé un Centre d’expertise pour la Gestion des Projets (PMO), chargé de gérer son plan d’action et les projets qui en découlent. De même, l’Instance a développé ses systèmes d’information, ses moyens de communication et ses infrastructures connexes. Œuvrant à la dématérialisation complète du service de réception et d’examen préliminaire des plaintes et dénonciations. L’Instance a aussi achevé la mise en œuvre du «Projet National de l’Intégrité» qui vise à consolider et unifier toutes les informations relatives à l’intégrité, la transparence et la prévention de la corruption au Maroc, grâce à une large implication des départements ministériels.

Concernant la gestion financière et budgétaire de l’Instance, le budget total de l’INPPLC au titre de l’année 2023 s’est élevé à 198.229.000 DH. En ce qui concerne la régie des dépenses, un total de 1.130.000,00 DH a été alloué en 2023 aux demandes d’autorisation de paiement par voie de régie

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