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Les banques françaises se retirent du continent laissant place à l’essor des banques marocaines

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En réponse à l’évolution du secteur bancaire en Afrique, la Société Générale envisage de vendre ses parts dans SG Maroc à Saham, reflétant une tendance de retrait des banques françaises, accentuée depuis 2008. Par contraste, Abdelghani Youmni, économiste spécialisé dans l’intelligence économique et les politiques publiques, interviewé par nos soins indique que les banques marocaines exploitent cette opportunité pour étendre leur influence en Afrique, adoptant des stratégies proactives pour stimuler la bancarisation et l’inclusion financière. Une démarche qui témoigne de leur capacité à naviguer habilement dans un paysage économique et réglementaire complexe.

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Dans un climat de spéculation croissante, la Société Générale semble prête à céder sa place historique au Maroc, une décision qui pourrait redéfinir son héritage en Afrique. La rumeur court sur la vente envisagée de sa majorité de 57% dans SG Maroc pour un montant estimé à 732,5 millions d’euros. Saham, dirigée par Moulay Hafid Elalamy, est pressentie pour cette acquisition, avec Lazard orchestrant l’opération, sous réserve de l’approbation réglementaire marocaine.

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Ce retrait s’insère dans une tendance plus vaste de désengagement des banques françaises d’Afrique. Cette mouvance a été accélérée après la crise financière de 2008, et est due à des pertes importantes et au renforcement des régulations. Le Crédit Agricole, suivi par le groupe BPCE et la BNP, ont déjà réduit leur empreinte sur le continent. Estelle Brack, spécialiste des questions bancaires, observe que ce mouvement, bien qu’attendu, reflète une restructuration stratégique globale face à un environnement économique en mutation. Cette dynamique est non exclusive aux banques françaises, mais partagée par d’autres établissements européens.

La stratégie des banques françaises face aux défis globaux

La décision des banques françaises s’inscrit dans une stratégie plus large axée sur la rentabilité et la gestion du risque, révélée dans un climat économique mondial difficile et un environnement géopolitique incertain. En septembre 2023, lors d’une allocution aux investisseurs, Slawomir Krupa, dirigeant de la Société Générale, a souligné l’importance d’une allocation de capital plus efficace et d’une gestion des risques améliorée. Ces éléments sont essentiels dans le processus de désengagement du continent africain. Selon Estelle Brack, économiste spécialisée dans les questions bancaires et financières, l’arbitrage entre risque et rentabilité constitue le pivot de cette démarche, illustrée par les actions de BNP Paribas. La banque a, depuis 2020, vendu six de ses filiales africaines.

Cette orientation stratégique est également dictée par les contraintes réglementaires accrues post-crise financière de 2008. Les exigences renforcées des ratios de Bâle III poussent les banques à privilégier des actifs de qualité et à réduire leur exposition aux secteurs jugés risqués. Bien qu’il puisse exister une disparité entre le risque réel et le risque perçu, le continent africain est souvent vu depuis l’Europe comme un terrain exigeant en termes de capital prudentiel. La Société Générale, anticipant ces perceptions, a annoncé en juin la vente de quatre de ses filiales (Congo, Guinée équatoriale, Mauritanie, Tchad), escomptant un effet positif notable sur son ratio de solvabilité CET1, critère déterminant de la santé financière d’une banque. Ce mouvement stratégique révèle une réorientation profonde des banques françaises, cherchant à optimiser leur structure de capital dans un environnement global de plus en plus compétitif et régulé.

Défi et adaptation

Au cours des vingt dernières années, l’Afrique a connu une trajectoire de croissance remarquable, portée par un dynamisme économique et l’expansion d’une classe moyenne émergente. Toutefois, cette tendance positive a été brutalement interrompue par la pandémie de Covid-19, suivie de près par les répercussions économiques de la guerre en Ukraine, perturbant l’ordre économique mondial. Ces événements ont déclenché une inflation galopante et une hausse des taux d’intérêt, replaçant les risques géopolitiques au centre des préoccupations dans l’évaluation des risques globaux.

Dans ce contexte, le désengagement des banques françaises en Afrique, tel que le souligne Estelle Brack semble être une réaction logique à ces conditions modifiées. Cette restructuration vise principalement à améliorer la rentabilité en se séparant des activités jugées trop risquées et en optimisant les coûts en capital au sein des maisons mères. Ces dernières sont étroitement surveillées par la Banque centrale européenne (BCE). Cet ajustement stratégique reflète une adaptation prudente aux réalités économiques mondiales fluctuantes, mettant en lumière les défis inhérents à la conduite des affaires dans des environnements à haut risque.

Le triomphe des banques marocaines sur le marché international

Dans un entretien accordé à LeBrief, Abdelghani Youmni, économiste spécialisé dans l’intelligence économique et les politiques publiques, a livré son analyse sur l’ascension fulgurante des banques marocaines sur le marché international. Selon lui, cette réussite peut être attribuée à une combinaison de facteurs stratégiques et d’évolutions structurelles au sein du système bancaire marocain.

Au milieu des années 90, précisément entre 1994 et 1998, les banques françaises ont considérablement renforcé leur présence au Maroc, tirant parti d’un programme ambitieux de libéralisation financière. Cette période a vu le retour sur fonds propres (ROE) et les bénéfices nets des banques s’envoler. Ils ont été respectivement multipliés par 9 et par 10, tandis que le taux de bancarisation bondissait de 20% à plus de 78%.

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Youmni souligne l’importance de l’intégration financière accrue, de la concentration du système bancaire marocain et de l’avancement technologique et procédural comme leviers permettant aux banques marocaines d’accroître leur part de marché. Parallèlement, les banques françaises ont opéré un repositionnement stratégique vers des marchés favorisant davantage les produits dérivés, les profits sur arbitrages, les fonds d’investissement et les plus-values de court terme, ainsi que l’accompagnement des investissements directs étrangers vers l’Europe, les États-Unis et l’Asie.

En 2022, l’empreinte des groupes bancaires marocains s’étendait à l’échelle du continent africain à 45 filiales et 4 succursales réparties dans 27 pays, couvrant toutes les régions du continent. Leur chiffre d’affaires combiné frôlait les 180 milliards de DH, réparti entre Attijariwafa Bank (45%), Bank of Africa (29%) et la Banque Centrale Populaire (26%).

Youmni insiste sur le rôle catalyseur de l’internationalisation des banques marocaines, non seulement en termes de développement économique mais aussi de financement des écosystèmes entrepreneuriaux et des investissements directs à travers le continent, soulignant ainsi une stratégie d’expansion panafricaine réussie.

L’approche proactive des banques marocaines face aux risques en Afrique

Dans la continuité de son entretien avec LeBrief, Abdelghani Youmni aborde la manière dont les banques marocaines ont su naviguer dans les eaux complexes des risques et de la conformité réglementaire sur les marchés africains, en particulier là où les banques françaises ont opté pour le retrait en raison de défis similaires. L’expert souligne que les institutions marocaines se distinguent par leur capacité à anticiper les risques et leur solide assise financière. Leur engagement dans le financement de la dette publique nationale souveraine de haute qualité leur confère une position avantageuse.

Youmni explique que le retrait des banques françaises résulte d’un ensemble de facteurs, incluant des décisions stratégiques et des contraintes géopolitiques, ainsi que des normes juridiques plus strictes imposées en Europe et en France. Il cite plusieurs obstacles spécifiques aux marchés africains, tels que la limitation du marché bancaire, un faible taux de bancarisation, la concurrence du mobile money, l’absence relative de marchés financiers, et la prédominance de l’économie informelle.

Sur le plan réglementaire, les normes prudentielles introduites par la BCE entre 2017 et 2018 ont posé de nouveaux défis, bien que leur application ait été graduelle et moins rigoureuse en dehors du périmètre européen. Ces régulations ont réduit le taux des créances en souffrance, en introduisant des mesures strictes telles que la Nouvelle Définition du Défaut (NDOD), qui complique l’évaluation des clients, le Back Stop, exigeant des provisions quasi-totales pour certaines garanties, et les exigences de solvabilité de Bâle III, qui déterminent que les fonds propres d’une banque doivent représenter au moins 3% de l’ensemble de ses actifs.

En somme, les défis de conformité, couplés à un environnement économique et politique instable, à la faible rentabilité des marchés, à la dépendance aux matières premières, et à une certaine défiance envers la France, ont accéléré le retrait des banques françaises du continent. Les banques marocaines, en revanche, ont su tirer parti de cette situation, affirmant leur présence et leur expansion sur le continent grâce à une stratégie adaptative et proactive face à ces risques et contraintes.

Les banques marocaines et l’expansion des services financiers en Afrique

Face à une pénétration bancaire encore limitée en Afrique, les banques marocaines ont tiré parti du retrait stratégique de leurs homologues étrangères pour remodeler le paysage financier africain, s’appuyant sur leur riche expérience acquise sur le marché national. Abdelghani Youmni explique que, contrairement aux banques françaises et britanniques, engagées dans une phase de transition et de transformation sur le continent, les institutions marocaines adoptent une approche offensive en termes de pénétration et d’implantation.

Traditionnellement, les banques européennes se sont concentrées sur la gestion des comptes de grandes entreprises internationales, laissant de côté une large portion du marché potentiel. À l’inverse, les banques marocaines ont adopté une stratégie dite «colliers de perles», visant à séduire une clientèle variée, embrassant ainsi l’adage selon lequel les dépôts engendrent les crédits, y compris dans les segments les moins rentables.

Dans leur quête d’accroître l’accès aux services bancaires en Afrique, les banques marocaines aspirent à reproduire leur succès national. Elles visent à stimuler la bancarisation à travers le continent, favorisant ainsi l’émergence d’une nouvelle classe sociale africaine dotée d’une propension croissante à l’endettement. Cela inclut une demande accrue pour des produits financiers tels que les crédits immobiliers et à la consommation, témoignant d’une stratégie ambitieuse pour transformer le paysage économique africain et promouvoir l’inclusion financière.

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