Image d’illustration. © DR
Le port de Jorf Lasfar a récemment été doté d’un marégraphe : un nouvel outil de planification, pour alerter en cas de risque de tsunami. Et qui sert à atténuer les dommages de telles catastrophes naturelles. Cette installation intervient dans le cadre du projet Coastwave. Ce dernier est dirigé par le laboratoire géosciences marines et sciences du sol de l’Université Chouaïb Doukkali (UCD) et le Centre national de recherche scientifique et technique. En partenariat avec l’Intergovernmental Oceanographic Commission (IOC-Unesco), ce projet contribuera, selon ses initiateurs, à la prévision des phénomènes naturels résultant des tsunamis. L’objectif étant de trouver les moyens appropriés pour y répondre.
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À terme, les communautés sélectionnées dans le cadre du système d’alerte aux tsunamis et de l’intervention d’urgence pour l’Atlantique Nord-Est, la Méditerranée et les mers adjacentes (NEAMTWS) devraient avoir, d’ici fin 2023 une meilleure compréhension des risques liés aux tsunamis. Ainsi, Chypre, l’Égypte, la Grèce, Malte, le Maroc, l’Espagne et la Turquie pourront mieux gérer les stratégies de communication pour gérer les risques. Ils disposeront aussi d’un cadre amélioré pour la durabilité du réseau IDSL (Inexpensive Device for Sea Level) existant.
Il convient de préciser que c’est l’UNESCO qui est mandatée pour coordonner les systèmes d’alerte dans les différents bassins. Depuis 2005, l’organisation a élargi sa gouvernance à l’Océan indien, aux Caraïbes, à la Méditerranée et à l’Atlantique Nord-Est. Une démarche qu’elle a adoptée après le tsunami de Sumatra en 2004 (250.000 morts). Dans le Pacifique, cette gouvernance existe depuis les années 1960. Selon les spécialistes, un système d’alerte complet repose, sur plusieurs éléments. Il s’agit de l’organisation, l’aspect dit opérationnel, l’évaluation du risque et la prévention des populations.
Si un système d’alerte rapide avait été mis en place lorsque le tsunami a frappé la région de l’Océan indien le 26 décembre 2004, des milliers de vies auraient pu être épargnées. Cette catastrophe a servi de rappel à l’ordre, aux gouvernements, entre autres, quant à l’importance du rôle des alertes rapides pour prévenir et réduire les impacts humains et physiques des aléas naturels
–Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies (1997-2006).
Un marégraphe à double usage
Par ailleurs, dans une déclaration à la MAP, le Pr Khalid El Khaldi, coordinateur du projet, a indiqué que l’installation au port d’El Jadida d’un marégraphe a un double usage. Le premier, a-t-il expliqué, concerne la mesure en continu du niveau de la mer et le transfert de la donnée en temps réel. Cette tâche est très utile pour les travaux de recherche sur les changements climatiques et variation de niveau marin.
Le deuxième usage, a-t-il poursuivi, est conçu pour détecter les variations brusques des niveaux de la mer. «L’intérêt de la mise en place d’une telle structure est de prévoir pour pouvoir lancer une alerte dans un temps compatible avec les capacités de réaction des services compétents», a-t-il détaillé.
À noter que la faculté des Sciences d’El Jadida a organisé, mercredi dernier, une journée de formation au profit d’une vingtaine de techniciens. Celle-ci a porté sur «l’utilité et les aspects techniques du marégraphe».
S’il reste l’outil standard de mesure du niveau de mer, le marégraphe possède un inconvénient majeur. Lorsqu’il permet de détecter un tsunami, il ne permet cependant pas de déclencher d’alerte sur site. Le marégraphe devient cependant un outil d’alerte à partir du moment où il fonctionne en réseau. En, ce sens, le Centre commun de recherche de la Commission européenne (EC- JRC) a déjà installé 40 marégraphes IDSL (Inexpensive Device for Sea Level) dans la région NEAM. Chaque outil a coûté environ 2.000 euros.
Dans le cas du Maroc, un premier dispositif a été installé en avril 2016 dans la marina de Saïdia par le Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST). Un autre outil devait être installé à Casablanca. Mais l’endroit initialement prévu a souffert d’une perturbation due à un accident qui a rendu impossible l’implantation. Et le long des côtes marocaines, il n’est pas le seul.
Depuis 2004, le pays a mis en place, puis élargi, son réseau national de surveillance sismique afin de mettre en œuvre un système d’alerte précoce contre les tsunamis. Car sur le volet opérationnel, le système d’alerte s’articule autour de trois axes. François Schindelé, géophysicien expert en aléa tsunami au Commissariat à l’énergie atomique et ex-président du groupe intergouvernemental de coordination des systèmes d’alerte en Méditerranée et en Atlantique Nord, expliquait dans les colonnes du Monde :
«Dans un premier temps, le réseau de stations sismiques détecte le tremblement de terre. Il fonctionne en continu et en temps réel. Une fois un séisme enregistré, il transmet ses données aux centres d’alertes tsunami de la région concernée. Il s’agit d’une phase de « pré-alerte » : tous les tremblements de terre ne génèrent pas de tsunamis. Le deuxième réseau est le réseau marégraphique qui mesure le niveau de la mer. Des stations situées en bord de côtes ou au large permettent de déceler concrètement le tsunami. Là encore, ce réseau doit fournir des données en continu et en temps réel aux centres d’alerte. Ces derniers sont le troisième élément du système».
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En 2019, le ministère marocain de l’Équipement faisait déjà état de 19 marégraphes installés dans les principales villes côtières du pays. Dans les détails, ils sont :
- 10 marégraphes localisés à Laayoune (2003), Mehdia (2004), Jorf Lasfar (2004), Safi (2004), Nador (2005), Tanger (2005), Mohammedia (2006), Agadir (2006) Tan Tan (2006) et Dakhla (2007) sous la gestion de la Direction des ports et du domaine public maritime (DPDPM) ;
- 1 marégraphe à Casablanca (2009) géré par le CNRST et un autre dans la même ville (2013) géré par l’Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) ;
- 3 marégraphes dans les villes de Casablanca (2012), Tanger (2012) et Essaouira (2012) sous l’autorité de la direction de la météorologie nationale (DMN) ;
- 4 marégraphes situés à Ksar Sghir (2017), Agadir (2017), Tarfaya (2017) et Safi (2018) gérés par la Marine royale.
Le Royaume participera en outre à l’exercice Tsunami NEAMWave23, les 6 et 7 novembre 2023. Cette participation s’inscrit dans le cadre de la Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis (WTAD), célébrée chaque année le 5 novembre. L’exercice, cinquième du genre, sera mené avec deux scénarios pour permettre à chaque État membre de décider du type d’exercice et du modèle qu’il souhaite suivre.
Notons que la date de cette Journée mondiale a été choisie d’après l’histoire d’«Inamura-no-hi». Le 5 novembre 1854, les habitants d’un village avaient survécu à cette catastrophe en mettant le feu à des balles de paille de riz. Ils ont par la même occasion sacrifié toute une récolte pour signaler l’arrivée d’un tsunami. Cet acte avait permis l’évacuation de tout le village.
Bientôt un système d’alerte aux tsunamis au Maroc ?
Et pour protéger davantage ses côtes, la Direction générale de la météorologie (DGM), sous la tutelle du ministère de l’Équipement et de l’Eau, avait lancé fin 2022 un appel d’offres pour la réalisation d’une étude de mise en place d’un système d’alerte aux tsunamis. Le projet a finalement été confié à Omazine Consulting, un bureau d’études spécialisé dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Ce cabinet sera assisté dans sa mission par un groupement d’enseignants-chercheurs marocains. L’estimation des coûts de ce marché se chiffre à plus de 1,57 million de DH. Le délai global de son exécution est, lui, fixé à 420 jours.
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Omazine Consulting devra ainsi établir un diagnostic et un état des lieux exhaustifs. Aussi, il doit livrer un benchmarking international, une étude d’exposition au risque de tsunami et une étude de pertinence de mise en place d’un système d’alerte aux tsunamis. Le bureau d’études sera aussi tenu de procéder à la formalisation d’un processus d’alerte et d’un guide d’établissement d’un plan d’urgence territorial. De plus, il doit élaborer un dossier d’appel d’offres et le coût financier de mise en place du système d’alerte aux tsunamis au Maroc.
Il devra notamment définir les sources potentielles (historiques ou fictives) qui peuvent être à l’origine des tsunamis affectant le Royaume. Il paramétra les failles sismiques capables de générer des tsunamis qui impactent le littoral marocain. Et il sera appeler à déterminer les taux de probabilité de retour des scénarios sismiques potentiellement tsunamégéniques identifiés.
Le bureau d’études sera également tenu de produire une base de données de scénarios de tsunami pré-calculés. Celle-ci intégrera toutes les caractéristiques sismiques possibles capables de déclencher des tsunamis dans les zones de sources sismotectoniques définies.
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Il est aussi question d’élaborer un diagnostic détaillé sur toutes les zones côtières, décrivant le risque de tsunami. Pour ce faire, une analyse doit être faite concernant les différents enjeux exposés aux risques de tsunami. Un processus d’alerte au risque de tsunami devra être mis en place avec une approche participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés.
Un danger imminent ?
Cette implication de la DGM intervient quelque temps après la parution d’une étude menée par des chercheurs du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC). Le rapport de cet organisme public de recherche en Espagne a été publié en 2021 dans la revue Scientific Reports. Il suggère que la faille marine d’Averroès, en mer d’Alboran, a la capacité de générer un tsunami côtier pouvant atteindre six mètres de hauteur. Et ce dernier mettrait entre 21 et 35 minutes à atteindre la Côte-Nord du Royaume.
«Ces vagues géantes peuvent représenter une menace pour les populations côtières, endommager les infrastructures marines et terrestres, et provoquer une crise économique et environnementale», a expliqué Ferran Estrada, de l’Institut des sciences de la mer.
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