Un missile Iskander lancé par la Russie dans un exercice militaire, le 19 février dernier. © Russian Defense Ministry Press Service / AP
Moscou accuse depuis dimanche 23 octobre l’Ukraine de fabriquer une «bombe sale» pour la déclencher sur son propre territoire afin d’incriminer la Russie. Des allégations rejetées par Kiev qui les a qualifiées d’«absurdes» et «dangereuses». Plusieurs pays occidentaux, dont la France et les États-Unis, craignent qu’elles servent de prétexte pour une nouvelle escalade militaire russe.
La «bombe sale», aussi appelée «dispositif de dispersion radiologique» (DDR), n’est pas une bombe nucléaire. Elle est beaucoup moins complexe à confectionner. Son but principal est de contaminer une zone géographique et les personnes qui s’y trouvent, à la fois par des radiations directes et par l’ingestion ou l’inhalation de matériaux radioactifs. «Une bombe sale n’est pas une “arme de destruction massive” mais une “arme de perturbation massive” qui vise principalement à contaminer et faire peur», résume la Commission de régulation nucléaire américaine.
Moscou a évoqué pour la première fois ces accusations dimanche. Lors de conversations téléphoniques avec ses homologues américain, français, britannique et turc, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a fait part à ses interlocuteurs de ses «préoccupations» quant à «d’éventuelles provocations de la part de l’Ukraine avec recours à une “bombe sale”».
Après de premières dénégations de Kiev, Moscou a réitéré ces accusations ce lundi. «Selon les informations dont nous disposons, deux organisations ukrainiennes ont des instructions spécifiques pour fabriquer la soi-disant “bombe sale”. Leur travail est entré dans la phase finale», a déclaré dans un communiqué le lieutenant-général Igor Kirillov, en charge au sein de l’armée russe des substances radioactives, des produits chimiques et biologiques. «Les substances radioactives provenant des installations de stockage de combustible nucléaire utilisées dans la centrale nucléaire [ukrainienne] de Tchernobyl peuvent être utilisées», a-t-il ajouté.
Dès dimanche, Kiev a nié les accusations de la Russie et exprimé ses propres préoccupations. «Les affabulations russes à propos de l’Ukraine qui se préparerait à utiliser une “bombe sale” sont aussi absurdes qu’elles sont dangereuses», a dit le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba. Il a ajouté avoir «officiellement invité l’AIEA [l’Agence internationale de l’Énergie atomique] à envoyer d’urgence des experts» dans les installations où la Russie «prétend trompeusement» que l’Ukraine y développe cette bombe. Ce que le chef de l’AIEA a accepté selon lui.
«Si la Russie appelle et dit que l’Ukraine serait en train de préparer quelque chose, cela signifie une seule chose : la Russie a déjà préparé tout cela. Je crois que désormais le monde doit réagir aussi durement que possible», a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Si la Russie a préparé «une nouvelle étape dans l’escalade, elle doit voir maintenant, de façon préventive et avant une de ses nouvelles “saletés”, que le monde ne l’acceptera pas».
Comme l’Ukraine, plusieurs pays occidentaux ont vu dans ces accusations un «faux drapeau» pour l’armée russe afin de déclencher une nouvelle escalade, voire de faire exploser elle-même une «bombe sale».
Dans une déclaration conjointe, les trois ministres des Affaires étrangères de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis ont affirmé «[rejeter] les allégations, à l’évidence fausses, de la Russie selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser une bombe sale sur son propre territoire. Personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade».
Le patron de l’Otan, Jens Stoltenberg, a également fait part de ses inquiétudes sur Twitter, après s’être entretenu avec le chef du Pentagone Lloyd Austin et le ministre britannique de la Défense Ben Wallace : «Les Alliés de l’Otan rejettent cette allégation. La Russie ne doit pas utiliser cela comme un prétexte à une escalade» dans le conflit en Ukraine.
Washington a toutefois assuré lundi n’avoir «toujours aucune indication» que la Russie ait décidé de faire usage d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques, selon un haut responsable militaire américain sous anonymat. À la question de savoir si cela incluait la décision de faire usage d’une «bombe sale», le haut responsable militaire a répondu «oui». «Bien sûr, nous continuons à surveiller de près et nous laissons les lignes de communication ouvertes avec nos alliés et partenaires, les Ukrainiens et les Russes», a-t-il poursuivi.
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