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Espagne : la «remontada» de Sánchez fera-t-elle barrage à la droite ?

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Pedro Sánchez, premier ministre espagnol sortant et candidat du Parti socialiste (PSOE), salue ses partisans après les législatives, à Madrid, le 23 juillet 2023. © JAVIER SORIANO / AFP

Contre toute attente, c’est presque une victoire pour le parti du premier ministre sortant, Pedro Sánchez. Malgré un léger retard accusé dans les voix, le socialiste, au pouvoir depuis cinq ans, se trouve dans une meilleure position que son rival conservateur et chef de file du Parti populaire de droite. Dans un subtil jeu de tractations politiques, Sánchez pourrait encore espérer se maintenir au pouvoir «si et seulement si l’indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, et son parti s’abstiennent». Quel que soit le locataire du Palais de la Moncloa, la position espagnole sur le Sahara ne risque pas de changer de sitôt, mais des tensions pourraient apparaître au sujet de la question migratoire ou encore du statut des présides occupés Sebta et Melilia.

Le Parti populaire (PP, droite) dirigé par Alberto Núñez Feijóo est arrivé en tête, dimanche 23 juillet au soir, aux élections législatives espagnoles, sans obtenir de majorité absolue pour former un gouvernement, selon les résultats officiels quasi-définitifs. Après dépouillement de plus de 99,3% des suffrages, le PP totalisait 136 sièges sur un total de 350 au congrès des députés, soit 47 de plus qu’il y a quatre ans.

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Le parti a gagné trois millions d’électeurs par rapport à 2019, absorbant à la fois les votants du parti libéral Ciudadanos, qui ne présentait pas de candidats aux élections, une partie de ceux du parti d’extrême droite et sans doute aussi, quelques déçus du Parti socialiste. Mais le résultat est nettement inférieur à l’objectif du Galicien Feijóo, qui visait 150 sièges. Le parti d’extrême droite Vox, son seul allié potentiel, a lui recueilli 33 sièges, 19 de moins qu’en 2019, accusant des effets de l’appel au vote utile qui a dévié une partie de son électorat vers le PP.

Déjouant tous les sondages, qui le donnaient largement battu depuis des mois, le parti du premier ministre socialiste Pedro Sánchez, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, gauche), est parvenu à se positionner en deuxième avec 122 sièges obtenus, soit deux de plus qu’il y a quatre ans. Sumar, la plateforme des petits partis de gauche rassemblés par la ministre du Travail sortante Yolanda Diaz et son alliée de gauche radicale, a obtenu 31 sièges. Ainsi, le bloc de gauche a obtenu 153 députés.

Puigdemont, le possible faiseur de roi

«No pasaran!», scandaient les militants socialistes euphoriques dimanche soir, venus fêter les résultats aux portes du siège du parti socialiste. Car, malgré ce retard dans les voix, Pedro Sánchez, au pouvoir depuis cinq ans, se trouve paradoxalement dans une meilleure position que son rival conservateur et peut espérer se maintenir au pouvoir. Contre tous les pronostics, il a effectivement su mobiliser l’électorat de gauche pour barrer la voie à l’extrême droite et sauver le PSOE du désastre annoncé.

«Le bloc rétrograde du Parti populaire et de Vox a été battu», a lancé le socialiste au pouvoir depuis cinq ans aux militants socialistes réunis devant le siège de son parti. «Nous qui voulons que l’Espagne continue d’avancer sommes beaucoup plus nombreux.»

Mais l’arithmétique parlementaire promet d’être complexe. Pour obtenir les 176 sièges, la gauche a besoin de 23 députés supplémentaires et leurs alliés traditionnels au Parlement – ERC, Bildu, PNV et BNG (tous des partis régionaux) – disposent ensemble de 19 sièges.

Selon les analystes, Sánchez semble en mesure de rassembler 172 députés, soit plus que le chef du PP, à condition que le parti de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, Junts, ne vote pas contre lui. Sánchez peut même espérer obtenir le soutien de partis indépendantistes, pour qui Vox est un épouvantail. Un résultat qui lui suffirait lors d’un second vote d’investiture au Palais de la Moncloa, où seule une majorité simple est requise. Les dirigeants indépendantistes ont d’ores et déjà prévenu qu’ils n’aideraient pas le socialiste à rester au pouvoir sans contrepartie.

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Toutefois, Feijóo, 61 ans, a revendiqué la victoire. Le PP «a gagné les élections», a-t-il lancé depuis le balcon du siège du parti. «J’assume la responsabilité d’entamer un dialogue pour former un gouvernement conformément à la volonté majoritaire des Espagnols. Je demande au parti qui a perdu les élections, au Parti socialiste, de ne pas bloquer le pays. Tous les vainqueurs des élections ont gouverné le pays. Je dois essayer», a-t-il déclaré.

Vainqueur aux élections municipales et régionales du 28 mai, le PP s’est déjà allié à Vox pour diriger plusieurs communes et régions prises à la gauche. Une des raisons qui a d’ailleurs incité Sánchez à convoquer ce scrutin anticipé. Une stratégie qui semble avoir payé, la participation ayant atteint près de 70 %, soit 3,5 points de plus que lors du dernier scrutin, en novembre 2019.

Mais sans majorité absolue, le Galicien aurait besoin de l’abstention, lors d’un vote d’investiture au Parlement, des socialistes, qui ne le lui donneront probablement pas, affirme à l’AFP Antonio Barroso, analyste du cabinet Teneo.

À l’issue du scrutin, il semble improbable, pour ne pas dire impossible, que Feijóo parvienne à articuler une majorité en faveur de son investiture. Ce lundi, les deux candidats vont devoir entamer les tractations afin d’éviter un blocage et un nouveau scrutin, alors que l’Espagne a déjà connu quatre élections générales entre 2015 et 2019.

En d’autres termes, soit PP et PSOE s’entendent, comme le prétend Feijóo, soit tous les partis en dehors de la droite et de l’extrême droite soutiennent Sánchez, soit l’Espagne bloquée s’oriente dès le 22 août, date limite pour former un gouvernement, vers un retour aux urnes.

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Cette élection est «très importante (…) pour le monde et pour l’Europe», avait estimé le socialiste Pedro Sánchez. En effet, à l’approche des élections européennes de 2024, le basculement à droite de la quatrième économie de la zone euro, après celui de l’Italie l’an dernier, constituerait un coup de tonnerre pour les gauches européennes. Cela serait d’autant plus symbolique que l’Espagne exerce actuellement la présidence tournante de l’UE.

Le Sahara, une «affaire d’État»

Tout au long de la campagne pour les élections générales en Espagne, le Maroc aura occupé une place importante de l’agenda politique, extrême droite et gauche radicale tentant d’instrumentaliser les liens avec le Royaume. En ce sens, le PP, sans remettre en cause la relation avec le pays, s’est ouvertement dit opposé au revirement opéré par Sánchez en mars dernier. Pour rappel, la socialiste avait, à cette date-là, décidé de mettre fin à la brouille diplomatique entre Rabat et Madrid en adressant une lettre au roi Mohammed VI dans laquelle l’Espagne reconnaissait le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme étant «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend relatif au Sahara».

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Et, lors du débat télévisé tenu le 10 juillet dernier, le chef de file du PP a accusé d’avoir «rompu trente ans d’équilibre avec le Maroc», rapporte Jeune Afrique. Axant sa critique autour du fait que le chef du gouvernement n’a tenu aucune consultation avec l’opposition avant sa prise de décision, Feijóo a déclaré souhaiter «retrouver un équilibre entre l’Algérie, le peuple sahraoui et le Maroc».

Toutefois, fait savoir le média panafricain, nombre d’observateurs s’accordent à dire «qu’en cas de victoire, le PP ne devrait pas revenir sur le fond de la décision de Pedro Sánchez, refusant de courir le risque de rebasculer dans une ère de tensions avec le voisin du Sud». Le Galicien aurait assuré que le Royaume serait son premier voyage à l’Étranger (exception faite de l’Europe).

Pour Nabil Driouch, spécialiste de l’Espagne et des relations hispano-marocaines, interviewé en début d’année par nos confrères du Matin, «le PP, parti de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure, obéit à une logique d’intérêts, et non d’idéologie, et regarde avec attention ce qu’il risque de perdre, notamment s’agissant des relations économiques privilégiées entre les deux pays. D’où sa prudence».

À l’opposé, Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), estimait, il y a quelque temps, qu’«il est probable que la droite rejette le legs de Pedro Sachez au sujet du Sahara». Dans des propos rapportés par nos confrères de L’Opinion, l’expert pense qu’il est évident que le PP, à l’opposition au moment où ces déclarations ont été faites, va vent contraire à la politique étrangère des socialistes par rivalité politique. «Toutefois, il est également possible que le Parti populaire, en cas de retour aux commandes, maintienne la décision de Sánchez, sans le dire ouvertement dans un scénario à l’américaine», nuance-t-il, à l’image de l’attitude des démocrates aux États-Unis qui n’ont pas révoqué la décision de Donald Trump.

Lire aussi : Maroc-Espagne, José Manuel Albares veut rendre les accords avec le Maroc « irréversibles »

«La question du Sahara a toujours été une question d’État en Espagne, et non d’un parti ou d’une personne», a tranché Nabil Driouch qui rappelle que les ministres des Affaires étrangères espagnols qui se sont succédé depuis 1975 n’ont pas manqué de le préciser. «Ce qui va évoluer, c’est la manière dont s’exprimera le soutien au Maroc et la contrepartie que le nouvel exécutif exigera», a de plus précisé l’expert.

Selon lui, un changement suppose de se tourner vers les institutions qui font partie de l’establishment espagnol, à savoir l’armée et les services de renseignement, ainsi que les lobbies économiques. «Lorsque Pedro Sánchez a fait connaître la nouvelle position espagnole, il n’a pas agi seul, loin de là. Et, cela ne changera pas de sitôt», a-t-il déclaré.

Il convient de noter que, lors du vote, le 7 avril 2022, au Congrès des députés espagnol (la Chambre basse) de la résolution condamnant le soutien du gouvernement espagnol au plan d’autonomie, tant les députés de la majorité (PSOE) et ceux de l’opposition (PP) ont voté contre ce texte, tandis que Vox s’est abstenu.

La question migratoire et les présides occupés, une éventuelle discorde

Les candidats aux sièges parlementaires n’ont également pas manqué, à leur tour, d’évoquer le Maroc dans leurs discours. C’est le cas de Javier Celaya, candidat au Congrès du Parti populaire dans le préside de Sebta. Dans une déclaration relayée par Europa Press, ce dernier a fait part de son souhait de voir les relations avec le Maroc progresser en cas d’arrivée de son parti au pouvoir. «Avec le Maroc, nous espérons qu’avec un futur gouvernement PP, de bonnes relations avec le pays voisin seront rétablies et réaliseront cette promesse d’ouvrir les douanes commerciales de Tarajal bien que nous ne sachions pas le contenu de l’accord qu’a passé Sanchez», a-t-il indiqué.

Même son de cloche du côté d’un ancien diplomate espagnol cité par Médias24 : «la position sur le Sahara ne changera pas, car ce n’est pas cela qui intéresse la droite et l’extrême droite». En revanche, alerte la même source, des tensions peuvent apparaître sur le dossier migratoire ou encore le statut des deux présides Sebta et Melilia. En effet, le parti d’extrême droite Vox accuse le gouvernement de Sánchez de n’avoir obtenu aucune contrepartie lors de la restauration des relations bilatérales et d’avoir manqué de fermeté au sujet des présides occupés de Melilia et Sebta.

Lire aussi : Travailleurs migrants, l’ONU examine le rapport du Maroc, le drame de Melilia au centre des attentions

Et si le parti n’a aucun problème ni position ferme sur le Sahara, il se veut plus offensif et pourrait utiliser le Maroc comme levier sur les questions précitées ou encore celle de la concurrence agricole. Selon Jeune Afrique, le parti a réclamé «la suspension de l’accord agricole établi en 2012 entre l’Union européenne, accusant le royaume d’exercer une concurrence déloyale en ayant recours, notamment, au “travail des enfants”».

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