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La politique de la Chine unique, une affirmation de l’intégrité territoriale

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Le président chinois Xi Jinping et le roi Mohammed VI du Maroc saluent lors d'une cérémonie de bienvenue devant le Grand Palais du Peuple à Pékin, le 11 mai 2016. © DR

«Une seule Chine», voilà la constante diplomatique que Rabat a tenu à réitérer. Car les élections de janvier à Taïwan ont ravivé la confusion mondiale autour de deux concepts : le « principe » de la Chine unique, selon lequel Pékin défend l’attachement inaliénable de l’ile de Taïwan au territoire chinois, et la « politique » de la Chine unique conduite par bon nombre de pays, dont les États-Unis et ceux de l’Europe, faisant la distinction entre la RPC et Taïwan. Pour lever le voile sur l’ambiguïté du langage qui semble, à des fins divergentes, entourer la crise de l’île, nous nous sommes entretenus avec Hafid Boutaleb, spécialiste des relations internationales.

Le Royaume, par le biais de son ambassade basée à Pékin, a réitéré hier son adhésion à la politique de la Chine unique (One China Policy), fondement de la politique et de la diplomatie chinoises. La position marocaine, elle, est fondée sur la constance, la responsabilité, la crédibilité et la fiabilité concernant le respect de la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays membres de l’Organisation des Nations unies.

Cette politique (ou plus correctement ces politiques individuelles d’une Chine unique) a permis à Pékin de nouer des liens diplomatiques et bilatéraux avec près de 181 pays. Mais une Chine unique est également le nom d’un principe (One China Principle) prôné par la République populaire de Chine (RPC) – à la différence de la République de Chine (ROC), appellation antérieure de Taïwan qui se revendique indépendante – selon lequel «il n’y a qu’une seule Chine dans le monde. Le continent et Taïwan en font chacun partie. La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine sont indivisibles»

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Dans un contexte de tensions croissantes entre les deux rives du détroit asiatique, la Chine chercherait aujourd’hui à effacer cette distinction entre le principe, défendu par Pékin, et les politiques conduites par les États européens, les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, l’Inde et les pays de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN).

La politique de la Chine unique, une affirmation de l’intégrité territoriale

Selon les pays, les déclarations de politique d’une seule Chine varient en langage et sont donc sujettes à interprétation quant à la reconnaissance ou non de la souveraineté chinoise sur Taïwan. © DR

Taïwan, question centrale

C’est tout l’enjeu depuis 1949 et la fin de la guerre civile chinoise. Les nationalistes vaincus, également connus sous le nom de Kuomintang, se sont alors retirés à Taïwan et en ont fait le siège du gouvernement, tandis que les communistes victorieux ont commencé à gouverner le continent au nom de la République populaire de Chine (RPC). Les deux parties ont déclaré qu’elles représentaient toute la Chine.

Le parti communiste chinois au pouvoir a pendant 30 ans opté pour une politique de «libération par la force». En 1979, celui-ci fait le choix d’abandonner cette ligne au profit d’une «réunification pacifique». Mais en 2019, la pression militaire chinoise contre Taïwan atteint des proportions inédites.

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Dans son discours du Nouvel An, le président chinois Xi Jinping a appelé de ses vœux à ce que «tous les Chinois des deux côtés du détroit de Taïwan devraient être liés par un but commun et partager la gloire du renouveau de la nation chinoise». Pourtant, rien n’indique aujourd’hui que la Chine a un horizon temporel fixe pour forcer une unification. Ce projet est souvent lié à la vision d’une «réjuvénation» de la nation chinoise à l’horizon 2049, pour le centenaire de la fondation de la République populaire.

Taïwan, proche de l’isolement ?

Seulement 12 pays, dont un seul sur le continent africain, reconnaissent officiellement Taïwan aujourd’hui. En 2016, l’île comptait 21 alliés. Et en 1995, 13 d’entre eux étaient des États africains.

Ainsi, sur les 12 États restants, sept sont situés en Amérique latine et dans les Caraïbes : le Guatemala, Belize, le Paraguay, Haïti, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Le Vatican reste le seul en Europe et l’Eswatini, le dernier en Afrique. Les Palaos, les îles Marshall et Tuvalu sont trois pays d’Océanie à reconnaître Taïwan.

Le recul des soutiens africains s’explique, lui, selon le spécialiste des relations internationales, Hafid Boutalen, par la montée en puissance de la Chine continentale sur le continent. «Une fois que la guerre froide et que la Chine s’est orientée vers un système beaucoup plus capitaliste, elle s’est rapidement propulsée au deuxième rang mondial et a compris l’intérêt du continent africain pour son développement», explique Hafid Boutaleb.

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Il continue d’expliquer que sur le terrain, ceci s’est matérialisé par des contrats financiers colossaux ayant permis le développement des infrastructures, en particulier des ports, en Afrique. Et notre interlocuteur de rappeler que «le bâtiment qui abrite le siège même de l’Union africaine à Addis Abeba a été construit par une société chinoise». Tout ceci a fait en sorte de battre en brèche l’influence de Taïwan sur le continent.

Mais si la liste des alliés semble plus rapprocher l’île de l’isolement, Taïwan bénéficie du soutien officieux de bon nombre de pays, dont les États-Unis. D’après le journal La Croix, Taïwan possède en tout «111 représentations à l’étranger, ce qui la place devant des États comme la Malaisie, Israël ou la Norvège, bien qu’elles ne soient pas toutes des ambassades».

Pékin, Taipei et Rabat

Rabat a réitéré son adhésion à la politique de la Chine unique, intervient dans un contexte particulier. Lai Ching-te, le candidat du parti au pouvoir à Taïwan, a remporté les élections présidentielles de Taïwan, le 19 janvier 2024, présentées par Pékin comme «un choix entre la guerre et la paix». Lai, qui était auparavant vice-président sous la présidente sortante Tsai Ing-wen, a clairement indiqué qu’il gouvernerait Taïwan en tant qu’entité souveraine et indépendante.

C’est dans ce contexte particulier que le Maroc est venu rappeler «cette constante de sa diplomatie», nous explique le spécialiste des relations internationales, Hafid Boutaleb. Pour la Chine et le Maroc, c’est un même combat. Tous deux ont toujours lutté pour leur intégrité territoriale et continuent de le faire. La République populaire continue d’ailleurs de soutenir les efforts de Rabat au sein des Nations unies afin de construire une solution politique au dossier du Sahara. Au cours des dernières années, la Chine a constamment voté en faveur des résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara, et se dit pleinement engagée en faveur d’une solution politique permanente qui puisse satisfaire toutes les parties impliquées dans le conflit.

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«La Chine a été l’un des premiers pays à reconnaître le Maroc en tant qu’État souverain après son indépendance en 1955», poursuit notre interlocuteur qui rappelle que le Royaume a également très tôt reconnu la souveraineté chinoise. Plus que cela, «le Royaume a été également un fervent défenseur du retour de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU en lieu et en place de Taipei». En effet, pendant plus de 20 ans, Taïwan a siégé en tant que membre de cette instance internationale, les Occidentaux estimant que les nationalistes sont les dirigeants légitimes [à l’opposé des communistes alors ralliés derrière Mao Zedong]. Ce ne sera qu’en 1971, et principalement sous l’administration Nixon, que Pékin fera son retour par la grande porte.

Depuis, la République populaire n’a eu de cesse de rallier les pays derrière son principe de Chine unique. C’est d’ailleurs le cas du Maroc. «Le Maroc est clair sur sa position», indique Hafid Boutaleb. L’ambiguïté qui entoure la rhétorique diplomatique de plusieurs pays n’est visiblement pas la ligne directrice du Royaume : c’est une adhésion au principe de Chine unique et non pas seulement de politique de Chine unique. «Le Maroc est un État souverain qui ne s’aligne pas sur la vision occidentale et qui est entièrement capable d’entretenir des relations d’égal à égal avec tous ses alliés, indépendamment des intérêts des grandes puissances», soutient l’expert.

Car cette non-ingérence est justement le maître-mot de la diplomatie marocaine, à l’image de la Chinoise. Et en particulier, dans des dossiers inhérents à l’intégrité territoriale de l’un et de l’autre.

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