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La justice suisse accorde le «bénéfice du doute» à Tariq Ramadan 

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L’islamologue Tariq Ramadan sortant du Palais de justice de Genève. © David Wagnières pour le Temps

Tariq Ramadan a été acquitté ce mercredi 24 mai, par le tribunal correctionnel de Genève. Le théologien comparaissait pour «viol et contrainte sexuelle». Ce qu’il a toujours nié en bloc. Si la vérité judiciaire a plus ou moins été celle que la défense de l’accusé avait réclamée, la partie adverse a aussitôt annoncé faire appel. La presse helvétique n’a pas manqué d’afficher sa déception face à un «verdict injuste». Et de commenter que Ramadan ne devrait pas se réjouir trop tôt, car l’homme reste mis en examen en France à la suite de quatre plaintes similaires.

Tariq Ramadan, célèbre conférencier spécialiste de l’Islam, a finalement été acquitté au bénéfice du doute ce mercredi 24 mai. Accusé d’avoir agressé une femme dans un hôtel de Genève en 2008, l’islamologue était jugé pour «viol» et «contrainte sexuelle» par le tribunal correctionnel de cette même ville en Suisse, sa terre natale, où il revenait pour la première fois depuis le début de son «affaire», puisqu’il lui était interdit de quitter le territoire français. Il devrait également recevoir plus de 150.000 € d’indemnités de l’État de Genève.

Après l’annonce du jugement, les avocats de la plaignante ont aussitôt indiqué que leur cliente faisait appel «d’une décision injuste, prise au terme d’une audience caricaturale d’où la dignité était absente». Trois ans de prison, dont la moitié ferme, avaient été requis par le procureur.

Une nouvelle qui n’a pas manqué de faire réagir la presse helvétique. Pour décrire l’atmosphère qui entourait Genève ce mercredi 24 mai, le média en ligne Blick parle d’un «décor presque surréaliste» pour un «procès qui émeut Genève depuis deux semaines».

Bénéfice du doute

«Au bout du compte, faute d’avoir pu se forger une intime conviction de culpabilité s’agissant du viol et de la contrainte sexuelle reprochés à l’islamologue, le tribunal correctionnel de Genève a prononcé un acquittement au bénéfice du doute», explique pour sa part Le Temps.

Car en effet, «le tribunal n’a pas été en mesure de se forger une intime conviction de culpabilité au-delà du doute raisonnable».

Mais légitime ou non, ce doute ne passe pas pour La Tribune de Genève, pour qui ce verdict est ni plus ni moins qu’une «claque à la parole des femmes».

Un verdict ainsi résumé par le quotidien de Genève : «En substance, et au vu des versions antagonistes des parties, c’est surtout l’absence d’éléments concrets et la pauvreté des divers témoignages, encore altérés par l’écoulement du temps, qui amènent le tribunal à douter de la culpabilité de Tariq Ramadan.»

Car, le récit de la plaignante, relève le tribunal, a été «globalement constant et détaillé, même si émaillé de certaines contradictions». «S’il n’y a aucun doute que la plaignante a mal vécu la soirée», poursuit-il, son récit n’est «toutefois corroboré par aucun élément matériel, tel que des traces de sperme ou de sang, des images de vidéosurveillance de l’hôtel ou des constats de lésions traumatiques».

Les juges soulignent également que les déclarations figurant à la procédure «constituaient des témoignages indirects, qui plus est recueillis près de dix ans après les faits», lesquels présentent, selon eux, un «risque élevé de confusion et d’altération lié non seulement à l’écoulement du temps mais également à l’importante médiatisation de l’affaire, notamment en raison d’une procédure française ouverte pour viols à l’encontre du prévenu».

Un nom que l’on juge

À l’énoncé du verdict, prononcé dans une salle remplie de journalistes, le prédicateur suisse, 60 ans, a souri et été enlacé par l’une de ses filles. Sur le banc des parties civiles, la plaignante a quitté la salle avant la fin de la lecture du verdict.
Convertie à l’islam, la plaignante, « Brigitte », qui a choisi ce pseudonyme pour se protéger des menaces, assure en revanche que l’islamologue l’a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.

Lors d’un entretien accordé en exclusivité à Léman Bleu, l’islamologue a salué «la manifestation de la vérité» qui accompagne ce verdict. «En venant à ce procès, je n’avais peur que d’une chose. Je n’avais pas peur de la vérité, car la vérité je la connais. Je n’avais peur que de la pression médiatique et de la pression politique. Je suis content que la justice suisse ait fait acte d’indépendance.»

Pour lui, cet acquittement n’est pas seulement le fait d’un manque de preuves, mais aussi de mensonges de la partie adverse. «Je ne suis pas acquitté au bénéfice du doute, je suis acquitté parce ma version était cohérente, consistante et porteuse de la vérité.»

Ce procès contraste fortement avec la carrière de celui qui était autrefois considéré comme une « rock star » de la pensée islamique. En 2017, l’ascension fulgurante de Tariq Ramadan a pris fin, lorsqu’il a été accusé de viol par une Française.

Bientôt jugé en France ?

Selon lui, ces affaires de l’ère #Metoo visent avant tout ce qu’il représente. «Ce n’est pas un homme que l’on juge, c’est un nom. C’est Tariq Ramadan l’intellectuel, l’islamologue. Si je ne m’appelais pas ainsi, les affaires auraient été classées immédiatement, scande-t-il. La meilleure intelligence, c’est celle de l’État de droit, de la justice et de la vérité, jamais des fausses accusations.»

Le théologien a été soutenu dans cet argument par sa famille. Son fils Sami, soulignant le «rôle de son père dans le débat sur l’islam en France», a déclaré à la BBC en 2019 que les poursuites contre son père étaient «motivées par d’autres raisons, que nous estimons politiques».

Ce point de vue a été soutenu par des dizaines de personnalités, dont le philosophe américain Noam Chomsky et le cinéaste britannique Ken Loach, qui ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils se demandent si Ramadan bénéficie d’une procédure judiciaire équitable, avec la présomption d’innocence habituelle.

« Brigitte », aujourd’hui âgée de 57 ans, a porté plainte dix ans après les faits, en 2018, encouragée, a-t-elle expliqué, par le fait que d’autres femmes aient fait de même contre Tariq Ramadan en France.

Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d’assises et il appartient aux juges d’instruction d’ordonner un procès ou pas. Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018.

Bien qu’il ait été innocenté en Suisse, ce procès pourrait n’être que le premier d’une longue série. L’islamologue devra affronter un procès en appel et probablement faire face aux tribunaux français. Les procureurs évaluent encore si les accusations portées contre Tariq Ramadan doivent être portées devant les tribunaux.

Il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017. Une situation qu’il juge «plus délicate là-bas à cause de la pression politique». Il affirme, notamment, «que l’instruction française est mal menée et est à charge». Il a d’ailleurs demandé le dépaysement du volet français.

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