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La guerre, bien au-delà de Gaza

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Une photo prise depuis la ville de Sderot, dans le sud d'Israël, montre de la fumée s'élevant lors du bombardement israélien de la bande de Gaza le 29 octobre 2023, au milieu des combats en cours entre Israël et le mouvement palestinien Hamas. © FADEL SENNA / AFP

L’ampleur de la destruction, qui se produit chaque jour un peu plus, et le nombre de personnes tuées dépassent juste l’entendement. D’aucuns diront qu’Israël «a le droit de se défendre». Mais la riposte est de loin consommée. Il y a 9.000 morts déjà. Ce qui s’est passé au camp de réfugiés de Jabalia et ailleurs sera-t-il suffisant pour amener le monde à se réveiller et lui demander d’intervenir ?

9.061 personnes ont été tuées dans les raids israéliens sur la bande de Gaza depuis que la guerre a éclaté le 7 octobre dernier. 3.760 enfants d’entre eux sont des enfants. Les bombardements ont également fait environ 32.000 blessés.

L’hôpital Al-Shifa a reçu 2.600 rapports de personnes disparues, dont 1.150 enfants portés disparus ou enterrés sous les décombres. 135 membres du personnel médical ont été tués et 25 ambulances détruites lors des raids israéliens. 16 hôpitaux et 32 établissements de soins médicaux sont désormais hors service à Gaza.

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Mais pour le porte-parole du ministère gazaoui de la Santé, «le monde doit comprendre que derrière chaque chiffre se cache l’histoire d’une personne dont le nom et l’identité sont connus». Le massacre de Jabalia a, à lui seul, fait 195 morts. 120 personnes sont portées disparues et 777 autres ont été blessés. Et le camp de réfugiés a été la cible de nouveaux bombardements israéliens une seconde fois, puis une troisième aujourd’hui.


Pour le Haut-Comissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), ces frappes aériennes, menées par Israël contre le camp de réfugiés de Jabalia, pourraient constituer des crimes de guerre. «Étant donné le nombre élevé de morts civiles et l’ampleur de la destruction à la suite des frappes aériennes contre le camp de réfugiés de Jabalia, nous avons de graves préoccupations sur le fait que ce sont des attaques disproportionnées qui pourraient constituer des crimes de guerre», ont écrit sur les services du Haut-Commissaire onusien aux droits de l’homme sur le réseau social X (anciennement Twitter).

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Le porte-parole de l’armée israélienne, reconnaissant avoir ciblé Jabalia, a indiqué que l’offensive avait permis de tuer un «commandant très haut placé du Hamas».

Bureij, un autre camp de réfugiés construit dans les années 1950, a lui aussi été pris pour cible. Le raid israélien a tué au moins 15 personnes plus tôt dans la journée.

Quelques heures plus tard, 27 personnes ont été tuées lors d’une frappe israélienne à proximité d’une école de l’ONU dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, situé dans le nord-ouest de l’enclave palestinienne.

Des territoires oubliés

Si Gaza est de fait le terrain de guerre, Israël promettant d’anéantir le Hamas en représailles à l’attaque perpétrée le 7 octobre dernier sur les villes israéliennes proches de la bande, ce territoire palestinien n’est pas le seul. Depuis le début des bombardements israéliens, les forces israéliennes ont également intensifié leurs raids nocturnes contre les maisons, villages et villes palestiniennes de Cisjordanie occupée et d’Al Qods-Est, sous contrôle de l’Autorité palestinienne.

«La violence des colons israéliens a considérablement augmenté, passant d’une moyenne déjà élevée de trois incidents par jour en 2023 à sept par jour maintenant», a déploré le Bureau des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Plus de 820 Palestiniens ont été déplacés dans un contexte «de violence des colons et de restrictions de mouvement accrues» depuis le 7 octobre, indique le communiqué.

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Le bureau a de plus fait état de «171 attaques de colons contre des Palestiniens, entraînant 26 incidents différents faisant des victimes, des dommages à 115 propriétés palestiniennes, et une trentaine d’incidents signalés à la fois de dommages matériels et de victimes» depuis le début de l’agression israélienne sur la bande de Gaza. «Les cas de harcèlement, d’intrusion et d’intimidation ne sont pas inclus dans les rapports, bien qu’ils augmentent, eux aussi, la pression sur les Palestiniens pour qu’ils quittent leur terre.»

Le nombre total de personnes tuées en Cisjordanie occupée est de 132, dont 39 enfants, et plus de 2.100 personnes ont été blessées, selon les chiffres du ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne.

Comment expliquer cela alors que le Hamas n’opère pas dans ces territoires palestiniens ?

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Détentions arbitraires

Au cours des 25 derniers jours, Israël a doublé le nombre de Palestiniens détenus, passant de 5.200 personnes à plus de 10.000. Cela comprend au moins 4.000 travailleurs de Gaza qui travaillaient en Israël et qui ont été détenus principalement dans des bases militaires.

Par ailleurs, Israël a également arrêté 1.740 autres Palestiniens lors de raids militaires nocturnes en Cisjordanie occupée et à Al Qods-Est depuis le 7 octobre. La plupart de ces prisonniers sont détenus en vertu de lois et d’ordonnances militaires qui autorisent la détention sans procès ni inculpation.

Le nombre de Palestiniens de Gaza détenus dépasse, lui, les 4.000 prisonniers, rapporte Al Jazeeza.

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Plusieurs vidéos sont devenues virales ces dernières semaines sur les réseaux sociaux, montrant des soldats israéliens battant, piétinant, maltraitant et humiliant des Palestiniens détenus. Ces derniers avaient les yeux bandés, les mains menottées et étaient partiellement ou entièrement déshabillés. Pour nombreux, ces scènes rappellent les tortures infligées par les forces américaines à Abu Ghraib en Irak en 2003.

Les prisonniers récemment libérés, ainsi que les groupes de défense des droits des prisonniers, les groupes d’avocats et les institutions officielles, ont tous déclaré publiquement et ont déclaré à Al Jazeera qu’ils pensaient que tout Palestinien détenu par Israël court actuellement un risque de mort. «La situation à l’intérieur des prisons est horrible», a déclaré Amani Sarahneh, porte-parole de la Société des prisonniers palestiniens.

Al Jazeera a contacté les services pénitentiaires israéliens pour obtenir des commentaires sur deux cas de prisonniers morts dernièrement, mais n’en avait pas reçu au moment de la publication.

L’Histoire retiendra de la position de Washington et de Paris

Le président américain Joe Biden a appelé pour la première fois à une «pause humanitaire». Son administration a déjà publiquement réclamé une pause la semaine dernière, mais refuse de soutenir un cessez-le-feu. Et pour le président Biden, une pause signifie «donner le temps de faire sortir les prisonniers» – les captifs, voulait-il dire – «de Gaza».

Les États-Unis ont par ailleurs dénoncé mercredi les violences commises par les colons israéliens à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie occupée. Ces attaques sont «incroyablement déstabilisatrices et contre-productives pour la sécurité à long terme d’Israël, en plus d’être, bien sûr, extrêmement préjudiciables aux Palestiniens vivant en Cisjordanie», a déclaré à la presse le porte-parole du département d’État, Matthew Miller. «C’est inacceptable, cela doit cesser et les responsables doivent rendre des comptes», a-t-il ajouté.

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Josh Paul, un haut responsable du Département d’État américain responsable des transferts d’armes au Bureau des affaires politico-militaires pendant plus de 11 ans a démissionné, il y a deux semaines, invoquant la mauvaise gestion du conflit israélo-palestinien par l’administratif du président Joe Biden.

Dans une lettre de deux pages, dans laquelle il explique les raisons de sa démission, il écrit : «L’attaque du Hamas contre Israël n’était pas seulement une monstruosité, c’était la monstruosité des monstruosités».

Au micro de Radio Canada, Paul explique que «ce n’est pas la première fois qu’on est confronté à des questions morales complexes» avant de raconter que «dans le cas du conflit entre Israël et le Hamas, on ne suivait plus du tout les lignes directrices habituelles applicables à n’importe quel transfert d’armes à un pays. Pour Israël, il fallait juste répondre aux demandes».

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Et de déplorer : «Durant toutes mes années au département d’État, ça n’a jamais été notre objectif de fournir des armes létales à un pays en sachant qu’elles allaient servir à tuer de façon massive des populations civiles».

Par ailleurs, le ministère français des Affaires étrangères a déclaré mercredi que la France était «profondément inquiète du très lourd bilan pour les populations civiles palestiniennes» à la suite des bombardements sur les camps de réfugiés. «(La France) rappelle que la protection des populations civiles est une obligation du droit international qui s’impose à tous», a ajouté le Quai d’Orsay dans un communiqué, réitérant son appel en faveur d’une trêve humanitaire immédiate.

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L’escalade en Cisjordanie occupée et les probables «crimes de guerre» commis par Israël dans au moins trois camps de réfugiés à Gaza feront-ils basculer les soutiens de l’État hébreu ?

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