Le premier ministre israëlien Benjamin Netanyahu. © Abir SULTAN / KEYSTONE / EPA
Le ministre de la Sécurité intérieure israélien Ben Gvir s’est rendu mardi 3 janvier sur l’esplanade des Mosquées, lieu Saint au cœur des tensions à Jérusalem-Est, en dépit des menaces proférées par le Hamas palestinien, alors que le rabbinat israélien s’yoppose.
«Que diront les gens quand ils verront un ministre, juif pratiquant, qui bafoue la position du rabbinat», a écrit Yitzhak Yossef, grand rabbin séfarade, dans une lettre adressée à Itamar Ben Gvir.
Avant lui, aucun ministre ne l’avait fait pour préserver la paix entre les deux communautés.
Figure de l’extrême droite du nouveau gouvernement, sa visite est interprétée comme une nouvelle escalade d’Israël dans le conflit israélo-palestinien et dénoncée comme une provocation par plusieurs pays arabes.
Cet incident a lieu quelques jours après que le Parlement israélien a voté la confiance du nouveau gouvernement de Benyamin Nétanyahou, un des plus à droite de l’histoire d’Israël.
Les réactions internationales dénonçant cette agression n’ont pas tardé à se faire entendre. Cela perturbe donc le rapprochement diplomatique enclenché par Israël avec ses voisins du monde arabe. Quel avenir pour la diplomatie arabe d’Israël ?
Une «provocation sans précédent»
Le Maroc, dont le Souverain préside le Comité Al-Qods, la Ligue arabe ainsi que l’Organisation de la coopération islamique, a condamné «l’assaut de l’esplanade» appelant «à la préservation du statut juridique et historique d’Al-Qods et d’Al-Aqsa et à limiter les escalades et les actes unilatéraux et provocateurs».
Les ministères jordanien et de l’Autorité palestinienne (AP) des Affaires étrangères ont également dénoncé une «provocation sans précédent» laissant présager «une escalade».
Le ministère koweïtien des Affaires étrangères a pour sa part appelé la communauté internationale à agir rapidement pour mettre fin aux violations israéliennes.
L’Arabie saoudite a exprimé sa «condamnation» de «l’action provocatrice d’un officiel israélien qui a pris d’assaut» le lieu saint ultra-sensible, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
De son côté, le ministère égyptien des Affaires étrangères a mis en garde contre «les conséquences négatives de la prise d’assaut de la mosquée Al Aqsa» et affirme son «rejet total de toute mesure unilatérale qui viole le statut juridique et historique de Jérusalem».
Les Émirats arabes unis, où le nouveau Premier ministre Benjamin Netanyahu est censé se rendre la semaine prochaine, ont également condamné la visite de Ben Gvir, publiant une déclaration dénonçant «la prise d’assaut de l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa» et appelant à la fin des «violations graves et provocatrices».
Le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis a également appelé les autorités israéliennes à réduire l’escalade et à ne pas prendre de mesures qui exacerbent les tensions et l’instabilité.
En Iran, ennemi juré d’Israël, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a dénoncé une «violation des règles internationales et une insulte aux valeurs des musulmans dans le monde».
Ces condamnations internationales interviennent alors que Benjamin Netanyahu a affirmé mardi que son gouvernement était déterminé à approfondir les accords de paix avec six pays arabes.
Les représentations étrangères appellent au respect du statu quo
Les ambassades des États-Unis, de France et de l’Union européenne en Israël ont également publié des déclarations s’opposant à la visite de Ben Gvir et appelant au calme sur le site.
L’ambassade de France en Israël a rappelé «son attachement absolu à la préservation du statu quo sur les Lieux saints de Jérusalem». «Tout geste visant à le remettre en question emporte un risque d’escalade et doit être évité», a ajouté Paris.
צרפת מזכירה את זיקתה המוחלטת לשימור הסטטוס קוו במקומות הקדושים בירושלים. כל פעולה שמטרתה הטלת ספק בו כרוכה בסכנת הסלמה ויש להימנע ממנה. https://t.co/B7x4WK0Fth
— La France en Israël (@franceenisrael) January 3, 2023
De son côté, l’ambassadeur américain en Israël, Tom Nides, a souligné que «l’administration Biden avait clairement fait savoir au gouvernement israélien qu’elle s’opposait à toute mesure qui pourrait nuire au statu quo dans les lieux saints», selon un porte-parole du bureau américain des Affaires palestiniennes.
«L’ambassadeur [Tom] Nides a été très clair dans ses conversations avec le gouvernement israélien sur la question de la préservation du statu quo dans les lieux saints de Jérusalem», a déclaré un porte-parole de l’ambassade américaine en Israël. «Les actions qui empêchent cela sont inacceptables.» Les États-Unis attendent du Premier ministre Benjamin Netanyahu qu’il maintienne son engagement à préserver le statu quo du Mont du Temple et des autres lieux saints.
«La personne la plus irresponsable du Moyen-Orient»
Cette agression du ministre israélien va dans le sens opposé des recommandations de l’institut de recherche de l’université de Tel-Aviv – Intitute for national security studies (INSS) – et provoque déjà de vives réactions chez les Israéliens.
L’opposition, dirigée depuis le 29 décembre par l’ancien Premier ministre Yair Lapid, et ancien ministre des Affaires étrangères qui a contribué à apaiser les tensions entre Israël et le monde musulman, a vivement critiqué la décision du ministre Ben Gvir.
Celui-ci a alerté contre les possibles graves conséquences de la décision du ministre. «Itamar Ben-Gvir ne peut pas être autorisé à monter sur le Mont du Temple, c’est une provocation qui conduira à des violences meurtrières et coûtera des vies», a prévenu le leader du parti libéral Yesh Atid.
«Ce n’est pas un hasard si les ministres évitent de se rendre sur le Mont du Temple depuis de nombreuses années. Les membres de la Knesset peuvent le faire, mais pas les ministres. Certainement pas le ministre en charge de la police», a ajouté le diplomate israélien.
Le chef de l’opposition a insisté en affirmant que «le monde y verra (cet acte comme) une violation du statu quo, un risque inutile. Tous les experts diront la même chose», a-t-il prévenu, ajoutant que «le gouvernement élu en sera responsable».
Ce dernier n’a dans un premier temps pas commenté la visite lors de la première réunion du cabinet mardi. Mais après les condamnations internationales, un responsable du bureau du Premier ministre a déclaré que Benjamin Netanyahu s’était engagé à «protéger strictement le statu quo sur le mont du Temple sans aucun changement.»
Avocat de formation vivant dans une implantation parmi les plus radicales de Cisjordanie, Ben Gvir est devenu ministre en décembre 2022 dans le gouvernement mené par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le plus à droite de l’histoire du pays. Il prône l’annexion par Israël de la Cisjordanie et le transfert vers les pays voisins d’une partie des Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création d’Israël en 1948.
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