La bataille de Tanger de 1437
Retour dans le temps. En ce début du XVe siècle, Tanger est une place stratégique, tout comme aujourd’hui. La ville commande le détroit de Gibraltar, cet étroit couloir maritime qui sépare l’Europe de l’Afrique, l’Occident de l’Orient. Tanger était vue comme la clef ouvrant les portes de l’Afrique. Depuis la prise de Sebta en 1415, le Portugal nourrit des ambitions impérialistes. Henri le Navigateur, un des principaux protagonistes de de cette aventure maritime, rêve d’inscrire son nom dans l’Histoire en conquérant Tanger, alors symbole de puissance.
En 1437, l’opportunité semble parfaite pour lui. Le jeune Roi du Portugal, Édouard Ier, à peine couronné, se lance dans une aventure militaire qu’il espère glorieuse. La dynastie d’Avis, fraîchement établie sur le trône portugais, entend étendre son influence. Tanger, ville très convoitée, attire la convoitise d’un Royaume en quête de légitimité. C’est ainsi que l’expédition est lancée, dirigée par l’infant Henri, dit le Navigateur, appuyé par ses frères, et à la tête d’une armée composée de nobles, de chevaliers et de fantassins.
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L’objectif est alors clair dans leur esprit : s’emparer de Tanger et affaiblir l’autorité des Mérinides, dynastie régnante au Maroc. Mais cette entreprise sera tragique, car ils ont sous-estimé la résistance des défenseurs marocains. Les Portugais débarquent sur les côtes atlantiques de Tanger avec une confiance incroyablement aveugle ! Pourtant, dès les premières manœuvres, il est évident que les forces locales ne se laisseront pas soumettre sans une résistance acharnée.
Le siège de Tanger et la résistance héroïque
La bataille se transforme rapidement en un siège impitoyable. Sous le commandement de Wali Salah Ibn Salah, les habitants de Tanger, renforcés par les troupes venues de Fès, ne tardent pas à repousser les assauts portugais. Jour après jour, les murs de la cité marocaine se dressent comme un rempart infranchissable face aux ambitions des envahisseurs. La stratégie portugaise s’avère finalement mal préparée : le ravitaillement manque, la maladie et la faim rongent les troupes. Le rêve de conquête se transforme en cauchemar.
C’est là que le drame humain atteint son paroxysme. L’infant Ferdinand, frère du roi Édouard et chef militaire de l’expédition, est capturé par les forces marocaines. Son sort est une des images phares de cette expédition et donnera au monde un aperçu de l’échec portugais. L’armée d’Henri le Navigateur, désormais encerclée et affaiblie, est contrainte de négocier un retrait précipité.
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Les négociations qui s’ensuivent scellent un accord douloureux pour le Portugal. En échange de la vie des prisonniers et de l’infant Ferdinand, les Portugais s’engagent à restituer Sebta, bastion stratégique qu’ils avaient conquis en 1415. Mais, la trahison portugaise marque la fin d’une ère de confiance. Une fois rentrés, les Portugais renient leur engagement, refusant de restituer Sebta. Ferdinand, surnommé « l’infant saint » pour sa foi inébranlable, reste emprisonné à Fès durant six ans. C’est dans cette ville qu’il trouvera la mort, en 1443.
La bataille de Tanger, loin d’être la glorieuse victoire espérée, est vue comme un échec cuisant, teinté de honte et de regrets. Pour le Maroc, en revanche, cette victoire résonne comme un triomphe éclatant, symbolisant la résistance face aux invasions étrangères. La dynamique globale de la lutte entre l’islam et le christianisme pour le contrôle des territoires stratégiques du Maghreb, change complètement. Au-delà de l’Histoire militaire, cette bataille, c’est avant tout un choc culturel entre deux civilisations. D’un côté, le Portugal chrétien, assoiffé de conquêtes, de l’autre, un Maroc musulman, résolu à protéger ses terres et sa foi. Si l’Histoire ne retient trop souvent que les grandes victoires, il est des défaites qui forgent tout autant l’âme des nations.