Justice salariale : les infirmiers et techniciens de santé reprennent la protestation
Les infirmiers et techniciens de santé observent régulièrement et depuis des années des grèves afin d’interpeller le gouvernement. © DR
Dignité, reconnaissance, justice salariale, prime de risque, … Les mouvements de protestation reprennent dans le secteur de la santé. Après les pharmaciens, c’est au tour des infirmiers et des techniciens de santé de monter au créneau. Ils continuent ainsi d’exprimer leur opposition à l’accord signé en février 2022 entre le gouvernement et les syndicats représentant le secteur, dont le personnel soignant aurait été exclu.
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Le Syndicat indépendant des infirmiers (SII) a appelé à un mouvement de protestation qui débutera le jeudi 13 avril prochain, que l’organisme prévoit d’étaler sur un mois, se concluant par une grève nationale de 24h.
Le syndicat entend faire valoir les droits de ceux qu’on considère comme étant «la colonne vertébrale» du système de santé : la révision à la hausse de leurs salaires à travers l’augmentation du barème de la prime de risque ainsi que celui de la prime pour l’encadrement des nouvelles recrues.
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Dans son communiqué, le SII appelle le gouvernement d’Aziz Akhannouch à concrétiser les promesses formulées à leur égard et à répondre favorablement aux revendications légitimes de ces professionnels de la santé.
«Mutisme» gouvernemental
Les doléances portées par le Syndicat sont passées sur la table de plusieurs gouvernements qui se sont succédé, notamment celui de Benkirane, sans pour autant aboutir à des résultats concrets.
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L’organisme estime que la porte du gouvernement leur est totalement fermée, «en plus d’une absence de volonté de réparer la situation des infirmiers et TS, victimes de toutes les politiques défaillantes». Aujourd’hui et une fois de plus, le SII appelle le chef du gouvernement à un dialogue sérieux dénué «d’excuses futiles derrière lesquelles se cachent ceux qui veulent en finir avec ce qui reste d’espoir [ndlr, aux infirmiers et TS]».
Fatima-Zahra Belline, membre du Conseil national du SII, a confirmé à nos confrères d’Hespress Fr que les dates annoncées s’inscrivent dans un programme de lutté élaboré par le syndicat pour exprimer sa désapprobation de l’accord du 24 février.
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Un accord «signé par les partenaires sociaux au nom de l’infirmier(e), [mais qui] n’a pas connu la présence de ce dernier, alors que toutes les catégories du secteur ont vu leurs revendications satisfaites, à l’exception des infirmiers(e) et TS qui était en première ligne pendant la pandémie, et dont le travail n’a pas été couronné de reconnaissance pour leurs efforts».
Vers une grève nationale le 11 mai
À la lumière de cette politique d’exclusion, le mouvement de protestation unissant toutes les catégories du corps infirmier, à l’initiative du Syndicat, démarrera le jeudi 13 avril à partir de 15 heures avec une série de sit-in devant les directions régionales de la Santé et de la protection sociale.
Il se poursuivra jusqu’au 11 mai prochain, journée pendant laquelle les professionnels observeront une grève nationale de 24 h. Une date très symbolique pour ces cadres puisqu’elle commémore la Journée internationale des infirmier(e)s, célébrée le 12 mai de chaque année.
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Au terme d’un mois d’action, le SII prévoit un sit-in historique devant le Parlement à Rabat, à partir de 10h30 du matin. S’en suivra une conférence de presse le vendredi 12 mai, dont le lieu sera annoncé ultérieurement.
Le Conseil national a décidé de relancer le mouvement des infirmiers et TS pour lui donner un nouveau souffle .– Mouvement des infirmiers et des techniciens de santé au Maroc (MITSM)
L’organisation espère toutefois que le gouvernement réagira à leurs revendications et qu’un accord sera signé avant la date de la grève.
De son côté, le mouvement des infirmiers et des techniciens de santé au Maroc (MITSM), a annoncé reprendre son mouvement d’escalade avec les mêmes revendications que le Syndicat.
«Alors que les infirmiers et techniciens de santé sont sortis du dialogue sectoriel avec la tutelle, avec zéro demande réalisée, et que nous sommes sur le point de publier des décrets d’application liés au nouveau système de santé, qui vont hypothéquer notre carrière et notre avenir social pour des générations, le Conseil national a décidé de relancer le mouvement des infirmiers et TS pour lui donner un nouveau souffle », informe le MITSM.
Pour une révision des salaires à la hausse
En tant que cheville ouvrière du secteur et acteurs majeurs du système de santé, les infirmiers appellent ainsi le gouvernement à une révision salariale légitime, à l’instar des médecins, face aux tâches accomplies au quotidien. Un fait avéré avec les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à l’appui : 80% des soins sont dispensés par les infirmiers et les aides soignants.
«Chaque infirmier remplit aujourd’hui trois missions, à savoir dispenser des soins infirmiers, assumer différents risques y afférents et encadrer les stagiaires. Or, la plupart d’entre nous ne parviennent pas à atteindre le seuil salarial de 8.000 DH par mois que nous exigeons depuis plusieurs années. Pourtant, le ministère a procédé à une révision des conditions de travail de nos collègues médecins», souligne Latifa Wassmi, membre du bureau régional de Souss-Massa relevant du Syndicat indépendant des infirmiers, dans une déclaration accordée au journal Le Matin.
A cet égard, Fatima-Zahra Belline a appelé le chef du gouvernement à «tenir les promesses et rendre justice à l’infirmier(e) marocain de la misère matérielle et juridique, en adhérant à une justice salariale appropriée», soulignant l’importance des infirmiers(e) et TS pour la réussite de la réforme du système de santé, avant de conclure que tout déni de ses justes revendications contribuera à l’échec du chantier de réforme.
Pour une prime de risque plus équitable
Le syndicat dénonce par ailleurs la non-reconnaissance du rôle «héroïque» joué par ces cadres durant la pandémie de Covid-19. La crise sanitaire a, de fait, démontré le rôle important que les infirmiers et techniciens de santé jouent à tous les niveaux. Ces derniers, qui se sont engagés en première ligne, exigent une meilleure prise en compte de leurs risques.
«N’avons-nous pas le droit à une prime de risque professionnelle proportionnelle à l’énormité du danger auquel nous sommes exposés ? Un infirmier ou un technicien ne fait-il pas le travail de trois autres selon les déclarations officielles de votre gouvernement ?», s’interroge le Syndicat.
Alors que tout le monde était chez soi, ils [ndlr, infirmiers et TS] étaient en train d’accomplir leur devoir moral, en affrontant un virus mortel dont les scientifiques ne connaissaient que le nom.– Syndicat indépendant des infirmiers (SII)
Et cela fait six ans que les cadres de la santé réclament une meilleure indemnisation des risques professionnels, en tant qu’ils sont les premiers à faire face à tout type de risques sanitaires. Celle-ci stagne depuis plusieurs années à 1.000 dirhams, au moment où les médecins touchent une indemnité qui peut aller jusqu’à 5.900 dirhams. De quoi susciter l’indignation des infirmiers.
Cette équité dans l’octroi de la prime de risque, une revendication que les infirmiers et TS considèrent comme amplement légitime en raison de leurs conditions de travail difficiles. De multiples sit-in et marches ont été d’ailleurs organisés dans différentes villes du Royaume pour faire entendre les voix des contestataires. En vain.
Pour des conditions de travail plus appropriées
Autre revendication, l’amélioration des conditions de travail des infirmiers et techniciens de santé. En effet, le MITSM a pointé du doigt, dans son récent communiqué, des «tentatives malsaines qui cherchent à faire de la santé une marchandise soumise à la logique du marché, alors qu’elle est supposée être un service humanitaire».
Le mouvement dénonce la transformation des travailleurs du corps infirmier en une simple main-d’œuvre, qui travaille dans des conditions déplorables et sur laquelle le patronat s’acharne.
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«Le chef du gouvernement n’est-il pas au courant que plusieurs pays font appel aux infirmiers et TS et leur paient le double ? N’êtes-vous pas en train de pousser des milliers à vous laisser et partir sous la contrainte dans d’autres pays ?», a soulevé pour sa part le SII.
Un scénario qui, s’il venait à devenir réalité, mettrait en danger le système de santé national en entier. D’autres pays proposent en effet des offres attrayantes et des conditions de vie restent nettement meilleures. Et en raison des conditions de travail désastreuses, force est de constater que la fuite des compétences a commencé, alors que le Royaume est en plein chantier de la généralisation de la couverture médicale.
Sinon l’exode …
Pour le corps médical et infirmier, le Canada est devenu la destination de premier plan. Le pays est entré depuis peu dans la phase 4 de son projet gouvernemental, lancé en février 2022, avec pour objectif : recruter des infirmiers à l’international.
Les plus récentes données obtenues auprès du Ministère canadien de la Santé et des Services sociaux font état d’arrivées continues par centaines d’infirmières du Maroc et d’autres pays notamment la Tunisie, l’Algérie, le Liban, le Cameroun, ou encore Haïti.
Les cieux canadiens ne sont pas aussi bleus, mais les infirmiers y trouvent ce qu’ils n’ont pas chez eux, à savoir une valorisation du travail de chacun. «J’adore mon pays et j’adore mon métier et le fait de venir en aide aux personnes en besoin. Mais j’étais obligée de quitter mon poste et ma nation parce que les conditions de travail n’étaient pas au rendez-vous. Plusieurs raisons m’ont poussée à repenser ma vie et ma carrière en tant qu’infirmière. Et je ne suis absolument pas surprise de constater que plusieurs autres infirmiers et cadres quittent le Maroc pour venir au Canada», a témoigné une jeune infirmière.
Chaque mois, quelque 1.000 infirmier(e)s de différentes nationalités atterrissent au Canada. Rien qu’en octobre 2022, la Marocaine affirme que plus de 30 infirmiers sont arrivés du Royaume. «Nous avons reçu une correspondance de l’Ordre des infirmiers du Canada pour accueillir ces infirmiers, les aider et les accompagner notamment sur le plan social (les aider à chercher le loyer, etc) pour démarrer leur vie. D’autres vont suivre certainement », a-t-elle précisé.
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Avec ce témoignage, l’infirmière a, toutefois, précisé que son intention n’était aucunement d’inciter ses consœurs et confrères à l’immigration, aggravant encore plus la pénurie de cadres médicaux. Comment pallier ce phénomène alors que le Maroc entame le chantier de généralisation de la protection sociale ?
«Pour réussir ce chantier royal, il faut des hommes et des femmes !», s’est exclamé Jaâfar Heikel, médecin et professeur à Casablanca. «Il ne suffit pas de mettre de l’argent et des infrastructures. Qui va s’occuper des patients si une bonne partie s’en va ?», a-t-il déclaré tout en appelant à une meilleure planification.
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