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Jubilé d’argent : 25 ans de changement pour les femmes marocaines
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«Le faible niveau de représentation féminine dans les collectivités locales, Nous amène à Nous interroger : jusqu’à quand allons-nous continuer à recourir à la discrimination juridique positive, pour garantir une large participation de la femme aux institutions ?», avait interrogé le roi Mohammed VI.
Tout en ajoutant que «la question exige, sans aucun doute, un renouveau global, par une transformation profonde des mentalités archaïques et de la conscience collective. Elle requiert de laisser à la femme la faculté de s’insérer dans tous les rouages de la vie de la nation, d’autant plus qu’elle a fait la démonstration de ses mérites, de sa droiture et de son dévouement au service de l’intérêt général».
Cette allocution devant les parlementaires avait jeté les prémices d’un changement à venir dans la société marocaine. Le 10 octobre 2004, le roi Mohammed VI présente le nouveau Code de la famille. Le texte fut adopté en décembre de la même année.
«Il est évident que la situation des femmes au Maroc a connu des progrès très importants sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. La réforme de 2004 menée sous le Leadership Royal a permis de passer du précédent code du statut personnel au code de la Famille a été une véritable révolution tranquille qui a débloqué la situation des femmes. Elle a ouvert la porte à la réforme du code de la nationalité donnant le droit aux femmes marocaines de transmettre leur nationalité à leurs enfants nés de père étranger et à des politiques publiques visant la lutte contre les violences faites aux femmes mises en œuvre depuis le début des années 2000. Parallèlement, l’accès des femmes aux postes de responsabilité et aux fonctions électives a été régulièrement encouragé. La réforme la plus importante durant cette période a été la réforme Constitutionnelle de 2011 garantissant l’égalité en droits et libertés entre les hommes et les femmes et faisant obligation à l’Etat d’œuvrer pour la parité. 20 ans après la réforme du Code de la famille de 2004, Sa Majesté le Roi a lancé un chantier de réforme du code de la famille très ambitieux et prometteur en associant fortement le mouvement pour les droits des femmes et les droits de l’enfant. L’objectif est de traduire les engagements nationaux et internationaux du Maroc en matière d’égalité et de rendre justice aux femmes. Ceci permettra à notre pays de rentrer de plein pieds dans la dynamique de développement en s’appuyant sur l’ensemble de ses potentialités humaines dont les femmes constituent la moitié», raconte Nouzha Skalli, militante associative et ex-ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité.
L’adoption du nouveau Code de la famille marque un tournant historique dans l’émancipation de la femme marocaine et répond à une forte demande nationale qui considère l’égalité homme-femme comme la pierre angulaire de tout projet de développement inclusif, avec, à sa tête, la société civile. Cette réforme en profondeur du Code de la famille a apporté un nouveau souffle dans la vie quotidienne de la femme.
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Parmi les points les plus importants de cette réforme, on peut en citer l’âge minimum légal de mariage pour les filles passe de 15 à 18 ans. La famille est dorénavant placée sous la responsabilité des deux époux, la polygamie devient quasiment impossible à pratiquer et la répudiation nécessite désormais un contrôle judiciaire et ne dépend plus seulement des religieux.
2004 fut une année charnière dans l’évolution de la société marocaine puisque c’est en cette période que l’Instance Équité et Réconciliation (IER) en 2004, chargée d’examiner les violations des droits de l’Homme pendant les années de plomb (1956-1999), a également inclus des mesures spécifiques pour les femmes victimes de violence et de discrimination. Ce qui a permis de reconnaître officiellement les souffrances subies par ces dernières et de leur offrir une forme de réparation.
Progrès économiques et sociaux
Le roi Mohammed VI a également procédé en encourageant l’inclusion économique des femmes à travers des programmes de microfinance et des initiatives entrepreneuriales. Elles sont nombreuses les femmes marocaines qui ont pu démarrer leurs propres entreprises, contribuant ainsi activement au développement économique du pays.
L’éducation des filles a été une priorité royale avec une nette augmentation du taux de scolarisation, particulièrement dans les zones rurales. Des efforts soutenus ont été déployés pour réduire les disparités de genre en matière d’accès à l’éducation, ce qui a conduit à une amélioration significative du taux d’alphabétisation des femmes.
Entrepreneuriat féminin
Le roi Mohammed VI a également procédé en encourageant l’inclusion économique des femmes à travers des programmes de microfinance et des initiatives entrepreneuriales. Elles sont nombreuses les femmes marocaines qui ont pu démarrer leurs propres entreprises, contribuant ainsi activement au développement économique du pays.
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L’éducation des filles a été une priorité royale avec une nette augmentation du taux de scolarisation, particulièrement dans les zones rurales. Des efforts soutenus ont été déployés pour réduire les disparités de genre en matière d’accès à l’éducation, ce qui a conduit à une amélioration significative du taux d’alphabétisation des femmes.
Politique et représentation
Selon, l’ancienne ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité de 2007 à 2012, Nouzha Skalli, la participation politique des femmes a connu une avancée majeure. En 2002, une loi sur les quotas a été introduite, réservant un nombre de sièges au Parlement aux femmes. Cette initiative a permis à la femme de s’intéresser davantage à la vie politique. Comme en témoigne les résultats de la dernière législative où, elles ont réussi à s’adjuger 96 sur 395 sièges, soit 24,3%.
Le nombre de femmes ministres au sein du gouvernement a augmenté de manière remarquable, passant de 12,8% en 2011 à 24% en 2022, ce qui représente presque un doublement. Aujourd’hui, le Maroc compte six femmes sur 24 ministres, soit 25%.
Tout en saluant la progression des femmes par rapport aux années précédentes, Nouzha Skalli pense que des efforts doivent être faits pour avoir plus de femmes dans les instances de décision comme le gouvernement et l’hémicycle dans les années à venir.
Malgré ces progrès, plusieurs défis persistent. Les violences faites aux femmes demeurent un problème majeur, bien que le Maroc ait adopté une loi en 2018 criminalisant certaines formes de violence domestique. Toutefois, l’application de cette loi reste inégale et les victimes éprouvent souvent des difficultés à obtenir justice.
La participation des femmes sur le marché du travail, bien qu’en progression, demeure inférieure à celle des hommes. Les femmes continuent de faire face à des discriminations dans l’accès à l’emploi et aux opportunités économiques. De plus, les disparités entre les zones urbaines et rurales persistent en matière de droits et d’opportunités pour les femmes.
Les 25 années de règne du roi Mohammed VI ont été une période de transformation significative pour les femmes marocaines. Les réformes légales, les initiatives économiques et l’amélioration de la représentation politique ont permis des avancées notables. Cependant, des efforts continus sont nécessaires pour surmonter les défis persistants et assurer une véritable égalité des genres à long terme.
En dépit des progrès indéniables qui ont été réalisés sous le règne du roi Mohammed VI, le chemin menant vers une égalité complète est encore long. Les fondations pour un avenir plus égalitaire sont établies, mais cela requiert un engagement continu de la société marocaine afin d’assurer que chaque femme puisse jouir pleinement de ses droits et contribuer pleinement au développement national.
Interview de Aatifa Timjerdine, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM)
LeBrief : Quelle est la situation actuelle de la femme au Maroc ?
Aatifa Timjerdine : Malgré le progrès qu’a connu les femmes marocaines durant ces dernières 30 années, Leur situation reste caractérisée par la discrimination et la violence qui enregistre des taux alarmants. Selon l’enquête de prévalence publiée en 2019 par le HCP, 7,6 millions de femmes et de filles âgées de 15 à 74 ans (soit 57,1%) ont subi au moins un acte de violence au cours des 12 derniers mois précédents l’enquête. Les femmes sont exposées à la violence sexiste dans tous les espaces y compris virtuel (13,8%). Elle se caractérise également par un taux d’activité de 19% en 2023 alors qu’il était de 28,1% en 2000, elle se caractérise par des lois qui contiennent encore des dispositions discriminations exemple le code de la famille, le code pénal, la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. De plus selon le rapport du Forum économique mondial sur l’écart entre les genres, le Maroc est classé 137e pour 2024, sur 147 pays. Il était 136e en 2023 et confirme bien les chiffres du HCP.
En 2022 (femmes en chiffres du HCP):
- Femmes vivants seules âgées de moins de 30 ans : 4,3% ; entre 30 et 59 ans : 30,5% ; plus de 60 ans : 65,2%
- Age moyen à la maternité : 29,1%
- Scolarité par âge : 89,9% – 96,1%
- Adultes de 25 ans sans niveau d’éducation : 50,3% – 24,7% – Supérieur : 11,8 hommes – 8,5% femmes
- Taux d’activité des diplômés : Hommes : 92,2% – Femmes : 33,2% alors qu’il était en 2012 : Hommes : 92,5% – Femmes : 36,9%
- Taux de chômage 2022 : Hommes : 10,3% – Femmes : 17,2%
- Taux de chômage 2022 : Diplômés : Hommes : 18,3% – Femmes : 33,7%
- De 15 à 34 ans : 19,8% – 32,7%
- Travaux ménagers : Hommes : 12% – Femmes : 79%.
LeBrief : En 25 ans, comment a évoluée la situation de la femme au Maroc ?
Aatifa Timjerdine : Durant les 25 dernières années, les droits des femmes ont connu de nombreuses avancées importantes
Depuis 2002, les avancées du Maroc en matières de lutte contre les discriminations ont particulièrement concerné les lois notamment la réforme du code du Travail (2003) et de certaines dispositions du Code Pénal, la réforme du Code de la Famille en 2004 qui a été une réforme importante et celle du code de la nationalité en 2007.
Il y a eu également l’intégration de l’approche genre dans le processus budgétaire et qui a constitué une expérience prometteuse.
Toutefois, les progrès réalisés sont d’une part, incomplets et d’autre part, peu effectifs. En effet la réforme du code pénal a porté seulement sur quelques articles et celle du code de la famille qui était plus importante n’a pas pris en compte la non-discrimination telle que définie par la convention de lutte contre toutes les formes de discrimination envers les femmes, si bien que de nombreuses dispositions discriminatoires persistent encore, ainsi il y a maintien de la polygamie, de la répudiation, de l’inégalité en matière de tutelle légale sur les enfants, et en matière d’inégalité successorale.
En 2011, il y a eu la réforme de la constitution qui a consacré l’égalité entre les femmes et les hommes dans les droits civils, politiques, économiques socio-culturels et environnementaux et la création d’une autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination. Toutes les lois doivent être harmonisées avec la constitution et les conventions internationales ratifiées par le Maroc, mais cette harmonisation ne c’était pas faite et les lois qui ont été adoptées telles que la loi 103.13, adoptée en 2018, la 19.12 relative au travail domestique, ne répondent pas aux normes internationales.
Il y a eu également l’élaboration de stratégies et programme telles que la «Stratégie Nationale pour l’Egalité et l’Equité entre les sexes» et ou encore les «Stratégies de lutte contre les violences faites aux femmes», ainsi que le «Programme gouvernementale pour l’égalité» …
LeBrief : Que reste-t-il à faire ?
Aatifa Timjerdine : Malgré les avancées réalisées, il reste encore beaucoup à faire et essentiellement :
– La révision de la loi sur l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations selon les principes de Paris en termes d’indépendance et d’impartialité.
– L’harmonisation de toutes les lois marocaines telles que le code de la famille, code pénal, le code de la procédure pénale, la loi 103.13 de lutte contre les violences faites aux femmes, le code du travail, les lois relatives à la sécurité sociale,… avec la constitution et les conventions internationales.
– La mise en place de politiques publiques qui prennent en compte l’approche genre.
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