Accueil / Société

Journée mondiale de la santé mentale : quelles réalités au Maroc ?

Temps de lecture

Image d'illustration © DR

Malgré des progrès dans la sensibilisation, la santé mentale au Maroc reste un défi de taille. Pénurie de psychiatres, stigmatisation persistante et accès limité aux soins, … à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, LeBrief présente quelques réalités auxquelles les Marocains sont confrontés. Dr Imane Kendili, psychiatre et addictologue, nous parle de ces enjeux et propose des pistes pour améliorer la prise en charge dans un contexte marqué par des tensions socio-économiques croissantes.

Le 10 octobre, le monde célèbre la Journée mondiale de la santé mentale, l’occasion de sensibiliser sur les troubles mentaux et à promouvoir les efforts pour améliorer la prise en charge de la santé mentale dans les pays. Au Maroc, bien que des progrès ont été réalisés, la réalité reste marquée par des défis importants.

Une pénurie inquiétante de ressources

Selon Dr Imane Kendili, psychiatre et addictologue, l’un des principaux obstacles à la gestion efficace de la santé mentale au Maroc réside dans la pénurie de ressources humaines et matérielles. Le pays ne compte que 454 psychiatres pour une population de plus de 36 millions d’habitants, un ratio largement insuffisant selon les normes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui recommande 25 psychiatres pour 100.000 habitants. De plus, le pays dispose de seulement 2.431 lits dans les établissements psychiatriques publics et privés. Ces chiffres mettent en lumière un besoin urgent d’infrastructures et de professionnels de santé.

Lire aussi : L’hubris, la maladie du pouvoir

Les troubles mentaux affectent un nombre important de Marocains. Environ 48,9% des Marocains âgés de plus de 15 ans souffrent ou ont souffert de troubles mentaux avec une prévalence marquée des troubles dépressifs (26,5%) et anxieux (9%). Cette situation révèle une urgence sanitaire non résolue particulièrement chez les jeunes de moins de 35 ans qui sont gravement touchés par l’isolement social et l’exposition excessive aux technologies numériques.

Les défis socio-économiques exacerbent les troubles mentaux

Le Maroc est également confronté à une recrudescence des tensions sociales et économiques, notamment en raison de l’augmentation du coût de la vie qui ajoute des pressions psychologiques tant sur les jeunes que sur les adultes. Dr Kendili souligne que ces facteurs économiques aggravent les symptômes de nombreuses personnes souffrant de troubles mentaux et compliquent l’accès à une prise en charge adéquate.

La stigmatisation, un frein à la prise en charge

Un autre défi majeur auquel le Maroc fait face est la stigmatisation associée aux troubles mentaux. Pour Dr Kendili, cette stigmatisation constitue un obstacle important à l’accès aux soins. «De nombreux patients hésitent à consulter un psychiatre par peur d’être jugés ou rejetés socialement», explique notre interlocutrice. Les croyances traditionnelles qui associent souvent les troubles mentaux à des causes surnaturelles ou à une faible personnalité restent profondément ancrées dans la société marocaine. Bien que les mentalités évoluent progressivement, cette stigmatisation persiste et retarde souvent le traitement des troubles graves tels que la schizophrénie ou la dépression sévère.

L’accès limité aux soins de santé mentale

L’accès aux services de santé mentale au Maroc est entravé par plusieurs barrières. Le coût des consultations psychiatriques privées variant entre 400 et 500 dirhams est prohibitif pour une grande partie de la population. En ce qui concerne les infrastructures publiques, elles sont insuffisantes pour répondre à la demande croissante avec seulement 34 structures spécialisées dans tout le pays. Ce manque d’infrastructures et de personnel qualifié, notamment dans les zones rurales, crée des disparités géographiques considérables. De plus, le manque de médicaments disponibles, malgré certaines subventions, complique encore l’accès aux traitements.

Des actions nécessaires pour améliorer la prise en charge

Pour améliorer la prise en charge de la santé mentale au Maroc, Dr Kendili recommande une approche multisectorielle et globale. «Il est essentiel de renforcer les infrastructures et d’augmenter le personnel qualifié», plaide le médecin en insistant sur l’importance de former davantage de psychiatres et de psychologues pour pallier la pénurie actuelle. Elle suggère également de subventionner les soins psychiatriques et de les intégrer aux régimes d’assurance pour garantir l’accès aux populations vulnérables.

Lire aussi : Qu’est-ce que l’auto-sabotage et comment l’éviter ?

Lutter contre la stigmatisation est également crucial. Dr Kendili propose de mener des campagnes de sensibilisation pour encourager les Marocains à consulter dès les premiers symptômes et normaliser la discussion autour des troubles mentaux. Une réforme législative est également nécessaire pour protéger les droits des personnes atteintes de troubles mentaux et encourager leur inclusion dans la société, surtout dans le milieu du travail.

Enfin, elle appelle à une collaboration internationale renforcée en tirant parti des partenariats avec l’OMS et d’autres organismes pour bénéficier des meilleures pratiques et soutenir le système de santé mentale marocain.

Dernier articles
Les articles les plus lu

RAM : de Casablanca à Toronto en vol direct

Société - La RAM a lancé, dimanche, un nouveau vol direct reliant Casablanca à Toronto, consolidant ainsi son réseau aérien vers le continent américain.

Ilyasse Rhamir - 9 décembre 2024

Lutte contre la cyberviolence : le Maroc en première ligne

Société - La cyberviolence, dissimulée et dévastatrice, est devenue un enjeu majeur pour les autorités marocaines.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Urgence écologique : sauvetage de la forêt de Bouskoura

Société - L’ANEF a lancé un programme d’urgence pour 2025-2026 visant à préserver la forêt urbaine de Bouskoura, un espace vital pour la métropole de Casablanca.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Al Akhawayn alumni association se digitalise

Société - L’Association des lauréats de l’université Al Akhawayn franchit une étape dans sa modernisation en lançant une plateforme numérique.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

La viande toujours aussi chère sur le marché de gros

Société - La viande bovine est proposée entre 88 et 91 dirhams le kilo, tandis que la viande ovine se situe entre 115 et 120 dirhams le kilo.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

Benguerir primée par l’UNESCO pour ses avancées éducatives

Société - Benguerir a été honorée par l'UNESCO cette année pour ses avancées remarquables en matière d’éducation.

Ilyasse Rhamir - 4 décembre 2024

Adoption du projet de loi organique sur la grève par la Commission

Société - La Commission des secteurs sociaux de la Chambre des représentants a adopté à la majorité, mercredi matin, le projet de loi organique n°97.15 encadrant le droit de grève.

Rédaction LeBrief - 4 décembre 2024

Grève des médecins : Le SIMSP maintient la pression

Société - Le Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public annonce la prolongation de sa grève nationale les 4 et 5 décembre 2024.

Ilyasse Rhamir - 4 décembre 2024
Voir plus

Pourquoi le site Narsa Khadamat est-il hors service ?

Société - Depuis un mois, l’accès au site Narsa Khadamat est impossible. Découvrez la raison de cette interruption.

Rédaction LeBrief - 27 novembre 2024

Santé mentale au Maroc : briser les tabous, réformer le système

Société - Au Maroc, la santé mentale demeure un domaine préoccupant, longtemps négligé dans les politiques publiques.

Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024

Palestine : Barid Al-Maghrib émet un timbre-poste arabe commun en solidarité

Société - Le groupe Barid Al-Maghrib a lancé un timbre-poste spécial intitulé Avec Gaza en signe de solidarité avec le peuple palestinien.

Rédaction LeBrief - 30 novembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire