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JO Paris 2024 : des travailleurs exploités sur des chantiers «exemplaires»

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Dans un an et demi, la ville de Paris accueillera les Jeux olympiques d’été. Alors qu’une quarantaine de chantiers est en cours, dont le village des athlètes et le centre aquatique, des enquêtes ont mis au jour la présence de travailleurs irréguliers.

Malgré la «volonté d’exemplarité des chantiers» des JO de Paris 2024, plusieurs travailleurs sans-papiers travaillent illégalement sur la construction du Village des athlètes, aux postes les plus «accidentogènes».

La présence de cette main d’œuvre illégale est devenue un enjeu de crispation politique et d’exemplarité sociale. Signe que le sujet inquiète, l’inspection du travail a créé une unité spécialisée qui a contrôlé près d’un site par jour depuis deux ans. Du jamais-vu.

Des travailleurs « exploités »

Dans une révélation fracassante en décembre dernier, le journal Libération avait fait la lumière sur l’exploitation des travailleurs sans-papiers sur les chantiers des Jeux Olympiques 2024 de Paris.

JO Paris 2024 : des travailleurs exploités sur des chantiers «exemplaires»

«On n’a aucun droit. Pas de contrat, pas de congés, de tenue de chantier, de chaussures de sécurité. On a peur de l’État français» © Une de Libération du 6 décembre 2022

Dans un contexte de critique féroce sur les conditions de travail dans les chantiers de la coupe du monde de football au Qatar et d’appel au boycott de l’événement sportif le plus suivi au monde, le quotidien français avait recueilli les témoignages des ouvriers payés à hauteur de 80 euros par jour, au marché noir, sans aucune déclaration, sans aucune cotisation sociale, ni jour de repos. Cela s’ajoutant à leur dur labeur dans des conditions climatiques des plus difficiles.

Parmi eux Moussa, originaire du Mali. Il dit avoir été exploité sur les chantiers de Paris 2024 : «Tous ces beaux stades que les gens voient, mais en réalité ce qui se cache derrière… Ces stades-là, ils sont construits sur le dos de pauvres (…) Il y a des chantiers où je travaillais jusqu’à 20h. Si tu dis que tu ne veux pas rester, ils vont te faire du chantage, ils vont te dire, soit tu restes, soit tu prends tes affaires.»

Ces stades-là, ils sont construits sur le dos de pauvres. – Moussa, Travailleur malien

«J’ai accepté parce que je connais ma situation. Si t’as pas de papiers, tu fais tout ce qui est difficile, toute la merde, t’as pas le choix». D’une voix posée, Gaye, lui aussi originaire du Mali, lui aussi est sans papier, témoigne des conditions dans lesquelles il a travaillé pendant plusieurs mois sur l’un des chantiers des futurs sites olympiques.
«Par exemple, tu travailles deux mois et après il paye un mois, c’est comme ça (…) Mais j’accepte parce qu’il connaît ma situation, et moi aussi je la connais.»

Le 26 septembre dernier, lorsque des inspecteurs du travail font irruption dans le centre aquatique de Marville (Seine-Saint-Denis), «le patron m’a dit : «Tu ne reviens plus !»», explique ce Malien de 41 ans, dont cinq passés en France.

Cette toile du travail illégal est tissée par une «nébuleuse d’entreprises turques» sous-traitantes, observe Jean-Albert Guidou, de la CGT Seine-Saint-Denis. Un «système qui marche à plein tube», avec des sociétés qui se placent en liquidation dès qu’elles sont inquiétées.

Alors que le gouvernement français veut créer un titre de séjour dans les «métiers en tension», le syndicaliste a déjà accompagné une trentaine de travailleurs des JO dans des procédures de régularisations, certaines déjà obtenues.
«Ils occupent les postes les plus accidentogènes et ils sont surexploités», s’indigne-t-il. «Sur les chantiers, la seule variable d’ajustement, c’est le prix du travailleur. Et quand il faut mettre les bouchées doubles pour livrer, ces entreprises ne sont pas regardantes sur les conditions de travail.»

«Emploi d’étranger sans titre en bande organisée»

En juin dernier, neuf travailleurs irréguliers avaient été identifiés sur un chantier dont le maître d’ouvrage n’est autre que la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Le parquet de Bobigny ouvre alors une enquête préliminaire notamment pour «travail dissimulé» et «emploi d’étranger sans titre en bande organisée».

Depuis la découverte de ces travailleurs sans-papiers, l’inspection du travail multiplie les contrôles sur les chantiers.
De son côté, Solideo affirme avoir pris le problème à bras le corps, comme l’explique Antoine du Souich, directeur de stratégie et d’innovation chez Solideo :

«On a analysé les situations, et quand il y avait des entreprises fautives, et bien, elles ont été immédiatement écartées du chantier et des opérations. Mais on s’est également interrogés sur les actions que nous mettions en œuvre et on a décidé de renforcer les actions de prévention du travail illégal.»

«On a écrit au procureur de Bobigny pour dire qu’on souhaite se joindre aux procédures contre les employeurs indélicats», a poursuivi, Nicolas Ferrand, rappelant la «volonté d’exemplarité des chantiers olympiques».

La présence de ces travailleurs sans-papiers sème l’embarras, alors que les organisateurs de Paris 2024 espèrent des Jeux exemplaires, loin des polémiques sur les conditions de travail dénoncées lors du Mondial de football au Qatar.

Lire aussi : JO de Paris 2024, y a-t-il des raisons de s’inquiéter ?

Des JO « exemplaires »?

Des JO « exemplaires », c’est la promesse des organisateurs des Jeux de Paris 2024. Selon le comité d’organisation, «les Jeux de Paris 2024 seront inédits, parce que spectaculaires et durables».

Le comité d’organisation dit vouloir agir pour le climat afin de laisser un «héritage durable et respectueux pour les générations futures». En effet, lors de la présentation de sa candidature, le comité parisien n’a pas hésité à mettre en exergue que l’objectif de Paris 2024 consisterait à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux JO de Londres, en 2012. Ces derniers avaient en effet été critiqués pour avoir fait partie des JO les moins écologiques et durables de l’Histoire.

Paris 2024 est la promesse d’un nouveau modèle d’organisation, – Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris.

Pour tenir sa promesse, la ville de Paris a donc fait le choix de la sobriété et de la nécessité en s’appuyant sur 95% de sites déjà existants ou temporaires. En construisant moins, l’empreinte carbone diminuera. Malgré cette volonté novatrice de mettre les sports au cœur de la ville, les organisateurs ont été contraints de construire deux sites : les villages olympique et paralympique mais également le Centre aquatique.

Les organisateurs veulent jouer la carte de l’excellence écologique et de la modération sur le plan financier. Une fable pour l’opposition politique à la mairie de Paris.

D’ailleurs, cet objectif de nouveauté a été salué par le président du Comité international olympique, Thomas Bach, qui a déclaré que les Jeux de Paris seraient «des Jeux historiques».

Depuis le début, le comité est très ambitieux sur le nouveau modèle d’organisation, ayant fait des choix forts, certes différents de ce qui a pu se faire avant. Les organisateurs disent être sur un nouveau modèle qui allie le côté très spectaculaire avec par exemple l’utilisation de sites iconiques, et une dimension d’exemplarité, d’utilité des Jeux.

Et Paris 2024 s’engage aussi à «adopter des pratiques exemplaires en matière de lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou de genre et à assurer un environnement de travail inclusif».

Paris 2024 atteindra-t-il cet objectif exemplaire ou s’agira-t-il d’une simple illusion relevant d’une stratégie marketing basée sur la durabilité et l’environnement ?

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