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«Jeux d’enfants»

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2.055 ! Voici le nombre à retenir aujourd’hui. Ce sont 2.055 enfants de Gaza qui sont morts avant d’exister. Ce sont 2.055 destins brisés au nom d’une guerre dont ils n’en connaissent pas le nom. Un sordide «jeu» entre adultes où aucun ne semble se remémorer les règles.

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La nuit dernière a connu des bombardements sans précédent dans la bande de Gaza. L’État-major israélien dit avoir visé «plus de 320 cibles militaires». Plus de deux semaines en guerre contre le Hamas, l’État hébreu a fait plus de 5.087 morts, dont 2.055 enfants, et 15.273 blessés, selon le ministère gazaoui de la Santé. Parmi eux figurent 37 médecins, 29 employés des Nations Unies, dont la moitié étaient des enseignants, et 18 journalistes.

Si un second convoi d’aide humanitaire, portant au total 34 le nombre de camions transportant des produits de première nécessité, est entré dans le territoire palestinien, Israël a frappé une position militaire égyptienne près du poste frontalier de Rafah. Une «erreur» qui a causé quelques blessures parmi les soldats égyptiens. «Une tour de contrôle égyptienne a été touchée par les éclats d’un obus tiré par erreur par un char israélien, causant des blessures légères à des membres des forces de surveillance de la frontière», a précisé le porte-parole de l’armée égyptienne.

Ce lundi matin, un troisième convoi d’aide est entré dans la bande. Les Nations Unies (ONU) réclament au moins 100 camions par jour pour subvenir au besoin des populations privées de tout et confrontées depuis hier soir à une catastrophe. Avant le blocus, environ 400 camions humanitaires entraient chaque jour sur le territoire.

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Les otages, une priorité

«Nous allons augmenter nos frappes, minimiser les risques pour nos troupes dans les prochaines étapes de la guerre, et nous allons intensifier les frappes à partir d’aujourd’hui», avait déclaré samedi Daniel Hagari, porte-parole des Forces de défense israéliennes (FDI). Et d’ajouter que l’opération terrestre à Gaza serait lancée lorsque les conditions seraient réunies.

CNN a rapporté dimanche que l’administration Biden avait fait pression sur Israël afin de retarder l’attaque terrestre sur Gaza pour laisser le temps de libérer davantage d’otages et d’acheminer plus d’aide à l’enclave assiégée. Une affirmation démentie par un haut responsable israélien : «Nous avons un dialogue et des consultations étroites avec l’administration américaine. Les États-Unis ne font pas pression sur Israël concernant l’opération terrestre», a-t-il déclaré.

Des sources israéliennes ont toutefois confirmé ce lundi que Tsahal a reporté l’invasion de Gaza jusqu’à l’arrivée de forces américaines supplémentaires dans la région, en prévision d’une nouvelle détérioration de la situation et de l’éventuelle implication d’autres acteurs régionaux. Plus de 12.000 militaires de la Marine américaine et du Corps des Marines des États-Unis, accompagnés de dix navires de guerre (dont 2 porte-avions), devraient être déployés d’ici le milieu de cette semaine en Méditerranée orientale.

«Les otages sont au sommet de nos priorités», a déclaré Peter Lerner, porte-parole de l’armée israélienne, à la radio Bloomberg. «Il y a un énorme effort pour essayer de les ramener chez eux le plus vite possible. Les efforts diplomatiques se poursuivent», a-t-il déclaré. Car la pression sur les responsables israéliens augmente de jour en jour, venant des alliés et des familles d’abord.

Cette pression s’est particulièrement accentuée après que le porte-parole de la branche militaire du Hamas, Abou Obeida, a annoncé samedi que le groupe avait proposé de libérer deux citoyens israéliens, «pour des raisons humanitaires et sans rien attendre en retour. Cependant, le gouvernement israélien d’occupation a refusé de les accepter». Le bureau du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a démenti la proposition, la qualifiant de «propagande mensongère».

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Jusqu’à présent, deux citoyennes américaines, Judith Raanan et sa fille, Natalie, on été libérées après médiation des responsables qataris. Selon Tsahal, le Hamas détient 212 otages israéliens. Parmi eux figureraient : au moins 10 Américains, 17 Thaïlandais, 8 Allemands, 7 Britanniques et 7 Français.

Pour éviter une nouvelle escalade, la coordination diplomatique sous l’égide des États-Unis se renforce. Les premiers ministres des Pays-Bas, Mark Rutte, et de la Grèce, Kyriákos Mitsotákis, sont attendus en Israël aujourd’hui même. Le président français, Emmanuel Macron, s’y rendra, lui, mardi.

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Invasion terrestre : cap ou pas cap ?

«Vous voyez pour le moment Gaza de loin, vous la verrez bientôt de l’intérieur. L’ordre va venir», avait déclaré, jeudi, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, à ses hommes postés à la frontière avec la bande de Gaza. Depuis quelques jours, l’invasion terrestre de Tsahal dans la bande de Gaza est annoncée, sans que pour l’heure rien soit lancé. «La seule condition pour annuler l’opération terrestre dans la bande de Gaza est une situation dans laquelle le Hamas libère tous les prisonniers et se rend sans condition», a déclaré Jonathan Conricus, porte-parole de l’armée israélienne.

Les forces israéliennes auraient toutefois mené des raids à travers la frontière dans le but, selon elles, de nettoyer la zone et de recueillir des renseignements sur les prisonniers-otages du Hamas. «Ce genre de tentatives israéliennes d’entrée dans la bande de Gaza sont confrontées aux combattants palestiniens, qui se préparent pour faire face à toute éventuelle invasion terrestre à l’intérieur du territoire assiégé», a déclaré depuis Khan Younes, Tareq Abu Azzoum, journaliste d’Al Jazeera.

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Ces opérations ponctuelles d’Israël via ses forces spéciales ont été menées en coordination avec les forces spéciales américaines. D’ailleurs, la Maison-Blanche a accidentellement laissé filtrer, sur une photo Instagram datant du 19 octobre, les visages non floutés des agents américains présent sur place. «Dès que cela a été porté à notre attention, nous avons immédiatement supprimé la photo. Nous regrettons l’erreur et tous les problèmes que cela a pu causer», a déclaré la Maison-Blanche dans un communiqué aux médias. Selon le New York Post, la photo est restée en ligne pendant environ une heure avant d’être supprimée.

La phase au sol sera difficile, même avec le bombardement intensif sur Gaza. Pour certains analystes, l’armée israélienne ne dispose pas de suffisamment de personnel compétent pour les combats urbains et péri-urbains. Seules quelques armées dans le monde ont de l’expérience dans les combats urbains de haute intensité. Et la branche armée du Hamas, les Brigades Azzedine al-Qassam, se serait déjà préparée à l’offensive. Le Hamas combattra surtout en territoire qu’il maîtrise.

Des pièges de toutes sortes (IED, guérilla avec roquettes, snipers, etc.) auront été planifiés et des engins explosifs posés. Le Hamas pourra notamment exploiter son célèbre et vaste réseau de tunnels dans le nord de la bande de Gaza «pour tendre des embuscades aux forces israéliennes depuis l’arrière», a déclaré aux médias un officier du mouvement palestinien, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.

Une ville dont la surface est détruite et le souterrain, incertain

La Gaza souterraine est inconnue. «Personne ne sait ce qu’il y a sous terre», a déclaré à CNBC, Harel Chorev, historien palestinien au centre Moshe Dayan d’études sur le Moyen-Orient et l’Afrique de l’université de Tel-Aviv. Ce réseau, souvent appelé le «métro de Gaza», s’étend sur une profondeur de 30 à 40 mètres. Et surtout, il n’est pas accessible aux bombes, aux drones et aux satellites israéliens.

Les tunnels de Gaza, qui effraient les soldats et les civils israéliens depuis des années, ont été creusés pour des raisons économiques afin d’introduire clandestinement des biens de consommation en provenance d’Égypte à la suite du blocus israélien, en 2007. Aujourd’hui, les tunnels sont utilisés pour lancer des attaques.

De manière offensive, les tunnels serviront probablement pour manœuvrer les attaquants sous terre, en les gardant à la fois cachés et protégés, pour lancer des ripostes surprises. Hamas pourrait les utiliser également de manière défensive pour se déplacer entre les positions de combat afin d’éviter la puissance de feu et les forces terrestres de l’armée israélienne.

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Pour les analystes, l’emploi d’un large éventail de drones ne fera qu’aggraver les difficultés de Tsahal. Le Hamas a diffusé une vidéo de ses forces utilisant des drones lors de sa récente attaque, montrant des drones plus grands dans son inventaire, semblables aux drones iraniens Shahed-136 utilisés par les forces russes en Ukraine.

Conscient de ces dangers, le ministère israélien de la Défense entraîne spécialement ses soldats à combattre en milieu urbain, dans un centre de guerre de plusieurs millions de dollars dans le sud du pays, surnommé «mini-Gaza». Elles y ont, depuis des années, appris à se battre dans un labyrinthe de bâtiments et de tunnels très serrés.

Près de la frontière avec Gaza, Israël a déjà massé ses forces. Quelque 300.000 réservistes ont été rappelés, aux côtés d’une force permanente de plus de 160.000 hommes. Selon la BBC, leur moral semble élevé et ils sont prêts à se battre.

Face à eux, le Hamas dispose d’environ 30.000 soldats, selon les estimations de Tsahal. Si l’armée de Netanyahu avait affirmé que les corps d’environ 1.500 combattants du Hamas ont été retrouvés sur le territoire israélien depuis le début des combats, aucun bilan officiel n’a été communiqué.

Entre temps, ce sont 2.055 enfants qui sont morts dans une guerre que mène Israël contre le Hamas. Ceux qui survivent encore, ayant vécu leur petit bout de vie sous des bombardements constants, auront désormais été dépourvus de leur enfance, de leur famille et de tout ce qu’ils ont connu jusqu’au matin du 7 octobre 2023. Comment pourraient-ils grandir sans rancœur ?

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