C’était le nom sur toutes les bouches depuis 2021. Celui qu’on surnommait le «Boucher de Téhéran», toujours coiffé d’un turban noir et vêtu d’un manteau, et qui rappelle encore les heures sombres de la République d’Iran, est décédé dans un accident d’hélicoptère il y a près d’une semaine. Cet événement inattendu, et pour le moins suspicieux, fait plonger son pays dans l’incertitude, lui qui était pressenti pour devenir le prochain Guide suprême, et la région, dans le doute. L’ennemi juré des États-Unis était, il y a encore quelques semaines, dans une confrontation directe avec Israël, le président iranien étant le «protecteur des mouvements de libération». La mort d’Ebrahim Raïssi soulève autant de questions qu’il existe d’hypothèses. Alors à quel saint se vouer ?

Dimanche 19 mai 2024. À 14H GMT, les premières nouvelles commencent à tomber. L’hélicoptère transportant le président iranien, Ebrahim Raissi, aurait fait un atterrissage brutal en raison des conditions météorologiques. Mais cet appareil n’était pas seul, deux autres hélicoptères faisaient partie du convoi. «Un accident est survenu avec l’hélicoptère transportant le président dans la forêt de Dizmar, près de la ville de Varzaghan, au cœur d’une zone montagneuse peu peuplée», avait indiqué ce jour-là la télévision d’État. Le ministre iranien de l’Intérieur, Ahmed Vahidi, a évoqué un «atterrissage brutal» de l’appareil, sans donner de détails supplémentaires.

Le vice-gouverneur de l’Azerbaïdjan oriental, Jabbarali Zakiri, a déclaré que les 2 autres appareils avaient atterri sans encombre à Tabriz, la grande ville du nord-ouest, d’où Raïssi devait rejoindre Téhéran. Par contre, celui transportant l’Homme fort de l’Iran s’était, lui, écrasé. Alors que des fidèles priaient, dimanche soir, pour la santé de leur président dans plusieurs mosquées, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, s’est voulu rassurant en appelant les Iraniens à ne «pas s’inquiéter». «[Ils] ne devraient pas s’inquiéter, il n’y aura pas de perturbation» pour le pays, a déclaré le dirigeant, en disant «espérer que Dieu ramènera le président et ses compagnons dans les bras de la nation».

Iran : anatomie d’un crash

Des Iraniens prient pour le président Ebrahim Raïssi, disparu après un accident d’avion, à Téhéran le 19 mai 2024. © ATTA KENARE / AFP

Des recherches ont aussitôt été lancées pour retrouver l’appareil, mais elles ont été rendues difficiles par les «conditions météorologiques défavorables», dont le brouillard et la pluie. Plus de 73 équipes de secours dotées d’un équipement complet, notamment de drones et de chiens de sauvetage, ont «été envoyées sur place», selon l’agence de presse officielle, Irna. Malgré cette mobilisation, le ministre de l’Intérieur a annoncé que «cela pouvait prendre du temps pour atteindre la zone». Les images de plusieurs membres du Croissant-Rouge iranien, marchant dans un épais brouillard, ont attesté en effet de la difficulté de la mission. «Nous espérons toujours, mais les informations en provenance du site de l’accident sont très préoccupantes», a déclaré un responsable iranien à Reuters.

L’évolution de la situation était suivie avec attention à l’international. «Nous suivons de près les informations faisant état d’un possible atterrissage brutal d’un hélicoptère en Iran transportant le président iranien et le ministre des Affaires étrangères. Nous n’avons pas d’autre commentaire à faire pour le moment», a déclaré le porte-parole du département d’État américain, alors que l’Iran est un acteur majeur au Proche-Orient. Cette région est, faut-il le rappeler, secouée par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas.

Plusieurs pays du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis et Koweït) ont apporté leur soutien à Téhéran et offert de l’aider dans les recherches, au même titre que la Syrie et l’Irak. La Turquie a déployé 32 secouristes et six véhicules en Iran pour participer aux recherches, tandis que le mouvement islamiste palestinien Hamas, proche de Téhéran, a exprimé son «entière solidarité avec la République islamique d’Iran». L’Union européenne a annoncé dimanche avoir activé, à la demande de l’Iran, «le service de cartographie de réponse rapide CopernicusEMS» pour épauler Téhéran dans cette mission.

À la demande de Téhéran, Moscou a annoncé envoyer en Iran une cinquantaine de spécialistes des opérations de sauvetage, des véhicules tout-terrain ainsi qu’un hélicoptère. Le président Vladimir Poutine s’est entretenu avec l’ambassadeur d’Iran en Russie, selon l’agence de presse officielle Tass.

Les secours auront mis près de 15 heures à localiser l’épave. L’aéronef a été localisé vers 01H30 GMT. «À ce stade, il n’y a aucun signe que les passagers de l’hélicoptère soient en vie», a indiqué la télévision d’État. Lundi 20 mai, au petit matin, les médias iraniens annoncaient officiellement le décès de tous les passagers à bord de l’hélicoptère, Bell 212 «Huey», immatriculé 6-9221. Le pilote, son copilote, un chef de la sécurité ainsi qu’un autre garde du corps ont également perdu la vie.

Iran : anatomie d’un crash

Le président de la République d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, et le président de la République islamique d’Iran, Ebrahim Raïssi, ont eu une rencontre à la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Iran dimanche 19 mai. © AZERTAC

La délégation revenait d’une cérémonie d’inauguration d’un barrage à la frontière de l’Azerbaïdjan. Au cours d’une conférence de presse commune, il avait de nouveau apporté son soutien aux Palestiniens dans la guerre dans la bande de Gaza entre le Hamas et Israël. «Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman, et nous sommes convaincus que les peuples d’Iran et d’Azerbaïdjan soutiennent toujours les peuples de Palestine et de Gaza et détestent le régime sioniste», a-t-il déclaré ce jour-là.

Les autorités iraniennes ont ouvert une enquête pour tenter d’éclaircir les circonstances de ce crash. Mais l’heure est encore au deuil. Le président, âgé de 63 ans, a été inhumé jeudi soir dans sa ville natale, Mashhad, au nord-est du pays. Des centaines de milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, étaient présentes, fleurs blanches à la main. La veille, de nombreux chefs d’État et de gouvernement étaient à Téhéran pour rendre un dernier hommage à l’homme qui était considéré par les alliés comme un «politicien remarquable» ou encore le «protecteur des mouvements de résistance» contre Israël dans la région.

Une opinion qui est loin de faire l’unanimité.

Le deuil qui divise

«En apprenant le crash de l’hélicoptère de Raïssi, nombre de ses partisans les plus fervents ont prié pour qu’il s’en soit sorti. Mais bien d’autres Iraniens sont allés immédiatement sur les réseaux sociaux pour se réjouir de sa mort», relève la BBC pour illustrer la polarisation du pays. Cette même réalité a été reprise par Al Jazeera qui décrit Ebrahim Raïssi comme une figure très populaire dans la société conservatrice iranienne, mais dont la politique était constamment dénoncée par les réformateurs et leurs partisans.

Dès l’annonce du crash, les images qui nous sont parvenues de Téhéran ont montré une Nation entière en pleurs. La télévision d’État a, en effet, diffusé des images d’Iraniens en train de prier pour la santé du président dans plusieurs mosquées. Au même moment, d’autres célébraient d’emblée la possible mort d’Ebrahim Raïssi. Sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes, dont certains membres de leur famille avaient été exécutés sur l’ordre de Raïssi, affichaient leur joie.

Un reporter joint à Téhéran rapporte plusieurs médias de sources concordantes, «les services de sécurité ont été déployés en renfort dans les rues et les avenues de Téhéran». «Il règne une ambiance très lourde. Et en même temps, je ne dois pas vous cacher que beaucoup d’Iraniens se réjouissent discrètement de cet incident», poursuit-il.

Car Raissi, élevé au rang de «martyr», était aussi connu sous le nom de «Bourreau», «Boucher de Téhéran» ou encore «le visage dur de l’Iran». Son rôle dans les exécutions de masse de prisonniers politiques, estimés à près de 30.000, dont de nombreux membres du MEK dans les années 1980, et «son engagement, pendant plus de quarante ans, au sein d’un système de sécurité et d’un système judiciaire organisant la répression des opposants et de toutes les voix critiques du régime des ayatollahs», ressortent comme les principales critiques faites au défunt chef d’État. Sa politique stricte sur le port du voile avait entraîné, en 2022, la mort de la jeune Mahsa Amini et conduit à un des plus larges mouvements de manifestations, réprimé par le régime.

Sa mort est donc un «coup monumental» pour le régime iranien et provoquera une succession de crises au sein de l’exécutif, a estimé lundi un groupe d’opposition en exil. La présidente du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), l’une des principales organisations d’opposition hors du sol iranien, a qualifié l’événement de «coup stratégique monumental et irréparable porté au guide suprême des mollahs, Ali Khamenei, et à l’ensemble du régime, connu pour ses exécutions et ses massacres».

Mohammad Mokhber, le nouvel homme fort de Téhéran jusqu’à juin

Le média panarabe installé à Londres, Middle East Eye, écrit : «alors même que le monde politique iranien se préparait à la présidentielle de 2025, la disparition brutale du président Ebrahim Raïssi vient bouleverser le paysage politique et lancer une compétition que personne n’avait prévue». Mais même avant l’annonce de la mort d’Ebrahim Raïssi, les premières réactions des autorités, et notamment du Guide Ali Khamenei, ont été d’assurer qu’il n’y aurait pas de conséquences sur la gestion du pays.

«Il est vrai que nous avons perdu le président et d’autres fonctionnaires dans cet accident, mais comme l’a déclaré le Guide suprême, il n’y aura aucune perturbation du niveau du service rendu à notre noble peuple, et la Constitution prévoit des dispositions pour de telles situations», a précisé Tahaz Nazif, porte-parole du Conseil, l’influent organe décisionnel iranien.

Et si le contentement de plusieurs Iraniens après le décès du président soulève l’hypothèse de nouvelles manifestations populaires, rien ne changera à la situation actuelle. Du moins dans l’immédiat, estime le chercheur Farid Vahid. «Il est peu probable que les rues iraniennes soient le siège d’immenses soulèvements, comme cela avait été le cas en automne 2022, avec la mort de Mahsa Amini. D’autant plus que l’opposition est encore peu solide et peu structurée, ce qui entrave l’organisation de manifestations», explique l’expert.

Le 20 mai, le Conseil des gardiens de la Constitution a confirmé que le premier vice-président, Mohammad Mokhber, assumera la fonction de président par intérim (conformément à l’article 131 de la Constitution iranienne) pour une période de 50 jours, après l’approbation du Guide suprême. Il assumera ainsi les responsabilités présidentielles jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle, conformément à la Constitution du pays, et fixée au 28 juin 2024. Le dépôt des candidatures à la présidentielle s’ouvrira officiellement le 30 mai et la campagne électorale débutera le 12 juin. Les incertitudes politiques demeurent toutefois fortes. Aucune personnalité ne s’est, pour l’heure, dégagée pour représenter le camp conservateur actuellement au pouvoir.

Mais, tout reste entre les mains du Guide suprême. «S’il considère que la stratégie globale du pays doit rester la même, il va, dans ce cas, favoriser la candidature d’un profil semblable à celui d’Ebrahim Raïssi, c’est-à-dire d’un radical qui poursuivra les politiques menées précédemment, notamment en matière de répression et du contrôle du voile obligatoire pour les femmes», explique Thierry Coville, chercheur dans l’un des principaux think tanks français spécialisés sur les questions géopolitiques et stratégiques. À l’inverse, «il peut penser que la situation de crise politique que connait l’Iran depuis 2022 ne doit pas perdurer et qu’il faut donc nommer une personnalité capable d’avoir une approche un peu plus pragmatique pouvant limiter la cassure entre le pouvoir et une grande partie de la société tout en maintenant le dialogue en cours avec les États-Unis sur les conflits régionaux et le nucléaire», poursuit l’expert. Une chose est certaine : le futur président sera proche de la ligne radicale, défendant avant tout le principe de Velayat-eh faqih (la supériorité du religieux sur le politique).

Accident ou assassinat ?

La mort d’Ebrahim Raïssi plonge l’Iran dans l’inconnu. Et la région, dans une imprévisibilité accrue. D’abord, parce qu’il était considéré comme le favori pour le remplacement du Guide suprême à sa disparition, dans un processus complexe de succession. Ensuite, l’Iran est un acteur-clé de l’équation régionale, en tant que «parrain de plusieurs des protagonistes des guerres multiples en cours» : celle que mènent les Houthis du Yémen ; celle qui oppose le Hezbollah libanais à Israël ; et celle qui divise le monde entier, dans la bande de Gaza.

Si certains analystes avancent la vétusté de la flotte aérienne de l’Iran, pays placé sous embargo américain depuis 45 ans, les hypothèses d’un assassinat ne sont pas écartées. Car, il n’est pas sans rappeler que l’Iran était, il y a seulement cinq semaines, en confrontation directe avec Israël. Les théories ont d’ailleurs commencé avant même la confirmation du décès du président.

Alors de quel côté chercher un semblant de réponse ? L’état-major général des forces armées iraniennes a publié jeudi le premier rapport sur les causes du crash.

À  la suite de l’accident, un comité d’enquête composé d’experts, de spécialistes et de techniciens est arrivé sur le site lundi matin, a déclaré l’agence de presse semi-officielle Tasnim, citant le rapport de l’état-major général. Selon ce document, l’hélicoptère a maintenu sa trajectoire prédéterminée tout au long du trajet et n’a pas dévié de son itinéraire de vol.

Près d’une minute et demie avant l’incident, le pilote de l’hélicoptère accidenté a contacté les deux autres hélicoptères du convoi du président. Après s’être écrasé sur la montagne, l’hélicoptère a pris feu.

Aucune trace de balles ou d’objets similaires n’a été détectée sur l’épave de l’hélicoptère accidenté.

Aucun élément suspect n’a été détecté dans les conversations entre la tour de contrôle et l’équipage, d’après le rapport.

De plus amples détails seront fournis après une enquête plus approfondie, a indiqué l’agence.

Une flotte vétuste et vieillissante

L’appareil dans lequel voyageait le numéro deux iranien avait presque 30 ans lorsqu’il s’est écrasé dans une zone montagneuse le 19 mai. C’est un hélicoptère qui a massivement été utilisé par les États-Unis au cours de la guerre du Vietnam et popularisé par le film de Francis Ford Coppola, Apocalypse Now. Les analystes décrivent, ainsi, la flotte iranienne comme l’une des plus «vieilles» du monde.

Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, il ne fait aucun doute que les sanctions imposées par les Américains sont le principal coupable dans cette mort inattendue. Les embargos occidentaux successifs mis en place depuis la création de la République islamique en 1979 sont, selon lui, responsables de la dégradation de la flotte aérienne iranienne.

Iran : anatomie d’un crash

L’hélicoptère embarquant le président iranien Ebrahim Raïssi au décollage du vol qui lui sera fatal, le 19 mai 2024. © SIPA

Cette même hypothèse est d’ailleurs soutenue par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. «Les sanctions américaines mettent des vies humaines en danger … Les Américains le nient, mais en réalité, dans d’autres pays contre lesquels les États-Unis imposent des sanctions, les pièces de rechange pour les équipements américains ne sont même pas fournies», a déclaré mardi 21 mai le chef de la diplomatie russe.

Une accusation que Washington n’a pas manqué de contester. «Le gouvernement iranien est responsable de la décision de faire voler un hélicoptère vieux de 45 ans», rétorque le département d’État américain.

Mais si l’armée iranienne a rejeté fermement l’hypothèse d’un acte criminel, dans les médias et la population, on exprime pourtant des doutes face à la version officielle de l’accident provoqué par le brouillard.

La main étrangère

Cette mort brutale et imprévue, à un moment de guerre et de rivalités dangereuses, soulève naturellement l’hypothèse du complot. S’il s’agit pour l’heure d’un «accident», rien encore ne permet d’avancer la thèse d’un attentat. Bien que dès les premières heures, plusieurs théories ont circulé : «Les services secrets ukrainiens sont les coupables», «c’est forcément la faute du Mossad», «les États-Unis sont responsables». Et, dans une tournure pour le moins surprenante, l’Inde est aussi pointée du doigt.

«#BREAKING: Alerte Info. Selon certaines informations, les services de renseignement iraniens et les forces spéciales ont effectué une descente à l’ambassade de l’Inde à Téhéran. L’Iran a été informé par des sources inconnues que l’Inde pourrait agir pour le compte d’Israël afin d’assassiner le président iranien Ebrahim Raïssi.» En quelques heures, ce message publié sur X, ex-Twitter, cumule près de 850.000 vues.

Et vu près d’un million de fois, le tweet du compte Ironclad affirme que «l’Iran a reçu des informations de sources inconnues selon lesquelles l’Inde pourrait agir au nom d’Israël pour assassiner le président iranien Ebrahim Raïssi». Car la théorie la plus répandue met en cause Israël, soit directement, soit par le biais d’alliés dans la région.

Elie Copter !

«Le temps était Mossad» … «Le pilote s’appelle Eli Copter» … Des allusions sous des aires d’informations, peu réalistes, ont fusé sur les réseaux sociaux dès l’annonce du crash. Les blagues se sont rapidement répandues. Mais de nombreux utilisateurs les ont prises au sérieux, et beaucoup les ont même partagées comme un signe du succès des services de renseignement israéliens.

Au point qu’un présentateur de la chaîne d’information israélienne francophone i24news a cité l’histoire en se basant sur une publication de la chaîne Telegram. Lors d’un reportage en direct sur l’accident, l’analyste politique pour la chaîne Daniel Haik a déclaré : «Le pilote était un agent du Mossad du nom d’Eli Copter, on ne sait pas encore si cela est vrai ou non, mais c’est la rumeur qui circule.» La blague qui proviendrait de Twitter/x et s’est répandue sur les groupes israéliens Whatsapp, et a ensuite été rapportée comme un fait sur les chaînes du Hamas sur Telegram.

Mais selon Bernard Hourcade, géographe spécialiste de l’Iran et directeur de recherche au CNRS, Israël n’est pas responsable de la mort du président iranien. «C’est pas aujourd’hui qu’Israël va s’amuser à un petit jeu d’assassinat», juge-t-il. Une affirmation partagée par son collègue Thierry Coville : «Envisager une attaque israélienne ne tient pas la route dans la mesure où le régime va organiser de nouvelles élections pour mettre en place le même profil qu’Ebrahim Raïssi, estime le chercheur. Il ne faut pas oublier que c’est Ali Khamenei qui dirige l’Iran finalement.»

Le complot interne

Mais si le défunt président iranien n’était, en effet, pas le numéro un du pays, il était considéré comme le favori pour le remplacement du Guide à sa disparition, dans un processus complexe de succession. Ali Khamenei a 85 ans et une santé fragile, et la question de sa succession obsède l’Iran depuis des années. Et avec le décès prématuré d’Ebrahim Raïssi, tous les regards se tournent désormais vers Mojtaba Khamenei, fils discret du Guide suprême.

Pour le Wall Street Journal, il ne fait aucun doute que ce dernier, bien que n’occupant pas de poste officiel, «jouera un rôle important dans la succession de son père et dans le contexte de la mort subite du président Raissi». C’est «un homme de l’ombre, très discret et peu connu du grand public», résume Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran pour le centre de recherche Etopia à Bruxelles, «mais un homme très puissant dans l’appareil politique iranien». Car ses relations étroites avec l’establishment militaire et sécuritaire l’ont rendu puissant dans l’ombre. «Mojtaba et son réseau règnent en maîtres depuis deux décennies», a commenté Hamed Reza Azizi, chercheur iranien à l’Institut des affaires internationales et de sécurité en Allemagne. En effet, l’homme de 55 ans occupe la direction du « Beit », le bureau du guide suprême – une nébuleuse de conseillers chargés de l’entourer et qui infuse à tous les niveaux de l’État, des rangs de l’administration judiciaire aux services de sécurité, ou encore de la télévision d’État.

Le tweet d’un certain Bertrand Scholler s’interroge : « Je ne crois pas en la thèse de l’accident. Un hélicoptère, ça ne tombe pas sans raison. La thèse de l’attentat est ouverte ?» Et force est effectivement de constater que le défunt président, en tant qu’héritier de Khamenei, ne faisait pas l’unanimité. Le philosophe iranien Ramin Jahanbegloo, soutient en ce sens que cet accident pourrait «être un attentat organisé par certaines factions du pouvoir, risque d’accélérer l’évolution du régime vers une dictature militaire».

«Un complot interne ? On ne sait jamais», reconnaît Thierry Coville. «Il y a une grosse compétition pour devenir le successeur du Guide, et Raïssi était en bonne place, poursuit-il, mais c’est le jour où Ali Khamenei disparaîtra que la question se posera vraiment.»

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