Accueil / Économie

Investissements : pour réussir, une gouvernance territoriale et unifiée

Temps de lecture

La 1ère Commission nationale des investissements instituée par la nouvelle Charte de l’Investissement, réunie mercredi 24 mai 2023 à Rabat, sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en présence des ministres. © Cabinet de la Chefferie du gouvernement

La première Commission nationale des investissements, présidée hier par le chef de l’exécutif, s’est soldée par un montant record d’investissements approuvés et un nombre conséquent d’emplois créés. Si cette nouvelle Charte ambitionne d’être la clé pour la dynamisation de l’investissement privé dans le pays, la Commission nationale en est l’élément central. Avec des prérogatives étendues en comparaison à celles d’avant, elle souhaite consacrer la bonne gouvernance autour du chef du gouvernement, mais surtout pousser les territoires à jouer leur rôle : se rapprocher du tissu industriel local.

Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé, ce mercredi à Rabat, la première Commission nationale des investissements. La tenue de cette commission a été instituée par la nouvelle Charte de l’Investissement, cinq mois après sa publication. Cette dernière marque une étape nouvelle dans l’opérationnalisation de ladite Charte et s’est soldée par l’approbation de 21 conventions et avenants pour 76,7 milliards de DH (MMDH). Cela correspond à la création de 5.728 emplois directs et 14.707 indirects, précise un communiqué de la chefferie du gouvernement.

«Le gouvernement, conformément aux Hautes orientations royales, a accordé, dès le début de son mandat, une importance majeure à la définition et à la mise en œuvre de la nouvelle politique de l’État en matière d’investissement, eu égard à son rôle de moteur du développement économique du Royaume, mettant l’accent sur l’attachement du gouvernement à consacrer l’attractivité de l’économie nationale pour les investissements nationaux et étrangers et à renforcer le positionnement économique de notre pays», explique la même source.

Lire aussi : Commission nationale des investissements, plus de 70 MMDH pour la création de milliers d’emplois

La tenue de cette première Commission souligne, en effet, l’importance accordée par l’exécutif à la gouvernance unifiée et territorialisée. Il s’agit du 3e pilier majeur sur lequel est axée la feuille de route 2023-2026 pluriannuelle définie à l’issue de la dernière conférence nationale de l’environnement des affaires.

Celle-ci a pour mission de ratifier les projets et les conventions d’investissement dans le cadre du dispositif de soutien principal, d’évaluer l’efficacité des dispositifs d’accompagnement, et de statuer sur le caractère stratégique des projets d’investissements relatifs au soutien spécial.

Elle est également chargée de suivre la mise en œuvre des dispositions de cette loi-cadre et des textes pris pour sa mise en œuvre. Et elle s’occupe de proposer toute mesure susceptible d’encourager l’investissement et de renforcer l’attractivité du Royaume. À travers ces dispositions, le gouvernement vise à activer le soutien principal à l’investissement et le soutien spécial appliqués aux projets d’investissement à caractère stratégique.

Lire aussi : Climat des affaires, le gouvernement trace sa feuille de route

La loi-cadre n°03.22 en tant que Charte de l’investissement remet, en effet, à plat – en abrogeant la charte précédente (loi-cadre n° 18-95 du 8 novembre 1995) – l’ensemble des soutiens aux investissements et dessine la politique industrielle du royaume. La charte a été conçue avec une vision claire : «…qu’elle soit transparente et facilement lisible par l’investisseur, qu’elle soit très attractive et que les critères d’éligibilité et les primes soient objectives et ne laissent aucune place à l’interprétation. Cette charte de l’investissement s’adresse, pour la première fois, à tous les investissements, petits et grands, et à tous les investisseurs, étrangers comme nationaux», a expliqué Hicham Chaoudri, directeur de l’investissement au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques.

Lire aussi : Soutien à l’investissement, quid du dispositif mis en place

La réduction des disparités territoriales pour l’essor du Royaume

En ce sens, le gouvernement a opéré une transformation de la Commission des investissements en une Commission nationale des investissements dotée de prérogatives étendues. Dans le cadre de cette nouvelle gouvernance unifiée autour du chef du gouvernement et décentralisée, il est permis pour la première fois la préparation et l’approbation d’accords d’investissement à l’échelle régionale.

«La gouvernance va être répartie de sorte à répondre aux objectifs de décentralisation. Les décisions vont être précises au niveau des régions», expliquait Mohcine Jazouli, ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques. Sur ce point, le ministre avait indiqué que les Centres régionaux d’investissement (CRI) changeraient de tutelle pour passer du giron de l’intérieur à celui du chef du gouvernement, en tant que Centres régionaux unifiés d’investissement (CRUI).

Ainsi, les projets de conventions d’investissement sont approuvés et signés par la Commission nationale, lorsque le montant total du projet dépasse 250 millions de DH (MDH). En deçà, c’est à l’échelle régionale que ceux-ci sont approuvés. Une manière pour l’exécutif de renforcer la mission des Centres régionaux d’investissements.

«Pour la première fois, il y a une volonté de déconcentrer les décisions liées à l’acte d’investir. Ainsi, dans les mois à venir, tous les projets d’investissement de moins de 250 MDH seront élaborés, approuvés et signés au niveau de chaque région», a détaillé le directeur de l’investissement au ministère.

Une occasion pour «les territoires de jouer un rôle important et de se rapprocher du tissu industriel local», a expliqué Mohcine Jazouli, lors de la présentation du bilan d’étape de la nouvelle Charte d’investissement devant la Chambre des conseillers, tenue mercredi dernier.

Par ailleurs, les Marocains du monde ont désormais aussi accès à un desk MDM pour faciliter leurs investissements.

La Charte oriente, en effet, la politique industrielle du Royaume et cherche, à travers cette déconcentration des décisions, à orienter les investissements vers les régions moins favorisées plutôt que les grands pôles économiques.

La création de l’emploi, au cœur de la Charte de l’investissement

Si un des principaux objectifs de cette nouvelle Charte est de réduire les disparités entre les régions, les provinces et les préfectures du Royaume en matière d’attractivité des investissements, le principal objectif est la création d’emplois stables et pérennes. Cette affirmation émanait, en février dernier, d’Hicham Chaoudri, directeur de l’investissement au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, dans un entretien accordé au Matin.

La nouvelle charte a donc été conçue pour inciter le secteur privé à investir plus et à investir mieux.
— Hicham Chaoudri, directeur de l’investissement au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques.

«Le niveau d’investissement dans notre pays est parmi les plus élevés au monde, mais son rendement demeure faible puisqu’il est porté majoritairement par le secteur public et qu’il est notamment orienté vers des secteurs peu créateurs de valeur ajoutée et d’emplois. Cet investissement public a permis au Maroc de bâtir, pendant deux décennies, des infrastructures aux standards internationaux. Toutefois, il est devenu aujourd’hui impératif de donner le relais à l’investissement privé et d’améliorer son impact sur la croissance économique», expliquait-il.

Un soutien sur plusieurs niveaux

Et en matière de critères, pour pouvoir prétendre aux aides, l’investisseur devra créer de l’emploi. Selon les détails du décret, le dispositif de soutien principal comprend trois catégories : la prime commune, la prime territoriale et la prime sectorielle. Celles-ci peuvent être cumulées dans la limite de 30% du montant de l’investissement éligible au soutien et 30 MDH comme plafond maximum pour les investissements dans le secteur de la production d’énergies renouvelables.

«L’un des axes de cette Charte encourage les TPME à investir. En effet, celles-ci regroupent l’essentiel du tissu économique marocain, mais ne contribuent qu’à hauteur de 4% de l’investissement privé au Maroc. Les incitations et les primes à l’investissement prévues dans cette nouvelle Charte qui peuvent atteindre jusqu’à 30% non plafonnés du montant de l’investissement est une avancée majeure pour améliorer le climat des affaires et inverser le paradigme en matière d’investissement», expliquait Abdelkader Boukhriss, membre du Conseil d’Administration au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et président de SFM Conseil.

L’éligibilité est limitée à deux types de projets. Les projets qui détiennent un investissement, dont le montant total est supérieur ou égal à 50 millions de DH (MDH), et dont le nombre d’emplois permanents qui seront créés est compris entre un seuil déterminé par arrêté du chef du gouvernement et plafonné à 149 emplois. Et les projets d’investissement qui permettent 150 emplois permanents au minimum, sans aucun seuil fixé pour le montant d’investissement.

Les primes communes sont déterminées en fonction des critères relatifs au nombre d’emplois permanents, à l’approche genre, aux métiers d’avenir ou aux activités de mise à niveau, au développement durable et à l’intégration locale.

La charte détaille cinq types de primes communes cumulables, à savoir :

  1. Le montant de la première peut aller de 5 à 10% de l’investissement et se rapporte aux emplois créés et au capital engagé
  2. Une seconde prime est liée au genre et s’élève à 3% si la masse salariale féminine dépasse 30% du total
  3. Un troisième type de prime porte sur les «métiers d’avenir» (biotech, 5G, automobile, véhicule électrique, fintech, aéronautique, ferroviaire…) et s’élève à 3%
  4. Une quatrième prime se rapporte à des critères de développement durable (économie d’énergie, énergies renouvelables, etc..), l’entreprise devant obligatoirement mettre en place de mesures d’économie ou de recyclage de l’eau pour y prétendre
  5. La cinquième prime, de 3% également, porte sur le niveau d’intégration locale.

Les primes territoriales, quant à elles visent à renforcer l’attractivité des investissements dans les régions et préfectures et à réduire les disparités territoriales. Car le constat est clair : les investissements privés sont concentrés à plus de 60% dans l’axe Casablanca-Rabat-Tanger. Or le potentiel en matière d’investissement dans les autres régions est considérable.

«À cet effet, la charte de l’investissement prévoit des primes territoriales pouvant aller jusqu’à 15% du montant total de l’investissement si le projet est réalisé dans des provinces ou préfectures accusant un retard en matière de développement humain», précisait Hicham Chaoudri.

Les provinces et préfectures seront réparties en trois catégories selon des critères objectifs. La liste des provinces et préfectures par catégorie est fixée par arrêté du chef du gouvernement, sur proposition du ministère de l’Intérieur.

Les primes sectorielles, elles, s’élèvent à 5% du montant des investissements pouvant bénéficier des subventions pour tous les projets dans les secteurs prioritaires tels que l’industrie, le tourisme, le divertissement, l’industrie culturelle, le digital, les énergies renouvelables, le recyclage et la valorisation des déchets, la logistique et le transport, et la migration des services.

Parmi ses prérogatives, la Commission nationale peut attribuer le caractère stratégique à tout projet d’investissement dont le montant total est égal ou supérieur à 2 MMDH. Le dispositif de soutien permet de négocier des privilèges spécifiques dans un cadre contractuel, si des critères spécifiques sont rencontrés.

La Commission considère pour l’octroi au moins l’un des critères suivants :

  • contribuer de manière effective à assurer la sécurité hydrique, énergétique, alimentaire ou sanitaire du Maroc ;
  • avoir un impact significatif sur le nombre d’emplois directs ou indirects à créer ;
  • avoir un impact considérable sur le rayonnement économique et le positionnement stratégique du Maroc à l’échelle régionale, continentale ou internationale ;
  • avoir des effets d’entraînement sur le développement d’écosystèmes sectoriels ou d’activités sectorielles ;
  • contribuer de manière significative au développement et à l’appropriation des technologies d’avant-garde.

À ces projets, le dispositif de soutien spécifique est applicable.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Le dirham s’apprécie de 2,3% face au dollar américain au T3-2024 (BAM)

Économie - Bank Al-Maghrib (BAM) a annoncé que le dirham s’est apprécié de 2,3% face au dollar et de 0,31% vis-à-vis de l’euro au troisième trimestre 2024.

Mbaye Gueye - 18 décembre 2024

5G au Maroc : un défi technologique avant le Mondial 2030

Économie - À l’approche du Mondial 2030, le Maroc aspire à intégrer pleinement la 5G dans son paysage technologique.

Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024

L’avenir énergétique du Maroc : un nouveau chapitre d’investissements et d’innovations

Économie - Le Maroc, dans un contexte mondial de transition énergétique, se positionne en acteur majeur grâce à des investissements colossaux dans les énergies renouvelables.

Farah Nadifi - 18 décembre 2024

Hausse de 1,8 million m3 de la capacité de stockage des produits pétroliers à horizon 2030

Économie - Leila Benali a annoncé une augmentation de 1,8 million de m³ des capacités de stockage des produits pétroliers d'ici 2030.

Rédaction LeBrief - 18 décembre 2024

Maroc-Afrique : les volumes d’échanges commerciaux en hausse de 45%

Afrique, Économie, Économie - Le volume des échanges commerciaux entre le Maroc et les autres pays africains est passé de 36 milliards de dirhams (MMDH) en 2013 à 52,7 MMDH en 2023

Mbaye Gueye - 18 décembre 2024

Mobilisation foncière : un moteur pour l’investissement au Maroc

Économie - Nadia Fettah a annoncé que près de 18.000 hectares de foncier public ont été mobilisés en 2024 pour soutenir des projets d’investissement.

Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024

Le Maroc se dote d’un cadre juridique pour les crypto-actifs

Économie - Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), a annoncé que le cadre juridique régissant les crypto-actifs au Maroc est en phase d’adoption.

Mbaye Gueye - 18 décembre 2024

Trelleborg renforce sa présence au Maroc avec une nouvelle usine

Économie - La société suédoise Trelleborg, leader mondial des solutions polymères, a lancé la construction de sa nouvelle usine à Midparc.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024
Voir plus

PLF 2025 : impôt sur le revenu, à quels changements s’attendre ?

Économie - Au cœur de cette réforme, l’impôt sur le revenu (IR) fait l’objet d’une révision significative. Selon Mohamed Rahj, professeur à l’Université et consultant expert des questions en fiscalité, l’objectif principal de ce projet est de « rehausser le salaire net des employés sans accroître la charge des employeurs ».

Farah Nadifi - 21 octobre 2024

Coupe du Monde 2030 : la feuille de route

Économie, Sport - Le Maroc, l’Espagne et le Portugal préparent une Coupe du Monde qui marquera l’histoire. Ce projet tripartite dépasse le cadre sportif pour devenir un levier stratégique.

Farah Nadifi - 5 décembre 2024

PLF : voici les principales actions programmées en 2024

Économie - Le projet de loi de Finances (PLF) pour l’année 2024 a été adopté, jeudi 19 octobre, par le Conseil de gouvernement

Manal Ben El Hantati - 23 octobre 2023

Importations de céréales : les chiffres de 2024

Économie - Entre janvier et novembre 2023 et la même période en 2024, les importations totales de produits ont augmenté de 9 %.

Mbaye Gueye - 2 décembre 2024

Port de Tarfaya : une extension de la halle aux poissons pour 5 millions de dirhams

Économie - Le port de Tarfaya a renforcé son infrastructure avec l’extension de la halle aux poissons comprenant un espace de vente.

Rédaction LeBrief - 19 novembre 2024

Dessalement : le Maroc et les USA unissent leurs forces pour l’avenir de l’eau

Économie - Un atelier organisé par l’ONEE en partenariat avec l’Ambassade des États-Unis met en lumière les dernières avancées technologiques dans le domaine du dessalement.

Ilyasse Rhamir - 3 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire