Accueil / Politique

Il est temps de «mettre fin à la colonisation» !

Temps de lecture

Ennam Mayara, président de la Chambre des conseillers. © DR

Libérer Sebta et Melilia. Voilà la revendication du quatrième homme de l’État marocain, Enaam Mayara. Le président de la Chambre des conseillers a appelé vendredi, lors d’une rencontre avec l’organisation des femmes de l’Istiqlal, à mettre un terme à la colonisation des deux présides occupés. Cette sortie politico-diplomatique a fait le tour de la presse espagnole et n’a pas manqué de faire réagir Madrid. Mais au sein de son parti, c’est un tollé qu’il a provoqué. Car avec ces propos, Mayara entre dans un domaine réservé au Roi.

Il était invité de l’Organisation des Femmes du Parti l’Istiqlal pour une rencontre organisée vendredi sur le thème «Un an après l’entame de la nouvelle étape dans les relations hispano-marocaines : fondements et opportunités». Il devait dresser le bilan des relations entre le Maroc et l’Espagne un an après la réconciliation entre les deux pays et l’adoption d’une nouvelle feuille de route. Mais ce qui devait être un simple exposé de la nouvelle ère maroco-espagnole, s’est transformé en un plaidoyer afin de trouver une «solution négociée, sans recourir aux armes» pour «mettre fin à la colonisation» dans les présides occupés.

Lire aussi : Maroc-Espagne, un nouveau souffle pour la coopération économique

Aux yeux du président de la Chambre des conseillers, Enaam Mayara, «Sebta et Melilia ne feront pas l’objet de chantage». Une solution politique déjà proposée par les rois Hassan II et Mohammed VI. Et plusieurs officiels marocains avant lui se sont prononcés sur le sujet.

Mais les propos interviennent au moment où des formations politiques et organisations professionnelles et religieuses dans les Présides réclament la révision du Traité de Bon Voisinage, d’Amitié et de Coopération de 1991, et l’ouverture des douanes. Cela, seulement quelques jours avant la comparution du chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez au Congrès pour, entre autres, donner des explications sur la relation avec le Maroc, prévue le 19 avril.

Lire aussi : Maroc-Espagne, José Manuel Albares veut rendre les accords irréversibles

Autre concomitance, le débat intervient à l’heure où Nizar Baraka, patron du parti istiqlalien et ministre de l’Équipement et de l’Eau, a coprésidé à Madrid, avec Raquel Sanchez, son homologue espagnole, une nouvelle réunion de la Commission mixte pour la liaison fixe entre les deux pays à travers le Détroit de Gibraltar, rapportent des médias ibériques.

Dépassement de prérogatives

«Enaam Mayara s’est métamorphosé le temps d’une réunion avec les membres de l’organisation des femmes d’Istiqlal, dont il est membre du comité exécutif, en leader de tous les Marocains», écrit Maghreb Intelligence.

En effet, le syndicaliste à la tête de l’Union générale des travailleurs marocains (UGTM) a appelé les Marocains qui résident en Espagne à se «former en lobby pour aider à défendre la patrie et libérer les deux villes continentales de Sebta et Melilia». Un ton martial digne d’un chef d’État «appelant ses concitoyens au devoir sacré de voler au secours de la nation menacée», s’indigne un ancien ministre de l’Istiqlal cité par le média.

Cette intrusion du quatrième homme au pouvoir dans un champ réservé au roi Mohammed VI a, tel que rapporté dans plusieurs médias ibériques, mis dans l’embarras Pedro Sanchez et son gouvernement qui multiplient les gestes amicaux envers le Maroc.

Selon des spécialistes, au sein même de sa famille politique, Enaam Mayara est allé un peu trop vite en besogne, frôlant même un crime de « lèse-majesté », en touchant à la politique étrangère du Royaume. En effet, la diplomatie marocaine est un domaine réservé de la monarchie, comme l’avait rappelé récemment un communiqué du cabinet royal, visant à recadrer une sortie du patron du PJD, Abdelilah Benkirane.

Lire aussi : Politique étrangère, le PJD s’embourbe

Pour Madrid «il n’y a pas de débat, il n’y a pas de question»

Les déclarations de Mayara, bien qu’elles ne constituent pas un précédent, ne sont pas passées inaperçues. Pedro Sánchez n’a pas réagi à ces propos, mais la réponse de la ministre espagnole de la Défense ne s’est pas fait attendre. Depuis Madrid, Margarita Robles a affirmé lundi 10 avril que Sebta et Melilia «sont espagnoles», rejetant ainsi l’idée que «les deux enclaves étaient colonisées».

À cet égard, la ministre de la Défense a été catégorique, précisant que les deux villes sont «espagnoles comme Zamora ou Palencia et il n’y a plus rien à discuter sur ce sujet». «La position du gouvernement espagnol est claire et ferme et il n’y a aucune possibilité de débat sur ce sujet», a-t-elle clarifié.

Pourtant, le politicien sahraoui n’est pas le premier à avoir ce genre de position. En mars 2021 Saad Dine El Othmani, alors Premier ministre, avait réitéré, dans des déclarations à la presse arabe, que «Sebta et Melilia sont marocaines, comme pour le Sahara», tout en assurant que «le statu quo depuis cinq ou six siècles» ne peut durer éternellement. «Le jour viendra pour ouvrir» ce dossier, avait-il précisé.

La réponse, à l’époque, de Margarita Robles en riposte aux propos de Saad Dine El Othmani a été la même. «Il n’y a pas de débat, il n’y a pas de question, Ceuta et Melilia [Sebta et Melilia, NDLR] sont entièrement espagnoles. Il n’y a aucun doute là-dessus. Elles sont autant espagnoles que Madrid et Ciudad Real ou n’importe quelle autre ville espagnole», avait-elle estimé.

Mais si les propos de Mayara, qui n’ont rien d’inédits, font autant écho dans la presse ibérique, c’est à l’égard de la pression exercée par des associations professionnelles espagnoles évoluant à Sebta et Melilia pour activer la douane avec le Maroc, de sorte à renforcer leur caractère «espagnol». Avant cela, le parti d’opposition d’extrême droite, Vox, avait tenté, sans succès, de faire passer une proposition de loi obligeant le Maroc à reconnaître le caractère espagnol des deux villes.

Depuis sa création il y a près de huit décennies, Sebta et Melilia ont toujours fait partie des revendications de l’Istiqlal. Ce sont les fondements mêmes du discours nationaliste du parti de Allal El Fassi. Mais les responsabilités étatiques d’Enaam Mayara supposent que ses déclarations engagent le Royaume.

Selon le média espagnol El Confidencial, «l’unanimité de fait dans la presse marocaine s’attaquant au président de la Chambre des conseillers montre que, depuis Rabat, on a considéré que ses propos pouvaient, non pas nuire aux relations avec l’Espagne, mais plutôt mettre Sánchez en difficulté avec son opposition de droite et l’aile minoritaire de sa coalition gouvernementale».

Dernier articles
Les articles les plus lu

Le Chef du Gouvernement reçoit le rapport annuel de l’ACAPS

Politique - Le Chef du Gouvernement, Aziz Akhannouch, a accueilli Abderrahim Chaffai, président de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).

Ilyasse Rhamir - 12 décembre 2024

Lutte anti-blanchiment : le Maroc renforce sa vigilance

Politique - Jawhar Nefissi a remis à Aziz Akhannouch le rapport annuel de l’Instance pour l’année 2023, conformément à la loi n°05-43 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent.

Ilyasse Rhamir - 12 décembre 2024

Maroc-Pays du Golfe : Bourita s’entretient avec le secrétaire général du CCG

Politique - Nasser Bourita, a rencontré jeudi à Rabat Jassim Mohammed Al Budaiwi, secrétaire général du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG)

Rédaction LeBrief - 12 décembre 2024

Inauguration à Niamey de la Centrale électrique «Sa Majesté le Roi Mohammed VI»

Politique - Cette centrale est dotée d’équipements de dernière génération avec une capacité de production électrique de 22,5 MVA (20 MW).

Mbaye Gueye - 12 décembre 2024

Réunion du Conseil de gouvernement : réformes, accords et nominations

Politique - Ce jeudi 12 décembre 2024, le Conseil de gouvernement, présidé par Aziz Akhannouch, a adopté une série de mesures stratégiques.

Ilyasse Rhamir - 12 décembre 2024

Comment le gouvernement lutte contre le chômage ?

Politique - Lors d'une réunion à Rabat, le gouvernement a annoncé des mesures ciblées pour lutter contre le chômage et promouvoir l’inclusion économique.

Farah Nadifi - 12 décembre 2024

Aziz Akhannouch rencontre la présidente de l’Assemblée nationale française

Politique - Aziz Akhannouch a reçu, ce jeudi à Rabat, la présidente de l’Assemblée nationale française, Yaël Braun-Pivet.

Mbaye Gueye - 12 décembre 2024

Maroc-France : renforcement de la coopération parlementaire

Politique - La coopération parlementaire entre le Maroc et la France a été au cœur des discussions tenues entre Ould Errachid et Larcher.

Rédaction LeBrief - 12 décembre 2024
Voir plus

Au-delà de la langue, le Royaume s’éloigne du français

Politique - Les administrations, ainsi que les établissements publics, sont tenus d’utiliser les langues officielles de la Nation.

Atika Ratim - 5 juillet 2023

Italie : inauguration du consulat honoraire du Maroc en Calabre

Politique - La ville italienne de Gioia Tauro a accueilli l’inauguration des nouveaux locaux du consulat honoraire du Maroc pour la région de Calabre.

Rédaction LeBrief - 1 décembre 2024

Renforcement des relations entre le Maroc et Sao Tomé-et-Principe

Politique - Le 28 novembre 2024, à Casablanca, le Chef du Gouvernement, Aziz Akhannouch, a accueilli Patrice Emery Trovoada, Premier Ministre de la République Démocratique de Sao Tomé-et-Principe.

Ilyasse Rhamir - 29 novembre 2024

Mali : Assimi Goïta plaide pour une réforme de la Constitution

Afrique, Politique, Politique - Le Colonel Assimi Goïta a présenté, le 20 mars, le projet de Constitution du Mali aux forces vives de la nation malienne

Nora Jaafar - 22 mars 2023

Rabat : 22ème réunion de la Commission militaire mixte maroco-française

Politique - Les échanges ont porté sur la coopération militaire bilatérale et les enjeux sécuritaires régionaux et internationaux.

Rédaction LeBrief - 3 décembre 2024

Gérer les tensions entre l’Algérie et le Maroc

Afrique, Diplomatie, Politique - Depuis 2021, l’Algérie et le Maroc traversent une crise diplomatique marquée par une rupture des relations entre les deux pays.

Mbaye Gueye - 29 novembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire