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Héritage, la succession qui déchire

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Jalousie, magouilles et parfois même meurtre ! L’héritage, souvenir protecteur légué par nos ancêtres, laisse un goût amer. Les favoris et les laissés-pour-compte se dressent. À croire que pour préserver l’harmonie familiale, mieux vaudrait ne rien léguer. Au lieu d’unir, au Maroc, l’héritage déchire, et ce, pour de nombreuses raisons. Immersion dans un monde où plus rien ne va !

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Il y a quelques jours, à Casablanca, un homme a égorgé son frère, à la vue de tous ses voisins. La raison ? On vous le donne en mille, un désaccord d’héritage ! Les uns voulaient vendre le fruit de leur héritage, l’autre pas. L’histoire redondante de tout un chacun ! Nous sommes loin de l’héritage des Menendez, et pourtant ! La succession tue à petit feu, au lieu d’unir !

Mais impossible de dire à un père de famille de ne rien laisser, quelle honte ! L’affaire est ancestrale et s’hérite de père en fils. Si le sujet de l’héritage se joue aujourd’hui dans les tribunaux et les salons familiaux, il a autrefois défini des familles entières, forgé des alliances et érigé des communautés, ne l’oublions pas ! Oui, au Maroc, l’héritage est bien plus qu’un simple transfert de biens matériels. Il est le fil rouge qui relie chaque génération aux précédentes. Pour comprendre cette dimension, il suffit de remonter quelques siècles en arrière, lorsque le Maroc n’était pas encore un État-nation, mais une mosaïque de tribus, de douars et de villes sanctuaires.

À l’époque, les notions de propriété et de transmission étaient avant tout locales. Un champ, c’était plus qu’un champ, c’était la survie. Un puits, c’était plus qu’un puits, c’était la source de vie d’une famille, d’un village. On ne transmettait pas seulement des biens, on transmettait des responsabilités, un statut, un symbole d’appartenance. Dans ce contexte, l’héritage devenait presque sacré et chaque famille veillait sur son patrimoine comme sur un trésor. Les terres, parfois partagées entre cousins et petits-cousins, devenaient de véritables casse-têtes de lignes et de frontières invisibles pour des familles de plus en plus désunies.

Héritage ou Histoire ?

Il fallait ainsi se frayer un chemin dans un monde où les alliances matrimoniales étaient souvent conclues pour renforcer des clans et où l’héritage n’était pas une simple affaire familiale, mais un acte politique en soi. On voit bien, à travers les récits de l’époque, que l’enjeu de l’héritage pouvait déclencher autant de drames et de rixes qu’une saison entière de série dramatique. Imaginez les alliances brisées, les trahisons pour une parcelle de terre en plus, les ruses pour s’assurer d’être bien placé dans la liste des héritiers… Et si on ne pouvait pas compter sur un bout de terre, on léguait sa réputation, ses anecdotes glorieuses ou même, parfois, ses querelles d’honneur.

Mais l’héritage, au Maroc, ne s’arrête pas aux frontières des douars ou aux vieilles querelles familiales. Il s’imprègne d’une culture où le lien avec la terre, le passé et la famille est omniprésent. L’héritage est ici l’ultime preuve d’appartenance à un groupe, d’adhésion à une lignée, à une mémoire collective ! Dans la société marocaine, l’héritage est aussi profondément lié à l’image de soi, au statut social. Avoir hérité signifie que l’on est « quelqu’un ». C’est un peu comme un certificat d’authenticité qui prouve que vous avez une histoire, une généalogie. Parfois, cette importance culturelle tourne au folklore : on rencontre des familles qui se disputent farouchement un petit morceau de terrain, un puits abandonné, ou même une simple recette qui rapporte gros, transmise de génération en génération. Le Marocain n’hérite donc pas de ce que l’on pourrait toucher ou voir, mais aussi de valeurs, d’un sens de la dignité et d’une place dans le « beau monde ».

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L’héritage, c’est donc aussi l’Histoire de nos ancêtres avec un grand H. Remarquez d’ailleurs que les deux mots commencent par la même lettre ! Ainsi, se détacher de cet héritage est pour certains un crime contre les ancêtres, un acte presque sacrilège !

Aujourd’hui, cette importance de l’héritage n’a pas disparu, mais elle a évolué… très légèrement ! Si jadis, on se battait pour des terres fertiles, désormais ce sont parfois de simples appartements ou même des terrains vagues qui deviennent l’objet de conflits familiaux. Le Maroc d’aujourd’hui a beau être moderne, l’esprit de clan et la symbolique de l’héritage persistent.

L’un des aspects fascinants de l’héritage au Maroc est sa capacité à transformer les réunions de famille en véritables pièces de théâtre. Nous ne sommes plus au Maroc, mais dans une véritable dramaturgie de Shakespeare ou une ironie poignante digne de Molière ! Le malade n’est plus imaginaire, les sourires se crispent, les politesses se font grinçantes et les esprits s’échauffent. Ce qui aurait pu être une belle réunion se transforme parfois en une scène où chacun défend son « droit ». Les vieux comptes sont réglés, les jalousies ressortent, les promesses faites aux parents sont rappelées, les engagements et le temps alloués à la mère de famille s’étalent et le passé refait surface pour justifier une part plus grande ou un droit d’aînesse contesté.

Se diviser pour l’indivisible

Ah, le droit ! Quand il se mêle de la famille, il devient l’arbitre d’un jeu subtil, réglant les comptes au cœur même des -petites et grandes- familles marocaines. Ce n’est plus seulement une question de terre ou d’or, mais de justice, d’équité et de clivages séculaires. Car au Maroc, les lois de l’héritage s’entrelacent entre coutumes, religion et réformes modernes. Entre ce qui est raconté, confirmé, insinué… les Marocains ne savent plus où donner de la tête !

Mais si la loi est aujourd’hui mal comprise, voire mal admise, c’est parce qu’elle n’a pas toujours été la norme, elle n’a pas toujours été la solution facile aux querelles de succession. C’est là que le Code de la famille – la fameuse Moudawana – entre en scène. À la fois révérée et critiquée, elle est au centre des débats familiaux, des drames, des espoirs et parfois des déceptions.

Révisée en 2004, cette Moudawana est une sorte de pont, un texte hybride qui tente de concilier la Chariâa, les coutumes marocaines et les valeurs modernes. La Moudawana régit l’héritage, le mariage, le divorce et tous les autres aspects de la vie familiale. Mais l’héritage reste l’un de ses chapitres les plus discutés et controversés.

Pourquoi tant d’enjeux autour de ce code ? Parce qu’il ne concerne pas que des biens matériels : il touche à l’essence même des relations familiales. Lorsqu’on pense au droit de succession, on imagine souvent des règles simples : à chacun sa part et que tout soit équitable. Mais le Maroc, avec son appartenance musulmane, dispose d’un système particulier, où la répartition des biens répond à des règles strictes, établies par la Chariâa.

Ainsi, la Moudawana dispose que les fils et les filles n’héritent pas à part égale, un point qui fait encore débat aujourd’hui. En effet, selon la loi musulmane, une femme hérite de la moitié de la part d’un homme. Ce principe, issu de la Chariâa, vise à prendre en compte les responsabilités financières des hommes au sein de la famille. Mais dans un Maroc où les rôles de genre évoluent, où les femmes contribuent largement au foyer, ce principe suscite de plus en plus de discussions.

Le Code de la famille explique ainsi que les héritiers sont classés en trois catégories : les fardh (les héritiers avec parts réservées), les aceb (héritiers résiduels) et les dhawou al-arham (héritiers par les liens de parenté éloignés). Cette hiérarchie détermine les droits et la place de chacun dans la succession, répartissant les parts en fonction du lien de parenté avec le défunt.

Les textes de loi, tels que l’article 334 de la Moudawana, précisent les droits des héritiers en fonction de leur relation familiale. Cet article, et bien d’autres, décompose de manière détaillée le calcul des parts héréditaires. En règle générale, la loi accorde la moitié de l’héritage à l’époux ou le quart à l’épouse en l’absence de descendants et le quart pour le mari ou le huitième pour la femme s’il en existe. Par ailleurs, les enfants se voient accorder une place importante dans la dévolution successorale, avec une part double pour les garçons, conformément à l’article 351 de la Moudawana, « La succession est partagée de manière à ce que la part de l’héritier soit le double de celle de l’héritière ».

Malgré la rigidité de la dévolution successorale, le droit marocain autorise une certaine liberté testamentaire, bien qu’elle soit strictement encadrée. Le testateur peut léguer jusqu’au tiers de ses biens à des personnes en dehors de ses héritiers ou des organisations de son choix, à condition que cela ne lése pas les héritiers réservataires. L’article 149 de la Moudawana introduit aussi la notion d’adoption. « L’adoption (Attabani) est juridiquement nulle et n’entraîne aucun des effets de la filiation parentale légitime. L’adoption dite de gratification (Jaza) ou testamentaire (Tanzil), par laquelle une personne est placée au rang d’un héritier de premier degré, n’établit pas la filiation paternelle et suit les règles du testament (Wassiya) ».

Il existe également des pratiques culturelles, non codifiées, qui influencent la gestion des successions. Dans certaines régions rurales, des coutumes peuvent limiter l’accès des femmes à l’héritage, en dépit des lois en vigueur. Ces pratiques, bien que condamnées par la loi, persistent encore, en raison aussi d’une méconnaissance de la loi de la part des femmes.

Mais l’héritage au Maroc n’est pas uniformément régi par la Moudawana. Tout dépend de l’appartenance religieuse. En effet, pour les Marocains de confession musulmane, la Moudawana et la Chariâa définissent la succession, avec leurs règles bien spécifiques. En revanche, pour les Marocains de confession juive, le droit de succession suit parfois d’autres règles.

Héritage chez les Marocains de confession juive

Chez les Juifs marocains, la tradition se conjugue avec un droit hébraïque qui date de plusieurs siècles. En l’absence de règles strictement codifiées pour ces successions, certaines familles choisissent de s’adresser aux tribunaux marocains, qui ont, d’ailleurs, une partie dédiée au droit judaïque, tandis que d’autres préfèrent gérer leur héritage en interne, selon les rites et traditions propres à leur communauté.

Dans la tradition juive, il est coutumier de s’en remettre à la Torah. L’héritage, dans le judaïsme, n’est pas seulement matériel, comme le souligne la Torah. Un homme ne peut transférer l’héritage de l’un à l’autre. Cette phrase exprime le devoir de préserver les lignes familiales, de respecter l’essence unique de chaque maison. En ce sens, l’héritier est à la fois gardien et serviteur, dépositaire d’une histoire sacrée qu’il doit honorer et transmettre. Selon Rav Avraham Taieb, « Les Halakhot concernant l’héritage font l’objet de 14 chapitres dans le Choul’han Aroukh (Hochen Michpat chapitre 276 à 289). Tout d’abord, un non-Juif n’hérite pas de son père Juif (chapitre 283). De façon générale, l’héritage revient aux enfants, mais seulement aux garçons : d’après la Torah, les filles n’héritent pas. L’aîné aura droit à une double part de l’héritage. Un homme peut déshériter ses enfants au profit de la personne de son choix, mais agir ainsi n’est pas correct, même si les enfants ne se sont pas bien comportés envers leur père. Un homme peut favoriser l’un de ses enfants et lui accorder la plupart de son héritage parce que cet enfant est un Talmid Hakham (il se consacre à l’étude de la Torah – Yabia Omer 8-9) ».

Les règles de succession dans la Torah, où « l’aîné recevra une double part », cherchent, selon les rites judaïques, à garantir la stabilité familiale, et à ancrer chaque individu dans sa lignée et son devoir envers elle.

Ce système bicéphale fait la spécificité de l’héritage marocain. Il est fascinant d’observer comment, au-delà des lois, c’est souvent la culture, la foi et l’histoire familiale qui viennent définir la manière dont les biens sont transmis. Cela crée un univers de cas particuliers, où chaque famille devient le théâtre d’une sorte de microcosme juridique.

La danse des tribunaux

Et c’est ici que les tribunaux marocains entrent en scène, véritables juges-arbitres de ces histoires familiales. Car quand il est question de succession, les juges marocains n’ont pas seulement pour rôle d’appliquer la loi, ils sont aussi les témoins des drames humains, des non-dits et des secrets de famille. Imaginez ces scènes, dans les couloirs d’un tribunal : des cousins éloignés qui s’affrontent pour une parcelle de terrain, des sœurs qui réclament leur droit face à un frère réticent, des enfants de mariages polygames qui se disputent la part du père. Les tribunaux deviennent le lieu où se déploient les tensions, où les drames latents prennent vie sous le regard de la justice.

Dans ce cadre, le juge est un expert du droit ET un médiateur. Car le rôle du tribunal dans la gestion des successions est complexe : il doit, d’une part, appliquer les lois de la Moudawana, mais aussi veiller à préserver l’équilibre et le respect des membres d’une même famille. Ce n’est pas un rôle facile. Parfois, il s’agit de répartir des terrains et des maisons, mais d’autres fois, c’est un héritage immatériel, une entreprise familiale ou même un nom qu’il faut protéger.

Les juges, dans ce type de conflits, appliquent la Moudawana, mais ils disposent aussi d’une marge d’interprétation, notamment lorsque le Code ne permet pas de trancher les conflits d’intérêts ou les divergences affectives. Ils jouent un rôle de médiation et tentent de protéger le tissu familial autant que possible, même si la loi reste la référence première.

Les adouls, notaires, avocats et juges sont les gardiens du droit, mais aussi les protecteurs du tissu familial. Chacun, dans son rôle, apporte une contribution essentielle pour gérer les successions de manière humaine. Les notaires sont les premiers interlocuteurs. Ils conseillent les familles, proposent des solutions de partage et veillent au respect des procédures légales. Les avocats interviennent lorsque le conflit devient inévitable. Leur mission est de défendre les intérêts de leurs clients, mais ils sont aussi des médiateurs qui tentent de trouver des solutions amiables avant de recourir aux tribunaux. Les juges, enfin, interviennent en dernier recours.

Lire aussi : Réforme de la Moudawana : comment satisfaire tout le monde?

Les femmes : un héritage en demi-teinte

Pour les femmes, l’héritage dans la société marocaine est teinté de complexité. La Chariâa accorde en effet aux femmes une part de l’héritage, mais cette part est souvent réduite, la moitié de celle de l’homme. Ce principe, pourtant conçu pour équilibrer les responsabilités financières dans une structure familiale traditionnelle, est souvent perçu aujourd’hui comme une injustice. La fille qui hérite de la moitié de son frère, la veuve qui reçoit un huitième des biens de son époux… pose question dans une société marocaine en évolution.

Lire aussi : Égalité genre : 58,4% des Marocains pensent qu’elle n’existe pas

Pourtant, cette part moindre n’enlève rien à la dignité des femmes héritières et nombreuses sont celles qui acceptent cette répartition comme un acte de foi. La religion, pour elles, demeure une source de paix intérieure, même si l’équité de ce partage soulève des débats. Certaines familles, cherchant un compromis entre tradition et modernité, choisissent de compenser cette inégalité par des dons, des soutiens financiers ou d’autres formes de reconnaissances. Dans certains cas, acceptés par le père de famille, il est possible de faire une donation de ses biens à ses filles de son vivant. Une donation ou une vente à un prix symbolique, afin de les inscrire sur le titre foncier. Lorsqu’elles celles-ci sont majeures, il est aussi possible de vendre son bien et en acheter un nouveau au nom de ses filles. Dans la crainte de se voir virer de leur demeure, bon nombre de pères hésite à avoir recours à cette solution. Il est, toutefois, recommandé par les notaires, de faire une donation, ou d’avoir recours à une vente, en nue-propriété, le père conservant l’usufruit. À comprendre par là, le fait que la ou les filles auront accès à la propriété du bien suite au décès de leur père, et seulement à ce moment-là.

Rien ne divise autant qu’un héritage. Autour de la table des négociations, les anciens liens familiaux se tendent jusqu’à la rupture parfois. Derrière la façade des biens matériels, se cachent souvent des années de jalousies enfouies, de secrets bien gardés et de rivalités fraternelles qui resurgissent au grand jour. Dans ce ballet de tensions, les hommes et les femmes demeurent égaux.

Mais si l’héritage révèle la profondeur des attachements familiaux, de la lignée, il révèle aussi les lignes de fracture au sein de la société marocaine. Il est le miroir des traditions, des valeurs, mais aussi des injustices et des revendications. Qui aurait cru qu’une maison de campagne, un lopin de terre ou un modeste lot d’économies puisse contenir autant de pouvoir émotionnel et social ?

Les inégalités de genre en matière d’héritage sont sans doute l’un des aspects les plus sensibles du sujet. « Quand mon père est décédé, il n’y avait plus de paix dans notre maison. Nous étions trois sœurs et un frère. Tout de suite, la question de l’héritage s’est posée. Mon frère a reçu une part double de la nôtre, conformément à la loi. Bien sûr, je savais que c’était le cas, mais je n’avais jamais pensé à l’injustice que je ressentirais réellement en le vivant. La frustration. À ce moment, ce n’était pas seulement une question d’argent. C’était comme si ma place dans la famille avait été définie : j’étais là, mais avec moins d’importance », nous raconte Leïla.

Lire aussi : Egalité dans l’héritage : le débat revient au devant de la scène

Elle n’est pas la seule à ressentir cette frustration. Nombreuses sont les Marocaines qui, malgré l’amour pour leur famille et leur foi, se sentent lésées par une tradition qui les place en second. Avec l’augmentation du nombre de femmes indépendantes financièrement et engagées dans la vie professionnelle, cette inégalité devient de plus en plus difficile à accepter.

Aujourd’hui, les mentalités évoluent et la question de la donation devient une affaire de femmes à filles. Même en présence d’un héritier mâle, certaines femmes, financièrement indépendantes, décident de faire une donation à leurs filles, afin qu’elles aient une sorte d’égalité à l’héritage. La société marocaine se trouve à un carrefour. D’un côté, le respect des valeurs religieuses et familiales reste primordial. De l’autre, l’aspiration à plus de justice et d’égalité ne peut plus être ignorée.

L’administration : un chemin semé d’embûches

L’administration marocaine est une machine redoutable. Elle repose sur une armée de fonctionnaires, des piles de dossiers et de formulaires qui s’accumulent. La première étape d’une succession commence dans ces bureaux-là, afin d’obtenir l’acte de décès. Cet acte, essentiel, n’est que le début d’un long périple. Pour l’obtenir, les héritiers ont trente jours pour déclarer le décès, une année pour les Marocains résident à l’étranger. Si ce délai est dépassé, une amende de 300 à 1.200 dirhams doit être réglée.

Selon Maître Jawhari, vient ensuite l’acte d’hérédité « un document officiel rédigé par un Adoul, qui mentionne le nom du défunt ainsi que ceux des héritiers légaux, précisant la quote-part de chacun d’eux. L’élaboration de ce document se fait en présence de douze témoins de sexe masculin, choisis parmi les proches, les amis de la famille ou les voisins, chargés de confirmer les informations en question et de signer le document à tour de rôle. Une fois établi, l’acte est authentifié par le tribunal ». Afin d’avoir cet acte, il faut être muni du certificat de décès du défunt (premier papier obtenu), d’un livret de famille, ainsi que d’une carte d’identité. Quand cet acte d’hérédité est obtenu, la succession peut démarrer.

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Toujours selon la même source, avant de procéder à toute répartition, les héritiers doivent régler les dettes du défunt, ainsi que les frais funéraires et les frais de liquidation successorale. Conformément à l’article 376 du code de la famille, aucun des héritiers ne peut prendre en charge la gestion des biens successoraux avant leur liquidation, sauf en cas de nécessité impérieuse. De même, il leur est interdit de percevoir les créances ou de payer les dettes de la succession sans l’autorisation préalable du liquidateur ou de la justice en l’absence de celui-ci.

Pour initier le processus de succession, les héritiers ou leur représentant doivent d’abord présenter l’acte d’hérédité et le certificat de décès aux institutions appropriées selon la nature des biens : banque, conservation foncière, service des mines, CIMR, CNSS et DGI. La répartition des biens s’opère ensuite conformément aux parts définies par la loi. Les héritiers peuvent convenir d’un partage amiable, mais en cas de désaccord, le recours au tribunal de première instance peut s’avérer nécessaire pour trancher les différends.

En l’absence d’accord, le tribunal peut nommer un liquidateur pour superviser la succession, privilégiant un choix consensuel entre les héritiers. À défaut de consensus, le tribunal impose alors un liquidateur, idéalement parmi les héritiers, en tenant compte de leurs avis et réserves. Les héritiers procèdent ensuite aux formalités de transfert de propriété des biens immobiliers auprès de la conservation foncière. Une fois toutes les étapes finalisées, la succession est officiellement clôturée. En général, ce processus prend entre un et trois mois, selon l’existence ou non de litiges. Structurée par le droit musulman, la succession au Maroc assure une répartition équitable, tout en favorisant la coopération pour un transfert harmonieux et conforme à la législation.

Les terres soulaliyates

Au Maroc, la terre est souvent le bien le plus précieux que l’on puisse léguer. Dans les zones rurales, la propriété foncière est empreinte d’un attachement presque sacré. Chaque champ, chaque olivier, chaque parcelle raconte l’histoire des ancêtres et symbolise la survie d’une famille. Mais lorsque ces terres sont transmises, les problèmes surgissent, car les registres fonciers sont souvent imprécis, les frontières floues et la documentation malheureusement insuffisante !

L’une des plus grandes difficultés concerne l’indivision, une situation où plusieurs héritiers détiennent ensemble la propriété d’une terre. Dans ce cas, chacun possède une part théorique de la terre, mais sans qu’aucune partie ne lui soit réellement attribuée. Cette indivision peut durer des générations, empêchant les héritiers d’utiliser ou de vendre la terre. Les terres collectives, dites « soulaliyates », ajoutent une complexité supplémentaire. Ces terres, appartenant à des tribus et non à des individus, à proprement dit, sont soumises à des règles strictes et à des droits coutumiers.

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Dans ces cas, intervient souvent l’un des fléaux qui frappe le plus le secteur foncier. La corruption. La gestion des terres, des titres de propriété et des droits de succession est un terrain fertile pour les abus de pouvoir ! Les passe-droits et les pots-de-vin sont monnaie courante. Pour accélérer une démarche, obtenir une signature ou régulariser une propriété, certains n’hésitent pas à graisser la patte. « Je passais une journée normale, lorsqu’on m’a fait parvenir un papier légalisé. Ce dernier aurait été fait par mes soins, annonçant le décès de mon père. Mon père était bien vivant et je n’avais jamais fait telle déclaration ! Pour accélérer l’héritage, toujours en indivision, la famille de mon père était prête à m’envoyer croupir en prison. Je n’oublierai jamais ce qu’ils ont fait ! », nous déclare Samira. Il s’agit là d’un cas flagrant de corruption de la part de membres de la famille qui, au nom de l’argent, ont balayé d’un seul geste, coutume, famille et religion.

Cette corruption n’est pas seulement une entrave morale, elle est aussi une barrière pour les familles modestes. Celles qui n’ont pas les moyens de payer les fonctionnaires corrompus se retrouvent souvent bloquées, tandis que les plus aisées peuvent contourner les règles et avancer plus rapidement. Ce système à deux vitesses creuse davantage les inégalités dans la société marocaine, ajoutant un poids supplémentaire sur les épaules de ceux qui ne peuvent se permettre ces « frais cachés ».

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Un commentaire

  1. Vous avez oublié le problème de l héritage dans les familles où il n y a que des filles où le nombre des héritiers augmentent avec les tantes les oncles, les cousins les cousines etc….

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