Image d'illustration. © DR
Au Maroc, le droit à l’éducation pour tous est inscrit dans la Constitution et soutenu par divers traités internationaux. Pourtant, pour les enfants en situation de handicap (ESH), ce droit demeure, dans bien des cas, théorique. Alors que des initiatives pour une éducation inclusive se multiplient, la réalité des familles révèle des inégalités criantes comme l’explique le rapport analytique « Éducation inclusive : contribution de la CRDH-RSK à la promotion et à la protection des droits des enfants en situation de handicap », menée par le Professeur Farouk Alioua, membre de la CRDH-Rabat-Salé-Kénitra.
Les multiples barrières à l’accès à l’éducation
Les chiffres sont éloquents : 80% des enfants en situation de handicap ne fréquentent jamais une école. Parmi les causes principales, l’absence d’infrastructures adaptées reste un frein majeur. Seuls quelques établissements publics et privés sont qualifiés “inclusifs” et ceux-ci accueillent en moyenne moins de cinq élèves handicapés par an.
Au-delà des infrastructures, les critères d’admission posent également problème. La spécification du handicap comme “léger ou moyen” écarte de fait les enfants ayant des besoins plus complexes. Par ailleurs, la condition de l’accompagnement par un assistant de vie scolaire (AVS) est souvent impossible à remplir pour les familles les plus modestes, qui doivent financer elles-mêmes cette aide.
Lire aussi : Autisme : ce que le Maroc ne voudrait voir
Les défis sociaux s’ajoutent à ces obstacles : préjugés, manque de sensibilisation et absence de soutien psychologique aggravent la marginalisation. L’exclusion éducative engendre à son tour des inégalités plus profondes à l’âge adulte, avec des répercussions sur l’emploi, la santé et l’intégration sociale.
Des avancées législatives aux lacunes pratiques
Depuis la loi-cadre 97-13 en 2016, le Maroc dispose d’un cadre juridique clair pour la promotion des droits des personnes handicapées. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée en 2009, garantit également le droit à une éducation inclusive. Mais la réalité de terrain reflète un décalage entre les textes et leur application.
Les décrets d’application restent partiels, retardant la mise en opération des lois. L’absence de données fiables sur le nombre exact d’enfants concernés ou sur leurs parcours scolaires complique encore la mise en œuvre d’une politique cohérente. L’éducation inclusive est ainsi perçue comme un chantier inachevé, où les initiatives locales peinent à compenser les failles systémiques.
Rôles clés : enseignants, parents et AVS
Les enseignants sont au cœur du dispositif inclusif, mais leur formation reste insuffisante. La majorité d’entre eux n’a pas été formée à accueillir et à accompagner des élèves en situation de handicap. L’absence de référentiels pédagogiques adaptés complique davantage leur tâche.
Les AVS, quant à eux, sont essentiels, mais souvent précaires. Ils travaillent sans statut clair avec une formation limitée et une rémunération irrégulière. Cette instabilité affecte directement la qualité de leur accompagnement.
Lire aussi : Trisomie 21 : reconnue… et après ?!
Les parents jouent également un rôle crucial, mais sous-estimé. Beaucoup méconnaissent leurs droits ou renoncent face aux coûts élevés de l’inclusion (transport, matériel pédagogique, rémunération des AVS). Ce manque de soutien les place en première ligne d’un combat éprouvant avec peu d’appui institutionnel.
Quand l’école inclusive devient un privilège
Pour de nombreuses familles, inscrire leur enfant dans une école inclusive relève du parcours du combattant. La scolarisation dépend souvent des moyens financiers disponibles, accentuant les inégalités. Dans le secteur privé, les établissements qui se disent inclusifs appliquent parfois des critères d’admission restrictifs ou des frais supplémentaires.
Cette situation crée une fracture entre ceux qui peuvent se permettre de financer cette inclusion et ceux qui en sont exclus. Pour ces derniers, les alternatives se limitent à des centres spécialisés souvent dépourvus de projets éducatifs adaptés ou de normes strictes. Cette exclusion “silencieuse” nourrit une marginalisation durable.
Repenser le système pour ne laisser personne de côté
Pour garantir une éducation véritablement inclusive, plusieurs leviers doivent être actionnés. Tout d’abord, il est essentiel de renforcer la formation des enseignants et d’élaborer des référentiels pédagogiques adaptés. Les AVS doivent être reconnus, formés et intégrés dans un cadre professionnel stable.
Ensuite, l’État doit élargir l’offre éducative en rendant les établissements scolaires accessibles sur les plans physique, pédagogique et financier. Cela passe par la généralisation des salles de ressources et un soutien accru aux familles. Le financement doit aussi être repensé, avec un fonds dédié alimenté par des contributions publiques et privées.
Lire aussi : Autisme, trisomie 21 : à quoi vos enfants ont-ils droit ?
Enfin, l’éducation inclusive ne peut réussir sans un changement culturel profond. Sensibiliser le grand public, lutter contre les préjugés et encourager la participation des communautés locales sont autant de mesures nécessaires pour bâtir une société plus équitable.
L’inclusion des enfants en situation de handicap dans le système éducatif marocain reste un défi à multiples facettes. Si des avancées ont été réalisées, elles ne profitent qu’à une minorité, laissant de nombreux enfants sans solutions. Pour faire de l’éducation inclusive une réalité et non un privilège, des efforts concertés sont indispensables. En investissant dans des réformes structurelles et culturelles, le Maroc peut garantir à chaque enfant, sans exception, le droit d’apprendre, de se développer et de contribuer à une société plus juste.
Lutte antiterroriste : 66 arrestations et saisies massives dans 14 pays, dont le Maroc
Monde, Société - Une vaste opération antiterroriste, baptisée «Neptune VI», a été menée sous la coordination d'Interpol.
Hajar Toufik - 17 octobre 2024Mobilisation syndicale : défendre le droit de grève
Société - La CDT a tenu une réunion au siège central de Casablanca pour examiner la gestion par le gouvernement du dossier social.
Ilyasse Rhamir - 16 octobre 2024Indice mondial de la faim : le Maroc, 48e dans le classement
Société - L’Indice mondial de la faim 2024 place le Maroc 48e parmi 127 pays témoignant d’une avancée notable dans la lutte contre la faim.
Ilyasse Rhamir - 16 octobre 2024Les pièces d’identité renouvelées pour les cultivateurs de cannabis graciés
Société - La DGSN a initié le renouvellement des CNIE dans le Rif visant les cultivateurs de cannabis ayant bénéficié de la grâce royale.
Ilyasse Rhamir - 16 octobre 2024Jonathan Harroch placé en détention
Hajar Toufik - 16 octobre 2024Jonattan Harroch : la chute d’un magnat du sport au Maroc
Hajar Toufik - 15 octobre 2024Égalité sur l’héritage : débat relancé au Maroc
Société - Une polémique a émergé suite à l’utilisation hors contexte d’une enquête du HCP sur l’égalité en matière d’héritage.
Ilyasse Rhamir - 15 octobre 2024Séisme de magnitude 4,5 dans la province d’Ifrane
Rédaction LeBrief - 15 octobre 2024Stress au travail au Maroc, un défi insurmontable ?
Société - Le rapport Gallup 2024 dresse un tableau révélateur de l’expérience professionnelle et la santé mentale des employés au Maroc.
Ilyasse Rhamir - 19 novembre 2024Mobilité urbaine intégrée : un avenir prometteur pour le Maroc
Société - Lors du Rail Industry Summit, une table ronde dédiée à la mobilité urbaine intégrée a souligné les synergies industrielles et d’ingénierie entre bus, tramway et train.
Ilyasse Rhamir - 10 décembre 2024Le ministère de la Santé retire les médicaments à base de pholcodine
Société - La Direction du médicament et de la pharmacie suspend les autorisations de distribution des médicaments contenant la pholcodine.
Khadija Shaqi - 22 mars 2023Achoura : Moroccan Nightmare
Dossier - Achoura, une célébration autrefois joyeuse, est devenue un jour redouté par de nombreux Marocains.
Hafid El Jaï - 29 juillet 2023