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Guerre en Ukraine : des soldats russes tués, trahis par leur téléphone

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Une cérémonie à Samara en mémoire des soldats russes tués à Makiivka, le 3 janvier 2022. © Arden Arkman / AFP

Géolocalisés, frappés, tués … Dimanche, aux premières minutes de l’année 2023, une frappe ukrainienne sur la ville de Makiïvka, dans la région de Donetsk, a fait au moins 89 morts parmi les soldats russes.

Le nombre de victimes dans les rangs russes, initialement estimé à 63, a donc été revu à la hausse après la découverte de nouveaux corps dans les ruines d’un bâtiment à Makiïvka, visé par une frappe ukrainienne le 1er janvier à 00 h 01 (heure locale), a indiqué le général russe Sergueï Sevrioukov dans un message vidéo diffusé par le ministère russe de la Défense.

Kiev, de son côté, parle de plusieurs centaines de morts. Le département des communications stratégiques des forces armées ukrainiennes a, ainsi, affirmé que près de 400 soldats russes ont été tués lors de cette attaque.
Selon l’aveu même des hauts-gradés de l’armée russe, le comportement même des soldats russes a permis aux drones ukrainiens de repérer leur emplacement. En effet, malgré l’interdiction, de nombreux soldats auraient utilisé leurs téléphones pour appeler leurs familles à l’occasion du Nouvel an.

Dans un communiqué publié ce mercredi par le Telegram du ministère russe de la Défense, le général Sevrioukov indique que pour le moment, «une commission mène l’enquête sur les circonstances» de cette attaque. «Mais il est déjà évident que la cause principale (…) est l’allumage et l’utilisation massive par le personnel de téléphones portables à portée des armes ennemies, contrairement à l’interdiction», explique le général. «Ce facteur a permis à l’ennemi de localiser et de déterminer les coordonnées de l’emplacement du personnel militaire pour une frappe de missile», ajoute-t-il.

Pour Stéphane Dubreuil, expert en télécommunications, «les Russes utilisent des technologies qui ont 30 voire 40 ans». Et d’analyser : «Sur le réseau des Ukrainiens, ils ont compris qu’il y avait une concentration anormale de communications de puces étrangères, donc russes. Ensuite, ils ont dû géolocaliser pour se rendre compte que l’erreur russe, c’est d’avoir concentré dans un même endroit un ensemble de personnes.»

C’est selon l’expert, une preuve supplémentaire du fait que la Russie est «dépassée» sur le plan technologique face aux Ukrainiens, voire d’un témoignage à de la criante indiscipline de l’armée de Poutine, décimée par les combats et récemment renforcée par des appelés mobilisés à la hâte, envoyés au front après une formation rudimentaire.

D’autres armées s’étaient pourtant déjà fait surprendre par la géolocalisation des portables de leurs soldats. Mais cette fois, l’erreur est grossière. «L’usage de téléphones portables est extrêmement dangereux sur la champ de bataille et vaut rarement le risque», surtout en Ukraine où le gouvernement sait parfaitement «ce qui se passe sur son réseau domestique de télécommunications», explique à l’AFP Joseph Shelzi, chercheur au Soufan Center, à New-York.

«L’armée ukrainienne a démontré sa capacité à fusionner des éléments d’information pour viser les forces russes», a-t-il ajouté. Et en Russie, la polémique est vive : l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW) a relevé que des organes pro-Kremlin et des blogueurs militaires ont souligné «la capacité ukrainienne à exploiter les mauvaises pratiques en termes de sécurité des opérations sur les lignes de front».

Citée par Reuters, l’agence de presse d’État russe TASS aurait confirmé ces informations d’une source sous couvert d’anonymat de la république populaire de Donetsk, région séparatiste du Donbass où a eu lieu l’attaque. «L’ennemi, utilisant le complexe de reconnaissance ECHELON – un système de renseignement et de surveillance des télécommunications comprenant les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, le Canada, et l’Australie -, a repéré l’activité des communications cellulaires et la localisation des utilisateurs», a affirmé ladite source.

«Les forces armées vont très loin dans la protection de leurs réseaux de communication», note pour l’AFP Nick Brown, expert de la société de renseignement privée britannique Janes. Mais «tout ça peut être défait très rapidement si la discipline (…) se dégrade et si l’accès des troupes aux appareils personnels n’est pas contrôlé de façon rigoureuse (…) Les récents appelés semblent avoir aggravé le problème avec un usage étendu de leurs équipements personnels».

Il s’agit non seulement du plus lourd bilan en une seule attaque admis par Moscou depuis le début de l’offensive le 24 février dernier, mais également de la première communication officielle sur des pertes militaires russes depuis le mois de septembre. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait alors évoqué 5.937 morts dans les rangs de l’armée russe depuis le début du conflit.

Le communiqué russe indique également que les responsables reconnus coupables dans l’enquête seront traduits en justice et que des mesures ont été prises afin d’empêcher que des faits similaires ne se reproduisent.

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