Cette rentrée gouvernementale démarre sur les chapeaux de roue. L’exécutif a un nouveau référentiel sur lequel il va travailler. Il s’agit du discours du Trône avec sa nouvelle matrice. Le discours prononcé par le Roi le 30 juillet dernier a jeté les bases d’une nouvelle approche à adopter sans plus tarder. Dans ses paroles, le Souverain a appelé au sérieux dans le travail et à l’élaboration de nouvelles réformes audacieuses et de projets de grande envergure. Le chef de l’État a évoqué plusieurs dossiers dont l’exécutif devra se saisir et achever sans plus tarder.
Mise en œuvre de l’Offre Maroc pour l’hydrogène vert
Le Maroc se trouve à un carrefour crucial de son développement énergétique et économique. La question qui préoccupe nombre d’observateurs est de savoir si le pays va évoluer vers une simple position de fournisseur de ressources, telle que le foncier ou les énergies solaire et éolienne. Il laisserait alors une grande partie de la valeur ajoutée générée sur son territoire entre les mains des acteurs privés. Ou bien, va-t-il réclamer sa part légitime de cette valeur ajoutée, sous forme d’impôts substantiels, d’emplois créés, de redevances et de licences d’exploitation ? L’Offre Maroc pour l’hydrogène vert en cours de finalisation revêt une importance cruciale pour le royaume. L’objectif est de mettre en place un modèle vertueux, qui favorise la rétention de la valeur localement, plutôt que de simplement l’exporter.
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Depuis le discours du Trône, c’est la course contre la montre pour le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable. Le Roi a sommé le gouvernement d’accélérer la cadence. «Nous engageons le gouvernement à entreprendre la mise en œuvre rapide et qualitative de ce projet, de manière à valoriser les atouts dont dispose Notre pays en la matière et à répondre au mieux aux projets portés par les investisseurs mondiaux dans cette filière prometteuse», a dit le Souverain.
Aziz Akhannouch suit ce dossier de très près et les différents départements et institutions concernés collaborent efficacement pour faire avancer le projet. C’est que le sujet de l’hydrogène vert s’avère extrêmement complexe, avec une multitude de paramètres et de contraintes qu’il est essentiel de traiter avec soin. Le gouvernement souhaite livrer une copie solide, cohérente et en adéquation avec sa réalité économique et énergétique.
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Les prestations sociales avant la fin de l’année
«Afin de parachever le chantier de la protection sociale, Nous attendons que les prestations sociales commencent, comme prévu, à être servies aux ménages ciblés, à la fin de l’année en cours. Notre souhait est que ce revenu direct contribue à l’amélioration des conditions de vie de millions de familles et d’enfants dont Nous ressentons la détresse», a souhaité le Monarque dans son discours à la Nation. L’extension de la couverture de la protection sociale se positionne au premier rang des priorités du programme gouvernemental actuel.
Ce chantier s’articule autour de quatre axes majeurs : l’extension de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et des allocations familiales, l’élargissement de la base des affiliés au régime de retraite, et la généralisation de l’Indemnité pour perte d’emploi. Pour ce faire, le gouvernement a anticipé, dans le cadre de la loi de Finances 2023, une enveloppe de 9,5 milliards de DH (MMDH) dédiée à la prise en charge des cotisations de l’assurance maladie obligatoire pour les personnes en situation de précarité financière. Cela vise à garantir leur accès aux services de santé, qu’ils soient dispensés dans des établissements publics ou privés. L’objectif global est de couvrir 33 millions d’individus par l’AMO, y compris les employés déjà affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Parallèlement, l’inscription des familles au Registre social unifié (RSU) est en cours. L’objectif est de garantir qu’elles puissent bénéficier, d’ici la fin de 2023, de diverses prestations sociales, notamment les allocations familiales.
Dans cette optique, ce vaste projet, déjà en cours de déploiement par le ministère de l’Intérieur, repose sur trois piliers fondamentaux : le Registre national de la population (RNP), le RSU, et l’Agence nationale des registres (ANR). Cette dernière jouera un rôle clé dans la continuité du dispositif tout en accompagnant les organismes gouvernementaux dans la formulation de politiques publiques alignées sur les programmes d’aide sociale. L’entrée en vigueur du RNP et du RSU, qui œuvrent à réformer et à consolider les régimes d’assistance sociale, vise à atteindre 10 millions d’inscrits d’ici à la fin de 2023, tout en mettant en place des mécanismes pratiques pour l’extension générale du régime d’assistance sociale en 2024.
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Gestion rigoureuse des ressources hydriques
«S’agissant de la gestion des ressources hydriques qui requiert davantage de rigueur et de vigilance, Nous avons veillé à l’élaboration du Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027», a affirmé le roi Mohammed VI. Et d’avertir : «À cet égard, Nous appelons au suivi minutieux de toutes les étapes de mise en œuvre de ce programme. D’ailleurs, Nous ne tolérerons aucune forme de mauvaise gouvernance, de mauvaise gestion ou d’exploitation anarchique et irresponsable de l’eau». Aziz Akhannouch et ses ministres, notamment Nizar Baraka, sont conscients du danger qui guette le Maroc. Le ministre de l’Équipement et de l’Eau a même sacrifié en partie ses vacances début août pour s’enquérir de l’état d’avancement du chantier d’interconnexion entre les bassins hydrauliques de Sebou et Bouregreg. Un projet d’une importance cruciale pour le Maroc dont les travaux sont presque terminés. Son but ? Transférer les excédents d’eau du bassin de Sebou vers le bassin de Bouregreg et le barrage Mohammed Ben Abdellah, source d’approvisionnement en eau potable pour le nord de Casablanca, tout en allégeant la demande en eau à Marrakech. Cette autoroute de l’eau est qualifiée de « prouesse marocaine » vu le temps record dans lequel elle a été inspectée par Akhannouch himself. Le chef du gouvernement s’est rendu mardi à El Arjate, où se situe la jonction entre les bassins du Sebou et du Bouregreg où les premiers mètres cubes d’eau ont été acheminés. Les autorités ciblent un million m3 par jour. On estime que ce sera réalisable fin octobre prochain.
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À terme, ce projet profitera à environ 12 millions de Marocains. La première phase de cette interconnexion vise à récupérer les eaux excédentaires du bassin de Sebou, qui se perdent actuellement en mer. L’objectif est de capter environ 400 millions de mètres cubes d’eau par an. La mobilisation pour ce projet est à son maximum, avec plus de 1.000 personnes travaillant jour et nuit sur le chantier. Selon le ministère, en temps normal, ce projet aurait nécessité environ 4 ans pour sa réalisation. Cependant, il sera complété en moins de 12 mois, reflétant ainsi un effort d’accélération exceptionnel.
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D’autres questions sur la table
Le gouvernement Akhannouch doit aussi reprendre des dossiers en suspens durant cette rentrée. En premier lieu, il doit concentrer ses efforts pour relancer le dialogue social suspendu depuis plusieurs mois en signe de protestation par les syndicats qui estiment que l’accord du 30 avril n’a pas été respecté. Une nouvelle série de discussions avec les centrales syndicales les plus représentatives est en vue. Quant au patronat, le ministre de l’Emploi, a déjà rencontré ses dirigeants vendredi, en marge de la réunion du Conseil d’administration de la CGEM. La volonté du gouvernement de stimuler le dialogue social est clairement énoncée dans la lettre de cadrage pour la préparation du projet de loi de finances (PLF) 2024. Selon cette note, le chef du gouvernement souligne que son cabinet poursuivra le dialogue, conformément à la Charte du dialogue social signée en avril 2022. La note d’orientation appuie également que les crédits alloués pour mettre en œuvre les engagements du dialogue social s’élèveront à environ 10 MMDH pour 2023.
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Cependant, les syndicats regrettent que la lettre de cadrage ne fait pas mention de la réduction de l’impôt sur le revenu (IR), comme promis précédemment. Par ailleurs, les syndicats réclament la résolution des conflits en cours, notamment celui sur le statut unifié des enseignants qui risque de compromettre la rentrée scolaire. Il y a aussi les conflits découlant des licenciements de travailleurs dans plusieurs entreprises. L’épineuse question des retraites sera aussi à l’ordre du jour. Dans ce contexte, les organisations syndicales ont vivement réclamé le retrait des propositions formulées par un cabinet d’études, lesquelles évoquent sa vision de la réforme des caisses de retraite. Ce sujet majeur, que le gouvernement entend approfondir, sera scruté avec attention lors de la prochaine réunion de la commission en charge de ce dossier.
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Dans un tout autre registre, le gouvernement doit consolider son argumentaire par rapport à des sujets sociétaux ayant suscité des débats passionnés dans le pays. Il s’agit de la réforme de la Moudouwana (Code de la famille) et du Code pénal. Ces deux questions ont déclenché de vives polémiques entre les conservateurs et les progressistes. Des joutes verbales entre le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, et le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, avaient enflammé la toile.
En parallèle, le dossier de la lutte contre la corruption constituera également l’un des points de divergence majeurs entre les forces politiques, gouvernementales et de l’opposition. Cette problématique s’inscrit particulièrement dans le contexte actuel, marqué par une série d’affaires judiciaires portant sur des questions de corruption, donnant l’impression d’une campagne active visant à éradiquer ce fléau et à sévir fermement contre les responsables de détournements de fonds publics. L’arrestation du député du Mouvement populaire (MP) et ancien ministre Mohamed Moubdii a secoué la classe politique. Certains ont salué l’application du principe de la reddition des comptes alors que d’autres estiment que l’affaire Moubdii n’a pas encore livré tous ses secrets.
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L’exécutif doit accélérer sa cadence tout en veillant à ce que les choses soient faites dans les règles. Il en va de sa crédibilité alors qu’il doit présenter au mois de mai son bilan de mi-mandat.