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Le Monde arabe s’étale de l’Océan (atlantique) au Golfe (arabique) sur 13,5 millions de km². C’est une population de 444 millions d’habitants représentant 22 pays qui partagent la même langue, la même culture voire la même religion. Ce sont des atouts dont ne disposent pas d’autres ensembles aujourd’hui exemplaires dans leur fédération. Avantagé par sa position géographique stratégique, ses ressources naturelles aussi riches que diversifiées et sa jeune population, le Monde arabe n’a pas su tirer profit de tout cela et se contente du rôle de suiveur des véritables maîtres de la planète.
À l’origine, la lutte contre le colonialisme
Le nationalisme arabe est né à une époque où les différentes contrées étaient sous domination ottomane puis occidentale. L’idéologie nationaliste arabe a été tout d’abord portée par Hussein Ben Ali, chérif mecquois qui était le leader de la lutte de libération de l’occupation turque et de la création d’un grand État arabe. Durant la première guerre mondiale, il n’hésitera pas à s’allier avec les Anglais pour combattre l’Empire ottoman. Mais la trahison de ces alliés et leur invasion du Proche-Orient développera une haine anti-occidentale chez les nationalistes arabes et chez tous les peuples de la région.
Après la seconde guerre mondiale, l’Occident est devenu l’ennemi numéro 1. La Grande-Bretagne, la France, l’Espagne et l’Italie sont perçues comme les forces du mal à abattre. La libération des pays encore colonisés ou sous protectorat, en plus de l’opposition à la création de l’Etat d’Israël, encouragent l’union. Sous l’impulsion de l’Egypte, les pays arabes déjà indépendants se concertent pour créer une organisation régionale. En 1945, la Ligue des États arabes est créée. Basée au Caire, cette organisation compte à l’époque sept membres fondateurs : l’Egypte, l’Irak, la Jordanie, le Liban, l’Arabie saoudite, la Syrie et le Yémen. 15 autres pays rejoindront cette ligue plus tard : la Libye en 1953, le Soudan en 1956, la Tunisie et le Maroc en 1958, le Koweït en 1961, l’Algérie en 1962, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Qatar et Oman en 1971, la Mauritanie en 1973, la Somalie en 1974, l’Organisation de libération de la Palestine en 1976, Djibouti en 1977 et Les Comores en 1993. Mais l’exclusion de l’Egypte en 1978 et le transfert de siège en Tunisie, après les accords de Camp David, marque le début d’une période de déclin pour l’organisation.
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Le progressisme nassériste
Après la Nakba de 1948, dans les années 1950, le président égyptien Gamal Abdel Nasser fera figure de leader du panarabisme, avec comme idées phares l’antisionisme et la défiance de l’Occident. L’idéologie socialiste-progressiste est aussi défendue par Nasser. Ce dernier fera le maximum pour développer l’économie de son pays et le rendre indépendant des puissances occidentales. Il n’hésitera pas à nationaliser le canal de Suez, galvanisant encore plus les foules dans les pays arabes. Mais ce panarabisme de gauche, proche du bloc de l’Est ne plaira pas à certains pays arabes pro-occidentaux. Nasser défendait par ailleurs la séparation entre le politique et le religieux, attaquant frontalement des mouvements comme celui des Frères musulmans. Puis, il s’avança vers une fusion des États arabes, avec tout d’abord la création de la République arabe unie (Egypte-Syrie) entre 1958 et 1971, puis l’Union des républiques arabes (Egypte-Syrie-Libye) de 1971 à 1984. Ces tentatives, ainsi que celle de l’union entre la Jordanie et l’Irak au sein d’une Fédération arabe d’Irak et de Jordanie, se solderont par un échec. Après la Naksa de 1967 et la mort de Nasser, le panarabisme n’est plus qu’un slogan. Il ressuscitera par occasions, comme lors de la guerre d’octobre 1973 ou de l’Intifada palestinienne, mais pas au point de parler d’une véritable nation arabe.
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Le Maroc et le panarabisme
Si certains leaders politiques, comme l’Istiqlalien Allal El Fassi, étaient proches du courant nassiriste avant l’indépendance du Maroc et avaient fait de la capitale égyptienne leur base arrière, et de la radio cairote Sawt Al Arab (La Voix des Arabes) leur premier canal de communication, les choses prendront une nouvelle tournure après la libération du pays. L’auteur et penseur marocain Abdelilah Belkeziz écrit dans son ouvrage ‘’Le Mouvement nationaliste marocain et la question nationale’’ :
«Notre parti estime qu’il est possible d’atteindre l’unité générale à travers des unités régionales afin que les États de la péninsule arabique puissent être combinés en un État arabe uni, annexant l’Egypte et le Soudan dans un autre pays, unifiant la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et le Koweït dans un pays tiers. Notre désir de voir les provinces mauritaniennes et libyennes, en plus du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie regroupés en Union du Maghreb arabe, incluse dans la Ligue des États arabes (une confédération), nous a amenés à croire que les pays d’Afrique du Nord doivent être considérés comme une seule entité : Le Maghreb arabe de l’après-indépendance».
Cet attachement à l’unité maghrébine a été couronné par la tenue de la Conférence de Tanger en 1958 au grand dam de Nasser et de ses partisans qui accusaient les acteurs politiques marocains, algériens et tunisiens de vouloir contrer la dynamique enclenchée par l’émergence de la République arabe unie.
Quant à la monarchie marocaine, elle avait pendant le protectorat jeté des ponts avec le monde arabe. Le discours prononcé le 10 avril 1947 à Tanger par feu Mohammed V constitue une véritable profession de foi panarabe. «Il va sans dire que le Maroc, étant un pays attaché par des liens solides aux pays arabes d’Orient, désire naturellement que ces liens se raffermissent de plus en plus, surtout depuis que la Ligue Arabe est devenue un organisme important qui joue un grand rôle dans la politique mondiale», avait-il dit. Et d’ajouter : «Les pays arabes ne forment qu’une seule Nation : que ce soit à Tanger ou à Damas, cela ne fait qu’une».
Après l’indépendance, le défunt souverain enverra en éclaireur le prince héritier Moulay El Hassan à deux reprises en Egypte. En 1958, le Maroc adhère à la Ligue arabe. Deux ans plus tard, le roi Mohammed V se rend au pays des pharaons et signe un communiqué conjoint avec le défunt colonel Nasser. «Toute bataille qui sera livrée dans la grande patrie arabe sera celle de tout Arabe ; la lutte qui s’étend du Maghreb arabe en Algérie jusqu’en Oman, sur le « golfe arabe », en passant par la Palestine, foncièrement arabe, n’est qu’une phase du nationalisme arabe dans son mouvement libérateur», soulignait le texte.
Sous le règne du roi Hassan II, il y eut des hauts et des bas dans l’engagement du Maroc dans la coopération panarabe. Le Maroc organisa sept sommets arabes ordinaires ou extraordinaires en 1965, 1969, 1974, 1981, 1982, 1985 et 1989.
Quant au roi Mohammed VI, on notera deux participations majeures à des sommets arabes depuis son intronisation : en Egypte en 2000 et en Algérie en 2005. Depuis, le Souverain se fait représenté aux différents sommets tantôt par le prince Moulay Rachid, tantôt par le chef du gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères.
Non à la fausse impression d’unité
En 2016, le Maroc devait abriter le 27e sommet arabe mais décide de céder son droit d’organiser cette session ordinaire de la réunion des chefs d’Etats. Le 19 février de cette année-là, le ministère des Affaires étrangères rend public un long communiqué expliquant les raisons du désistement du Royaume.
«Au regard des défis auxquels fait face le monde arabe aujourd’hui, le Sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple réunion de circonstance. Les conditions objectives pour garantir le succès d’un sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies», soulignait le communiqué du département dirigé à l’époque par Salaheddine Mezouar. En clair, le Maroc ne voulait pas être l’hôte d’une rencontre des dirigeants arabes sans intérêt. La diplomatie marocaine explique alors craindre la tenue d’un sommet où les discours donnent «une fausse impression d’unité et de solidarité».
C’est que la situation post-printemps arabe était chaotique dans plusieurs pays avec des guerres sans issue en Syrie et au Yémen. «Le monde arabe traverse, certes, une période difficile. L’heure de la vérité a sonné. Les leaders des pays arabes ne peuvent se contenter, une nouvelle fois, d’un simple diagnostic amer de la situation de divergences et de divisions que vit le monde arabe, sans fournir des réponses collectives décisives et fermes susceptibles de faire face à cette situation, que ce soit en Irak, au Yémen ou en Syrie, où les crises se compliquent davantage à cause des nombreuses manœuvres et des agendas régionaux et internationaux», note le communiqué. Ce 27e sommet de Ligue arabe au niveau des chefs d’États se tiendra finalement en Mauritanie et sera baptisé le ‘‘Sommet de l’espoir’’.
Pour ce qui est du dernier sommet organisé cette semaine en Algérie, il a reflété l’état d’une Ligue arabe clairsemée. Si de grands sujets sont à l’ordre du jour comme la sécurité alimentaire, la question palestinienne et la réforme de l’organisation panarabe avec la suppression du fameux article imposant le consensus autour de toutes les décisions, l’absence de la moitié des dirigeants a vidé le sommet de tout son sens.
Autrefois respectés, les Arabes sont aujourd’hui relégués au rang d’observateurs. Ils sont là pour faire l’appoint quand les puissances mondiales ont besoin de leur soutien et de leurs ressources. Il est éreintant de voir que l’union des peuples arabes est désormais limitée aux chaînes satellitaires de news, de sport et de divertissement en tout genre. Quant au digital, ça c’est une autre histoire…
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