Accueil / Société

Genre et éducation : un regard sur les disparités scolaires au Maroc

Temps de lecture

Éducation au Maroc. © DR

L’éducation universelle se dessine comme un pilier essentiel du nouveau plan de développement du Maroc. Cependant, le système éducatif actuel révèle des disparités en termes d’accessibilité et de qualité. Ces inégalités, particulièrement visibles à travers des prismes géographiques et genrés, soulignent les défis à surmonter pour instaurer une éducation équitable et inclusive. L’écart entre les genres dans l’accès à une éducation de qualité demeure une préoccupation, souvent négligée dans les analyses. Une étude, menée par Aomar Ibourk et Karim El Aynaoui et publiée par le Policy Center for the New South et Science Direct, explore ces disparités en réussite scolaire en lecture et en mathématiques, cherchant à identifier les facteurs déterminants et à en évaluer l’ampleur.

Les écarts de genre dans les résultats scolaires au Maroc révèlent une dualité marquée : d’une part, les filles excèdent les performances des garçons en lecture dès les premières années scolaires, un écart qui s’accroît au fil du temps. D’autre part, en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, les filles sont moins présentes, bien que les garçons y bénéficient seulement d’un léger avantage qui tend à décroître. Ces observations proviennent du rapport de suivi mondial de l’éducation de l’UNESCO de 2022. Le document souligne une disparité persistante, malgré les efforts du Maroc pour équilibrer l’accès à une éducation de qualité depuis l’adoption du Nouveau modèle de développement.

Dirigées par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, les réformes ambitieuses visent à améliorer à la fois la qualité et l’équité du système scolaire. Néanmoins, les études internationales comme TIMSS et PIRLS indiquent que le Maroc reste en retard, surtout en lecture et en sciences, avec des scores bien en dessous de la moyenne mondiale.

Cette analyse utilise la méthode Oaxaca-Blinder pour décomposer les écarts de genre en composantes, permettant de cerner les influences environnementales. Elle illustre ainsi les défis uniques auxquels le Maroc doit faire face dans le domaine éducatif, contrairement à certains pays d’Europe et d’Amérique du Nord où des progrès ont été réalisés pour minimiser, voire éliminer, ces écarts.

Lire aussi : Éducation : des projets américains au Sahara

Évolution des recherches sur les performances scolaires selon le genre

Depuis les années 1960, les recherches sur les performances scolaires selon le genre ont évolué, mettant initialement en lumière les difficultés académiques des filles dans les pays développés. Toutefois, dans les années 1990, l’accent a été mis sur les lacunes observées chez les garçons. Cette évolution révèle combien la nature des disciplines étudiées influence la performance académique, avec des garçons souvent attirés par les sciences et des filles préférant les matières littéraires, une tendance confirmée par les enquêtes internationales. Des recherches récentes de l’Université Stanford indiquent un rétrécissement de l’écart de genre en mathématiques aux États-Unis, même si des inégalités persistent.

L’écart de genre dans l’éducation peut être attribué à des facteurs internes, tels que les aptitudes innées, et externes, incluant les méthodes pédagogiques et le contexte familial, comme le revenu et le niveau d’éducation des parents. Des études britanniques récentes suggèrent que les différences génétiques pourraient expliquer une grande partie de la variance des résultats éducatifs.

Cependant, une approche qui se concentre uniquement sur les facteurs génétiques est limitée, car elle omet de considérer l’influence des variables scolaires et familiales. En intégrant ces facteurs externes, on peut mieux cerner les domaines qui nécessitent une amélioration pour atténuer les écarts de genre. Par exemple, une étude menée en 1997 par l’Office for Standard in Education a montré que les écoles promouvant l’égalité des chances entre sexes et disposant de systèmes de suivi des performances constatent moins de disparités que celles qui n’en disposent pas.

Comprendre les disparités éducatives et leur impact sur les performances académiques

Comprendre les disparités éducatives et leur impact sur les performances académiques est essentiel pour créer des environnements d’apprentissage plus justes. Des recherches récentes indiquent que le milieu socio-économique des élèves influe considérablement sur l’écart de genre : les inégalités sont plus prononcées chez les élèves issus de familles à faible revenu, tandis qu’elles tendent à se réduire avec l’augmentation du revenu familial.

Par ailleurs, les stéréotypes de genre dans les établissements scolaires, souvent décrits comme un «curriculum caché», jouent également un rôle prépondérant. Ces préjugés affectent non seulement la dynamique entre enseignants et élèves, mais aussi les interactions entre les élèves et leurs parents, influençant ainsi la manière dont les élèves perçoivent leurs propres capacités.

Des études révèlent que les attitudes culturelles envers les femmes peuvent également façonner ces écarts. Dans les sociétés où l’égalité des genres est plus avancée, les résultats des filles en mathématiques sont souvent comparables à ceux des garçons et elles les surpassent fréquemment en lecture. Ces résultats soulignent l’influence complexe et entrecroisée des facteurs culturels, socio-économiques et éducatifs sur les disparités de genre dans l’éducation, mettant en évidence la nécessité d’approches éducatives qui prennent en compte ces diverses dimensions pour promouvoir l’équité.

Lire aussi : Education et QI : le Maroc, vilain petit canard du Maghreb

La méthode de décomposition de Blinder-Oaxaca et les disparités de genre en éducation

La méthode de décomposition de Blinder-Oaxaca dévoile des différences entre les performances académiques des filles et des garçons en lecture et en mathématiques. L’analyse révèle que les filles surpassent les garçons en lecture avec une avance notable de près de 30 points, principalement en raison de leurs caractéristiques personnelles et de la manière dont celles-ci sont valorisées. En mathématiques, bien que les garçons détiennent un léger avantage, cette différence n’est pas statistiquement importante.

Les résultats accentuent l’influence prépondérante du milieu familial et socio-économique sur les performances scolaires. Les élèves issus de familles aisées et bien éduquées bénéficient d’un environnement propice à l’apprentissage, tandis que ceux de milieux moins favorisés sont souvent confrontés à des obstacles qui limitent leur préparation et leur performance scolaire. Cette stratification sociale se manifeste clairement dans l’écart de genre observé, avec des disparités importantes en lecture attribuées à des facteurs tels que les retards académiques, la fréquentation de la maternelle, et les conditions domestiques, incluant l’accès à des ressources telles qu’un bureau, des équipements informatiques, Internet et un espace individuel.

L’étude conclut sur la nécessité d’adopter des mesures ciblées pour améliorer l’accès et la qualité de l’éducation, soulignant l’importance d’intervenir tôt pour corriger les retards académiques et fournir un environnement domestique favorable. Ces initiatives sont essentielles pour réduire les écarts de genre persistants dans l’éducation, garantissant ainsi des opportunités équitables pour tous les enfants, indépendamment de leur milieu social ou de leur genre.

Disparités culturelles et défis éducatifs

L’étude révèle aussi des disparités qui varient notablement selon les contextes culturels. Elle démontre que les écarts en lecture sont globaux, tandis que ceux en mathématiques diffèrent d’une région à l’autre, avec des filles surpassant les garçons dans certains pays du Moyen-Orient, à l’inverse d’autres zones géographiques.

Cette recherche met également en évidence des défis au sein du système éducatif marocain, notamment la nécessité de garantir la qualité de l’éducation en plus de promouvoir l’accès universel. Les déficiences, particulièrement dans l’éducation préscolaire et les caractéristiques des infrastructures scolaires et de la formation des enseignants, exigent une attention urgente pour améliorer les standards éducatifs.

En conclusion, cette étude appelle à des politiques éducatives bien ciblées et à des interventions spécifiques pour éradiquer les disparités de genre dans l’éducation au Maroc. Elle insiste de plus sur l’importance de conduire des enquêtes nationales régulières pour une meilleure compréhension et gestion des inégalités éducatives. Les données recueillies devraient orienter les décideurs et les éducateurs dans la mise en œuvre de stratégies assurant des chances égales à tous les étudiants, indépendamment de leur sexe.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Lutte contre la cyberviolence : le Maroc en première ligne

Société - La cyberviolence, dissimulée et dévastatrice, est devenue un enjeu majeur pour les autorités marocaines.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Urgence écologique : sauvetage de la forêt de Bouskoura

Société - L’ANEF a lancé un programme d’urgence pour 2025-2026 visant à préserver la forêt urbaine de Bouskoura, un espace vital pour la métropole de Casablanca.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Al Akhawayn alumni association se digitalise

Société - L’Association des lauréats de l’université Al Akhawayn franchit une étape dans sa modernisation en lançant une plateforme numérique.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

La viande toujours aussi chère sur le marché de gros

Société - La viande bovine est proposée entre 88 et 91 dirhams le kilo, tandis que la viande ovine se situe entre 115 et 120 dirhams le kilo.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

Benguerir primée par l’UNESCO pour ses avancées éducatives

Société - Benguerir a été honorée par l'UNESCO cette année pour ses avancées remarquables en matière d’éducation.

Ilyasse Rhamir - 4 décembre 2024

Adoption du projet de loi organique sur la grève par la Commission

Société - La Commission des secteurs sociaux de la Chambre des représentants a adopté à la majorité, mercredi matin, le projet de loi organique n°97.15 encadrant le droit de grève.

Rédaction LeBrief - 4 décembre 2024

Grève des médecins : Le SIMSP maintient la pression

Société - Le Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public annonce la prolongation de sa grève nationale les 4 et 5 décembre 2024.

Ilyasse Rhamir - 4 décembre 2024

27.500 enfants en situation de handicap ont été scolarisés en 2024 (Naima Ben Yahya)

Société - La ministre de la Solidarité Naima Ben Yahya a annoncé que 19.000 personnes ont bénéficié d’aides techniques et médicales.

Mbaye Gueye - 4 décembre 2024
Voir plus

Le CSPJ rappelle ces magistrats à l’ordre

Société - Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) démontre une volonté affirmée d’instaurer une gouvernance plus intègre.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

DGSN : numérisation des démarches administratives

Société - La DGSN introduit le portail interactif E-Police. Ce projet centralise une variété de services administratifs dans un espace numérique conçu pour tous les citoyens marocains.

Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024

Décès de Aïcha Ech-Chenna : le Maroc perd une grande militante

Société - Aïcha Ech-Chenna s’est engagée, depuis plus de 50 ans, dans le combat pour les droits des mères célibataires.

Khadija Shaqi - 26 septembre 2022

La DGSSI alerte les bénéficiaires de l’aide sociale

Société - Ce faux site incite les utilisateurs à fournir des informations personnelles sensibles, notamment le numéro de la CIN ou de la carte bancaire.

Mbaye Gueye - 4 décembre 2024

L’imam Hassan Iquioussen sera expulsé vers le Maroc

Société - Le Conseil d'État français a tranché, ce mardi 30 août, le litige qui opposait le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l’imam marocain Hassan Iquioussen.

Hajar Toufik - 30 août 2022

Affaire Hassan Iquioussen : l’imam est introuvable

Société - L'imam Hassan Iquioussen, dont le Conseil d'État français a validé l'expulsion, a été inscrit au fichier des personnes recherchées.

Hajar Toufik - 31 août 2022

Santé mentale : une priorité mondiale !

Société - La journée mondiale de la santé mentale est l’occasion de sensibiliser l’opinion publique et les organismes à l'importance de la stabilité psychique.

Khadija Shaqi - 12 octobre 2022

Grève des médecins : Le SIMSP maintient la pression

Société - Le Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public annonce la prolongation de sa grève nationale les 4 et 5 décembre 2024.

Ilyasse Rhamir - 4 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire