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Gaza : de prison à ciel ouvert à charnier

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Un homme âgé se tient au milieu des décombres de sa résidence après des attaques israéliennes à Rafah. © Said Khatib / AFP

Il y a plus de 16 ans que médias, société civile et autres alertent sur la situation catastrophique dans laquelle vit la population dans la bande de Gaza, bien souvent décrite comme prison à ciel ouvert. Avec plus de 18.600 morts, dont plus de 7.000 enfants, il est de dire que ce territoire palestinien occupé est désormais un charnier à ciel ouvert. Un génocide se produit en temps réel sous le regard impuissant de certains et désintéressé de bien d’autres. Un génocide dont les images témoignent sans que rien ne puisse arrêter Israël.

18.608 personnes sont mortes à Gaza. Le nombre de femmes et d’enfants tués par les mois de bombardements et de frappes aériennes de l’armée israélienne a, lui, «dépassé tout ce que nous avons vu lors des conflits récents», a déclaré à Al Jazeera Reem Alsalem, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes et les filles.

«Dans cet enfer, être une femme ou un enfant palestinien signifie en réalité être privé de toute humanité, dignité, sécurité ou de toute considération particulière qui serait habituellement accordée aux femmes ou aux enfants en temps de paix ou de conflit», a-t-elle déclaré.

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Et les pluies hivernales accroissent les inquiétudes quant à la propagation de maladies parmi les milliers de personnes déplacées, qui luttent déjà pour trouver un abri convenable et de la nourriture pour survivre. Près de la moitié de la population de Gaza, soit près de 1,9 million d’habitants, réside désormais dans la région du gouvernorat de Rafah, au sud de Gaza, a déclaré l’agence humanitaire des Nations Unies dans le territoire palestinien occupé.

Gaza : de prison à ciel ouvert à charnier

Des enfants palestiniens font la queue devant une cuisine caritative à Rafah. © Saleh Salem / Reuters

Par ailleurs, plus de 50.594 personnes ont été blessées tandis que plus de 4.400 personnes ont été détenues par l’armée israélienne depuis le 7 octobre à Hébron, Tubas, Bethléem, Al-Qods Est, Naplouse et Ramallah.

Le niveau de destruction dans le territoire palestinien est, lui, apocalyptique. Le chef de la diplomatie européenne, Joseph Borell, estime que celui-ci est supérieur à celui de l’Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale. «Malheureusement, le niveau de destruction des immeubles à Gaza est plus ou moins, voire supérieur aux destructions dont ont souffert les villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale», a-t-il déploré à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles.

«Un massacre de type exécution»

«Ils ont tous été tués, exécutés sous la menace d’une arme». Dans des témoignages exclusifs obtenus par Al Jazeera et relayés le 13 décembre, des témoins décrivent les scènes horribles de femmes, d’enfants et de bébés tués lors d’exécutions alors qu’ils s’abritaient à l’intérieur de l’école Shadia Abu Ghazala, dans la région d’al-Faluja, à l’ouest du camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza.

«Les soldats israéliens sont entrés et ont ouvert le feu sur eux», a déclaré au média une femme présente sur les lieux. «Ils ont emmené tous les hommes, puis sont entrés dans les salles de classe et ont ouvert le feu sur une femme et tous les enfants qui l’accompagnaient».

L’État hébreu continue de prendre pour cible les écoles et les hôpitaux, où trouvent refuge des dizaines de milliers de Palestiniens déplacés par la brutale campagne aérienne et terrestre israélienne. La Fédération internationale pour les droits humains affirme que «les Palestinien(ne)s subissent une tragédie constante, permanente, aussi inimaginable qu’intentionnelle». L’organisation appelle à la fin «du génocide en cours à Gaza» et précise que «les États et les individus qui fournissent une assistance à Israël en sont complices».

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Le Conseil pour les relations islamiques américaines (CAIR) a exprimé sa profonde inquiétude face à la situation, exhortant l’administration Biden à répondre aux informations faisant état d’un «massacre de type exécution». Le Conseil a, en outre, souligné que «l’apparente exécution de civils par Israël est similaire à l’exécution signalée de civils palestiniens blessés et non armés en Cisjordanie».

Dans un communiqué, le directeur national des communications du CAIR, Ibrahim Hooper, a déclaré : «Parce que l’administration Biden est presque seule sur la scène mondiale à défendre et à permettre la campagne de nettoyage ethnique et de génocide du gouvernement d’extrême droite israélien à Gaza, les responsables de l’administration doivent répondre au massacre sous forme d’exécutions de femmes, d’enfants et de bébés cherchant refuge dans une école à Gaza».

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Le directeur a également souligné l’opposition américaine aux efforts visant à garantir un cessez-le-feu pour mettre fin à l’agression israélienne. Cela s’est reflété mardi lorsque les États-Unis ont de nouveau voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies appelant à un cessez-le-feu à Gaza.

Dans un événement sans précédent, le personnel de l’administration américaine a organisé une veillée devant la Maison Blanche appelant le président Joe Biden à exiger un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Chacune de ces personnes risque son emploi et, peut-être, sa carrière, eu égard aux enjeux de ce moment.

Aussi, au moins 100 membres du personnel du Département américain de la Sécurité intérieure ont signé une lettre ouverte dénonçant la manière dont le département a géré la guerre à Gaza. Le mois dernier, plus de 500 responsables de 40 agences gouvernementales ont publié une lettre anonyme poussant Biden à appeler à un cessez-le-feu immédiat. Une autre lettre, signée par 1.000 employés de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), exprimait un appel similaire.

Israël documente ses propres crimes de guerre

«Exterminez les cafards, exterminez les rats du Hamas. Partagez cette beauté». Mardi 12 décembre, le journal hébreu Haaretz a révélé que l’unité militaire responsable des opérations de guerre psychologique de l’armée israélienne serait à l’origine d’un compte sur le réseau social Telegram appelé cyniquement ‘‘72 Virgins – Uncensored’’ (traduisez, ‘‘72 vierges – Sans censure’’ par allusion aux 72 houris promises à chaque musulman au paradis), qui a publié plus de 700 photos et vidéos de meurtres et de destructions perpétrés dans la bande de Gaza et encourage ses 5.300 abonnés à partager le contenu afin que «afin que tout le monde voit que nous sommes en train d’en finir avec eux».

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L’armée israélienne a nié exploiter la chaîne. «S’il y avait un lien entre des soldats ou d’autres parties liées à Tsahal avec la page ou son fonctionnement, cela a été fait sans approbation et sans autorisation». Cependant, un haut responsable militaire, sous couvert d’anonymat, a confirmé à Haaretz que l’armée était responsable de son exploitation.

Des soldats israéliens traînant le corps d’un combattant présumé du Hamas, un véhicule israélien roulant à plusieurs reprises sur le corps d’un autre combattant… Chaque soir depuis le 9 octobre, la chaîne publie un résumé quotidien comprenant plusieurs mises à jour de Tsahal sur l’opération à Gaza, avec la promesse d’images et de vidéos exclusives. Sans retenue ni censure, les images violentes sont accompagnées de textes abjects.

Sur le post daté du 11 octobre, on pouvait lire par exemple : «Brûler leur mère… Vous n’en croirez pas la vidéo que nous avons reçue ! Vous pouvez entendre le craquement de leurs os. Nous la mettrons en ligne tout de suite, préparez-vous». Ce n’est pas la première fois qu’une opération de guerre psychologique de Tsahal visant un public israélien est révélée.

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Ce qui est capital dans cette histoire c’est de constater que les Israéliens ont eux-mêmes documenté leurs crimes de guerre. C’est dire le sentiment d’impunité totale qui les anime et qui leur permet de commettre de telles «imprudences». «Cet État voyou implanté par l’Occident au cœur du Moyen-Orient par la force des armes se sentirait-il au-dessus des lois imposées aux autres États du monde ?», s’interrogent certains.

«Si je dois mourir»

Dans la nuit du 6 au 7 décembre, une figure de la nouvelle garde des auteurs palestiniens a été tuée dans une frappe israélienne : Refaat Alareer, professeur de littérature à l’Université islamique de Gaza avait refusé de quitter le Nord de la bande, épicentre des combats. Il avait 44 ans. Son frère, sa sœur et quatre de ses neveux ont également péri.

«Toute la famille lui avait demandé de partir, car c’était très dangereux, mais il répondait toujours: «je suis seulement un universitaire, un civil, chez moi. Je ne partirai pas»», avait confié un proche présent à ses funérailles.

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Le poète était surtout l’un des chefs de file d’une jeune génération d’auteurs de l’enclave palestinienne qui avaient choisi d’écrire en anglais plutôt qu’en arabe pour permettre à leurs textes de franchir les frontières. Il avait notamment participé à la création de l’association We are not numbers (traduisez, «Nous ne sommes pas des chiffres»), fondée en 2014 afin de donner naissance à «une nouvelle génération d’écrivains et de penseurs palestiniens à même de faire changer profondément la cause palestinienne».

Dans une funeste prémonition, il avait publié, il y a un peu plus d’un mois, un poème de quelques vers sur son compte X (anciennement Twitter). «If I must die» (traduisez, «Si je dois mourir»), s’achevait sur ces mots : «Que cela apporte de l’espoir, que cela soit un conte».

Voici la traduction intégrale du poème :

Si je dois mourir,
tu dois vivre
pour raconter mon histoire
pour vendre ce qui m’appartient
pour acheter un morceau de tissu
et quelques ficelles
rends-le blanc avec une longue traîne
pour qu’un enfant, quelque part à Gaza
tout en regardant le paradis dans les yeux
attendant son père parti en flammes –
sans dire adieu à personne
pas même à sa chair
pas même à lui-même –
voit le cerf-volant, mon cerf-volant que tu as fait, voler haut
et pense, le temps d’un instant, qu’un ange est là
pour ramener l’amour.

Si je dois mourir,
que cela apporte de l’espoir,
que cela soit un conte.

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