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Gaza aura mis à nu l’essence de l’Homme et l’«intégrité» journalistique

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Une Palestinienne réagit au milieu des décombres d'un bâtiment après une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en octobre. © AFP

Il est des moments où les mots manquent. Le «massacre», n’en déplaise à certains, qui s’est produit hier soir dans un hôpital de Gaza, en est un. Que dire devant un tel niveau d’horreur ? Cette attaque marquera une nouvelle étape dans le conflit qui oppose le Hamas à Israël depuis le 7 octobre. Quitte à perdre la vie, les Palestiniens de Gaza auront mis à nu la nature humaine et exposé la presse partisane d’un fragment de réalité.

L’heure n’est plus à l’objectivité. Car même la guerre «devrait avoir» ses codes. Ce qui s’est passé hier soir à Gaza mérite désormais d’être qualifié tel qu’il est réellement : un génocide. «Israël a le droit de se défendre», disaient les alliés. Mais à quel moment dirons-nous que l’État hébreu a obtenu réparation ?

Aujourd’hui, nous déplorons le décès de plus de 3.000 Palestiniens, dont 724 enfants, selon le bilan du 17 octobre. 500 sont morts dans la seule soirée d’hier. Le nombre des membres du Hamas tués dans cette riposte israélienne est lui inconnu.

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Pour l’heure, aucun moyen pour les survivants d’assurer leur destin pour longtemps : le poste frontalier à Rafah est toujours fermé, il a même été bombardé lundi. Et maintenant qu’aucun endroit à Gaza n’est sûr : pas même les hôpitaux ou les écoles de l’UNRWA, pourtant protégés par le droit international, les Palestiniens sont-ils face à leur fatalité ?

L’hôpital, un havre de paix

C’est peut-être la première fois dans l’histoire récente que l’on assiste à pareille conférence de presse. Le directeur de l’hôpital Al-Ahli Baptist, seul hôpital chrétien de la bande de Gaza, et quelques-uns de ses collègues se tiennent au milieu de dizaines de corps enveloppés dans le linceul. Il affirme alors qu’Israël leur avait dit : «Nous vous avons prévenu hier avec deux bombes. Pourquoi n’avez-vous pas évacué l’hôpital jusqu’à ce moment ?»

Si d’habitude la rigueur journalistique suppose se conformer à une éthique : une déontologie qui veut que l’on se doit de respecter la dignité des morts, la vie privée des victimes, beaucoup ont jugé nécessaire de relayer les images telles qu’elles sont. Je les rejoins dans cette idée, car face au manquement de certains médias, la propagande à l’œuvre, la brutalité des images serait peut-être le seul moyen que la vérité prévale.

Lire aussi : Frappe sur un hôpital de Gaza : Israël est responsable, selon ses partenaires arabes

Quelques minutes après le bombardement du centre hospitalier, la propagande sioniste était à l’œuvre : ce serait un tir raté du Hamas ou peut-être du Jihad islamique qui serait à l’origine du bombardement. «D’après des informations des services de renseignements, basées sur plusieurs sources que nous avons obtenues, le Jihad islamique est responsable du tir de roquette raté qui a touché l’hôpital», a affirmé l’armée israélienne dans un communiqué. Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a également déclaré que le Jihad islamique était responsable de l’attaque de l’hôpital de Gaza. Information également reprise aujourd’hui par Joe Biden, actuellement en « visite de solidarité » avec Israël.

L’information a rapidement été relayée par les médias ou simplement ceux qui voulaient fortement y croire. Le bureau média du Hamas a dénoncé «un nouveau crime de guerre de l’occupation (Israël, NDLR)» et indiqué que «des centaines de patients, de blessés et de déplacés» se trouvaient dans l’établissement. Près de 4.000 personnes y avaient trouvé refuge pour échapper aux attaques de Tsahal.

«Les preuves, que nous partageons avec vous tous, confirment que l’explosion dans un hôpital de Gaza a été causée par le tir d’une roquette du Jihad islamique ayant échoué», a affirmé ce mercredi même le porte-parole militaire Daniel Hagari lors d’une conférence de presse. «Cette analyse professionnelle est basée sur des renseignements, des systèmes opérationnels et des images aériennes, qui ont tous été recoupés», a-t-il déclaré.

Et pour soutenir sa thèse, l’armée israélienne a dévoilé un enregistrement audio attribué à deux membres du Hamas qui attribuent la frappe sur l’hôpital de Gaza au Jihad islamique. «Selon nos renseignements, le Hamas a vérifié les rapports et a compris qu’il s’agissait d’une erreur de tir du Djihad islamique palestinien, puis a lancé une campagne médiatique mondiale en gonflant le nombre de victimes», a expliqué le porte-parole.

Dans la précipitation, certains journalistes ont eux-mêmes relayé de fausses informations, présentant une vidéo datant de 2022 comme celle qui atteste du bombardement par le mouvement de l’hôpital en question. «Comme d’habitude, l’ennemi sioniste tente, par la fabrication de mensonges, de se soustraire à sa responsabilité dans le massacre brutal qu’il a commis en bombardant l’hôpital et pointant le doigt vers le Jihad islamique», a déclaré le mouvement dans un communiqué.

Où est la vérité ?

Selon le mouvement, l’hôpital avait été sommé par Israël d’évacuer sous la menace d’un bombardement, et c’est une bombe larguée par un avion de l’armée israélienne qui a causé la tragédie. Et de sources concordantes, le staff médical affirme avoir reçu l’ordre d’évacuer l’établissement.

Lire aussi : Dans la poudrière du monde : Gaza, le Hamas et Israël

Pour l’ambassadeur palestinien auprès de l’ONU, Riyad Mansour, outré, Netanyahu est un menteur. «C’est un menteur. Son porte-parole numérique a tweeté qu’Israël avait frappé en pensant qu’il y avait une base du Hamas autour de cet hôpital, puis il a supprimé ce tweet. Nous avons une copie de ce tweet. Maintenant, ils ont changé la donne pour essayer de rejeter la faute sur les Palestiniens. Le porte-parole israélien de l’armée a fait une déclaration dans laquelle il a déclaré qu’il fallait évacuer les hôpitaux… Leur intention est d’évacuer, sinon les hôpitaux seront touchés. Ils sont responsables de ce crime et ils ne peuvent pas inventer d’histoires pour y faire face», a-t-il déclaré à la presse.

Selon l’analyse de quelques observateurs, se basant sur le peu d’informations dont ils disposent, il ressort ce qui suit :

  • L’explosion était très importante pour une roquette du Hamas ;
  • Il n’y a pas eu d’explosion secondaire, ce qui signifie qu’il ne s’agissait pas d’un site d’armes. L’armée israélienne répète depuis le début que le mouvement se saisit des infrastructures comme les hôpitaux, les écoles ou encore les mosquées comme des arrière-bases pour stocker leur armement et utiliser les civils comme boucliers humains ;
  • Le rendement de l’explosion est similaire à celui des munitions de Tsahal, ce qui rend peu probable qu’il s’agisse du Hamas.

Lire aussi : Gaza : le long chemin vers la liberté

Cet épisode n’est pas sans rappeler la mort de la journaliste Shireen Abu Akleh, tuée le 11 mai 2022. Il aura fallu une année pour qu’Israël admette sa responsabilité. «Pour être très clair : l’armée israélienne n’a pas reconnu ni présenté d’excuses pour le meurtre de Shireen. Pour nous, nous ne considérons pas cela comme des excuses», avait alors déclaré la sœur de la défunte, Lina Abu Akleh. «Honnêtement, c’est une gifle à l’héritage de Shireen et à notre famille. Des excuses – ce qui n’était pas le cas – ne constituent pas une responsabilité», s’était-elle indignée.

La crédibilité israélienne remise en question, voilà ce que le porte-parole israélien a livré comme réponse :

Jusqu’au dernier souffle

Depuis l’appel de l’État hébreu à évacuer la bande de Gaza, beaucoup ont fui, sans avoir réellement quelque part où aller. Et beaucoup se sont dits déterminés à rester. En première ligne : les médecins.

Ce n’est pas une histoire récente, le Palestinien est connu pour son attache à son territoire. Très peu de circonstances les feront déplacer : l’Histoire aura raconté les deux Nakba durant lesquelles plus d’un million de Palestiniens ont été chassés de leur terre. Cette fois-ci, résignés, ils promettent de ne quitter pas Gaza tant qu’ils seront en vie.

Non, l’heure n’est plus à l’objectivité journalistique. Car rien, absolument rien, ne peut justifier un génocide. Pendant que certains débattront si l’on se doit de qualifier le Hamas comme organisation terroriste ou non, la terreur, elle, est en train de se produire sous nos regards effacés. Il semble désormais certain que «personne ne peut faire la morale» à Israël.

La Russie et les Émirats arabes unis ont appelé quelques heures après le bombardement de l’hôpital à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité qui devrait se tenir aujourd’hui. Dans quelques instants, nous saurons qui se tiendra du bon côté de l’Histoire.

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