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France : la terre d’accueil n’est plus

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Image d’illustration. © DR

Les conditions d’immigration, de séjour et d’obtention de la nationalité en France seront désormais durcies. Après un vote favorable du Sénat, l’Assemblée nationale a approuvé mardi dernier la loi sur l’immigration, au grand bonheur de l’extrême droite, au grand dam des macronistes. Le Royaume, deuxième pays dont sont issus les immigrés sur le sol français, risque d’être directement impacté par de telles mesures qui, jusqu’à ce que le texte soit promulgué par Macron, peuvent encore être retoquées par les Sages.

Le Parlement français a approuvé mardi 19 décembre la loi sur l’immigration, un texte soutenu par le Rassemblement national (RN), suscitant des réactions controversées. Une victoire parlementaire pour Emmanuel Macron, commentent certains médias français. Ses conséquences politiques elles risquent de peser lourd. Une profonde fracture s’ouvre au sein de la majorité, une partie s’étant détournée du texte à la dernière minute.

Pour le parti de Marine Le Pen, c’est une «incontestable victoire idéologique du RN». La gauche crie à la «compromission» avec l’extrême droite. ONG et syndicats dénoncent un texte, qui est selon eux «le plus régressif depuis 40 ans». C’est en effet pour les commentateurs de gauche, «le vote de la honte». Plusieurs dispositions pourraient, cependant, être retoquées par les Sages et disparaître du texte avant qu’il ne soit promulgué par Emmanuel Macron.

Le projet de loi, promis par le président français durant sa campagne de 2022 et voté par 349 députés (186 contre), durcit de fait les conditions d’immigration dans le but d’«améliorer l’intégration». Travailleurs sans-papiers, étudiants étrangers, résidents non-européens, demandeurs de regroupement familial, … ils sont 7 millions d’immigrés [selon les données 2022 de l’Insee] à être concernés par cette mesure.

La France, encore une terre d’accueil ?

Jeu de miroir ou jeu de dupes dans une France qui se droitise ? © Damien GLEZ

En 2022, près de la moitié (48,2%) des immigrés vivant en France étaient nés sur le continent africain. L’Algérie et le Maroc sont les principaux pays. Plus que cela, le Royaume est le pays le plus concerné par cette nouvelle loi au vu du nombre important d’étudiants marocains qui poursuivent (ou souhaitent poursuivre) leur parcours universitaire dans l’Hexagone. En 2021, près de 50.000 ressortissants marocains étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur français (avec une hausse de 22% depuis 2016).

«Sur le fond, ce projet de loi ne se distingue pas beaucoup des 29 lois déjà adoptées sur le sujet depuis 1980. Mais il propose un tour de vis supplémentaire tout en cherchant à combler la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, avec l’éventuelle régularisation de certains travailleurs sans-papiers», écrit le média Slate. Et de poursuivre que cette loi ne va sans doute pas affecter les flux migratoires, et résoudra encore moins «les problèmes» posés par l’immigration, ou apaiser les débats sur le sujet.

Quelles sont donc les mesures phares du texte ?

Lire aussi : Meurtre de Thomas : en France, l’immigration et la religion pointées du doigt

Caution étudiants

Avec l’adoption de la loi immigration, en s’installant en France, les étudiants étrangers (sauf dans certains cas particuliers) vont devoir payer une caution «de retour», visant à couvrir le coût d’éventuels «frais d’éloignement», et seront soumis à des quotas. Interrogée sur le montant qui sera demandé par la France pour cette caution, Élisabeth Borne a évoqué la possibilité d’une somme de seulement «10 ou 20 euros», précisant rapidement que la somme sera «renvoyée à un texte réglementaire».

Une victoire pour la droite alors que les macronistes avaient pourtant combattu cette mesure constituant à leurs yeux «une rupture d’égalité» entre étudiants et risquant de fragiliser les étudiants internationaux. «La question qui peut se poser pour une caution fixée par décret est qu’aujourd’hui un gouvernement peut décider qu’elle soit modique» et un autre pourra «décider qu’elle soit à 12.000 ou 13.000 euros», a reproché Dean Lewis, président de l’université de Bordeaux.

Lire aussi : Universités françaises : forte opposition à la nouvelle loi sur l’immigration

Pour venir en France, la réglementation actuelle stipule qu’un étudiant étranger hors-UE doit disposer d’au moins 615 euros par mois, soit plus de 7.000 euros par an sur son compte bancaire, sauf exceptions (convention particulière, bourse du gouvernement français, accord de réciprocité entre le pays d’origine et la France…). Une somme qui n’est pas à proprement parler une caution, mais qui fait office de courrier bancaire transmis aux autorités et qui atteste que l’étudiant dispose des ressources nécessaires.

Pour s’inscrire à un cursus public en France, les étudiants extracommunautaires doivent par ailleurs s’acquitter de frais d’inscription plus élevés que les étudiants français : 2.770 euros pour une licence et 3.770 euros pour un master, contre 170 et 243 euros pour les Français et Européens.

Quotas migratoires et déchéance de nationalité

Le texte instaure par ailleurs des «quotas» fixés par le Parlement pour plafonner «pour les trois années à venir» le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile). Concrètement, un nombre précis de titres de séjour serait fixé, sans possibilité de dépasser la limite.

La mesure, considérée comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel, pourrait bien faire partie des mesures que le Conseil constitutionnel se charge de retoquer.

Lire aussi : Consolidation des liens sécuritaires entre le Maroc et la France à Rabat

Mais cette mesure pose problème, car elle pourrait bien aller contre la séparation des pouvoirs, voire d’être source d’une éventuelle «discrimination» entre deux étrangers qui, à dossier équivalent, pourrait se voir attribuer ou non un titre de séjour suivant le moment où se fera leur demande et si le quota fixé est atteint ou non.

Par ailleurs, en cas de condamnation pour crimes, toute naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendrait impossible. Les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l’autorité publique se verront eux, déchu de leur nationalité.

Écouter aussi : Où en est la menace terroriste en France ?

Concernant le droit du sol, elle a concédé la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : il faudra désormais que l’étranger en fasse la demande entre ses 16 et 18 ans.

De plus, la mesure «délit de séjour irrégulier» assortie d’une peine d’amende sans emprisonnement, a été retenue.

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Travailleurs sans-papiers

La majorité s’est résignée à une version plus restrictive que celle du projet de loi initial, en donnant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension, au moment même où les débats se font plus intenses à l’approche des Jeux Olympiques Paris 2024.

Une série de témoignages recueillis par L’Usine Nouvelle auprès de travailleurs sans papiers dans le secteur des déchets, de la logistique, de la fonderie et du BTP le montre effectivement très clairement : l’économie, et l’industrie en particulier, ne pourraient pas tourner sans cette main-d’œuvre de l’ombre.

Lire aussi : JO Paris 2024 : des travailleurs exploités sur des chantiers «exemplaires»

Le texte finalement adopté crée bien un titre de séjour spécifique pour les travailleurs sans-papiers occupant des métiers en tension. Mais il en durcit les conditions d’obtention, en exigeant 12 mois de travail dans un métier en tension au cours des 24 derniers mois au lieu des 8 prévus à l’origine par le gouvernement. La condition de trois ans de résidence en France exigée dans le projet initial est maintenue.

Toutefois, ce titre de séjour ne sera pas attribué automatiquement, «de plein droit», quand le travailleur étranger remplira ces conditions. Il sera délivré «au cas par cas» par les préfets, qui auront toute latitude pour juger si le candidat satisfait à d’autres conditions (vérifications de la réalité du travail, niveau d’intégration à la société française, casier judiciaire vierge…).

Le camp présidentiel n’a eu gain de cause que sur un point : la possibilité pour un travailleur sans-papiers de demander ce titre de séjour sans le document que doit actuellement remplir leur employeur, le fameux «Cerfa». Un document que les employeurs n’osent pas fournir, par peur d’être poursuivis pour avoir employé un travailleur en situation irrégulière.

Cette «expérimentation» ne devrait cependant s’appliquer qu’à partir de fin 2026.

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