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Des douars évacués, des familles déplacées, des routes coupées, des villes menacées, des milliers d’hectares (ha) partis en fumée… Les derniers feux de forêts enregistrés au Nord du Maroc, éteints pour la plupart ou désormais sous contrôle pour le reste, ont prouvé que notre pays est sous une menace grandissante. Même la Ceinture verte de Rabat, poumon de la capitale, n’a pas été épargnée avec un départ de feu dans des herbes sèches, fort heureusement rapidement maîtrisé.
Jusqu’à présent, l’origine des incendies n’a pas été déterminée. Si le temps caniculaire peut avoir accentué la progression des flammes, même s’il n’est pas comparable au pic de température enregistré en Espagne avec plus de 500 morts recensés, l’acte « criminel » n’est pas à exclure dans le départ des incendies dans les provinces de Taza, Ouezzane, Chefchaouen, Tétouan et Larache. La pyromanie n’est pas un trouble mental très répandu dans la société marocaine mais les comportements irresponsables des citoyens sont très fréquents quand ces derniers profitent des espaces forestiers surtout que les feux de forêts ont été déclenchés juste après Aïd Al-Adha (fête du sacrifice) avec ses barbecues à l’occasion des pique-niques familiaux.
D’importants dégâts
Ces incendies de forêts, déclarés dans le Nord du Royaume depuis le 13 juillet, ont coûté la vie à une personne dont le corps a été retrouvé avec de multiples brûlures dans l’un des foyers de feu près de Larache. Plus de 5.000 villageois ont été contraints de quitter leurs maisons dont près de 200 ont été carbonisées. Les flammes ont ravagé environ 9.200 ha de couvert forestier, surtout de chênes et conifères. Elles ont également touché des zones d’arbres fruitiers et détruit de nombreuses ruches traditionnelles et modernes qui se trouvent dans les forêts brûlées. Un désastre, mais dont l’étendue a été limitée grâce aux efforts déployés par les équipes d’intervention.
Plus de 2.000 personnes se sont relayées jour et nuit pour contenir les feux. Il s’agit des éléments des Eaux et forêts, de la Protection civile, des Forces armées royales (FAR), de la Gendarmerie royale, des Forces auxiliaires (FA), appuyés par les fonctionnaires du ministère de l’Equipement, les employés de la Promotion nationale et des volontaires de la population locale. Leur mobilisation, à l’aide d’équipements et d’engins appropriés, ainsi que celle des bombardiers d’eau, a permis de maitriser tous les foyers d’incendie éclatés dans les cinq provinces. Mais il a tout de même fallu une semaine pour éteindre l’ensemble des incendies. Cela prouve qu’il existe une grande défaillance au niveau de l’exécution du programme de gestion intégrée des risques de catastrophes et de la capacité à les affronter. Il est vrai que les équipes d’intervention ont réussi à maitriser les flammes attisées par les températures élevées et les rafales de vents violentes. Il faut dire qu’en plus des températures élevées approchant les 45 degrés Celsius, la sécheresse et le stress hydrique que subit notre pays cette année ont favorisé la propagation de ces feux de forêts.
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Le climat pointé du doigt
Les précipitations printanières ont favorisé la production de la biomasse combustible et facilement inflammable, ce qui a multiplié par quatre les départs de feu cette année. Les incendies géants qui se sont déclenchés quasi simultanément dans cinq zones distinctes ont surpris par leur ampleur et leur intensité. On peut carrément parler de « mégafeux » puisqu’il s’agit d’incendies hors-norme de par leur taille (10.560 ha au total), leur durée (7 jours) et leur comportement extrême : violence, foyers multiples et mise en péril des biens et des personnes. Selon les experts, ces « mégafeux » seraient exacerbés par le changement climatique et peuvent constituer un cercle vicieux qui accélère le réchauffement de la planète. Et puis, ces feux de forêt conduisent à une déforestation intense.
Les chercheurs préconisent dans ce sens un reboisement intensif mais aussi d’opérer une migration assistée des plantes résistantes aux incendies vers les zones à haut risque. Parce qu’il faut se rendre à l’évidence, l’écosystème forestier a besoin de plusieurs années pour se reconstituer.
Les nouvelles technologies doivent aussi permettre de lutter intelligemment contre les incendies. L’utilisation du supercalculateur installé au Centre national de gestion des risques climatiques forestiers (CRCF) à Rabat pour prédire les départs de feu, ainsi que les drones DJI 300 RTK pour collecter des informations en temps réel sur l’évolution des incendies, a d’ailleurs aidé les équipes terrestres et aériennes à procéder à des actions plus ciblées.
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Le Nord plus exposé aux feux de forêt
Entre 1960 et 2019, 17.711 départs de feu ont été recensés sur une surface totale de près de 178.773 ha. Historiquement, les pics ont été enregistrés durant deux années de faible pluviométrie, en 1983 et 2004 avec respectivement 11.000 et 8.660 ha de surfaces ravagés par les flammes. La répartition spatiale et temporelle de ces incendies est assez marquée. La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma reste la plus exposée avec près de 170 incendies et 1.600 ha endommagés annuellement. Cette année, malheureusement, le record absolu a été battu en 7 jours avec 10.560 ha brûlés. Quant au processus de réhabilitation des zones brûlées, il comporte une série d’actions immédiates visant à protéger le sol de l’érosion et la mise en défens de la surface brûlée. Sur le long terme, en fonction des conditions naturelles et socio-économiques, les spécialistes peuvent laisser le couvert forestier se reconstituer par une régénération naturelle (par rejets de souches, drageons ou semis) ou bien procéder à une régénération artificielle (plantation de végétaux en pépinière), comme constaté dans la forêt de Mediouna dans les environs de Tanger il y a quelques années.
Aussi, pour la première fois, le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts a annoncé la mise en place d’une cellule au niveau central et de cellules locales pour assurer le suivi de la situation des incendies de forêt et évaluer leur l’impact. Le Département dirigé par Mohamed Sadiki entend atténuer l’impact des incendies sur l’activité agricole et venir en aide aux populations concernées. «L’objectif est d’identifier les mesures urgentes à actionner en faveur de la population et de réaliser des projets de développement et de réhabilitation des écosystèmes affectés, dans le cadre d’un programme gouvernemental global», souligne le ministère.
290 MDH mobilisés pour atténuer l’impact des récents incendies
Sur directives royales, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé, vendredi à Rabat, la cérémonie de signature d’une convention cadre pour la mise en œuvre d’une série de mesures urgentes visant à atténuer l’impact des récents incendies sur l’activité agricole et les forêts, et à apporter un soutien aux populations locales touchées, d’un coût de 290 millions de DH (MDH).
Plusieurs ministres, walis et présidents des deux régions touchées ont signé cette convention. Concrètement, cet argent servira à la réfection des habitations touchées qui ont été recensées par les autorités publiques, à lancer des opérations de reforestation sur quelque 9.330 hectares et à la remise en valeur des arbres fruitiers touchés. Il s’agit également « de renforcer les moyens de prévention et de lutte contre de nouveaux incendies et d’atténuer l’impact sur les éleveurs de bétail et les apiculteurs dans les régions touchées, tout en poursuivant la mise en œuvre des projets de développement économique intégrés dans les zones touchées », précise le communiqué du gouvernement. Plus encore, 1.000 opportunités d’emploi supplémentaires seront créées dans la Région de Tanger-Tétouan- Al Hoceima, dédiées aux personnes touchées et aux membres de leurs familles pour travailler dans les chantiers du programme Awrach.
Un programme d’action pour la prévention et la lutte contre les incendies de forêt
Au-delà de ce soutien exceptionnel, une enveloppe de 150 millions MDH est mobilisée annuellement pour le Programme d’action pour la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Il ne s’agit pas uniquement de prédire et d’éteindre les incendies mais de prévenir ces feux en intensifiant la sylviculture à travers l’entretien et le reboisement de 18.000 ha situés dans les zones à moyen et haut risques. L’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF) veille aussi à ouvrir des tranchées pare-feu et des pistes qui permettront aux équipes de secours d’agir plus facilement en cas d’incendie. On parle aussi de construire des postes vigies pour les guetteurs d’incendies. Tous ces éléments permettront de détecter les feux naissants et de les contenir rapidement. Enfin, le volet communication n’est pas en reste. L’ANEF lance régulièrement des campagnes médiatiques de sensibilisation des citoyens quant aux effets dévastateurs des feux de forêt et à l’importance de sauvegarde ce patrimoine, pilier du développement durable.
Il va sans dire qu’en plus de l’effet dévastateur des feux de forêts sur la faune et la flore, leur impact socio-économique n’est pas non plus négligeable. La forêt constitue une source de subsistance pour les habitants du monde rural. Les forêts sont d’ailleurs au cœur du développement durable. Les autorités, comme les citoyens, doivent prendre conscience de leur importance et préserver ce patrimoine qu’on est censé transmettre aux générations futures. N’est-ce pas Aziz Akhannouch, du temps du gouvernement El Otmani, qui avait présenté la nouvelle stratégie nationale de développement du domaine forestier ‘‘Forêts du Maroc 2020-2030’’, lancée par le roi, le 13 février 2020 ? Pour rappel, cette nouvelle stratégie vise à rattraper 30 ans de dégradations des espaces forestiers nationaux, dont la superficie est estimée à neuf millions d’hectares avec le repeuplement, à l’horizon de 2030, de 133.000 ha de forêts en commençant par le reboisement de 50.000 ha chaque année. Aujourd’hui, on est loin du compte.
Moyens matériels de lutte contre les incendies
– Un supercalculateur (IA) d’un térabyte pour prédire les départs de feu ;
– Des drones DJI 300 RTK pour collecter des informations en temps réel sur l’évolution des incendies ;
– Une centaine de véhicules de premières interventions (VPI) répartis sur les différentes régions ;
– 5 avions bombardiers d’eau (Canadair) avec une capacité de 5 tonnes chacun et 3 autres commandés dont 1 livré cet été ;
– 10 aéronefs Ayres Turbo Thrush avec une capacité de 3 tonnes chacun ;
– 20 ULM Tornado ;
– Avions C-130 des FAR pour l’application des produits retardant l’extension des foyers d’incendie ;
– Appel aux interventions des pays voisins dans le cadre de la coopération internationale dans le cas d’incendie de niveau 4.
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