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Faillites d’entreprises : « les derniers chiffres publiés ne reflètent pas la réalité » (Abdellah El Fergui)

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Abdellah El Fergui, président fondateur de la Confédération marocaine des TPE-PME DR

Le récent rapport de l’Observatoire marocain des TPME révèle l’état alarmant par lequel passent les sociétés marocaines. 10.905 entreprises ont fermé au Maroc en 2023, contre 9.740 en 2022, marquant une hausse de 12%. À noter que 39,8% des entreprises fermées avaient moins de cinq ans d’existence, signe de leur vulnérabilité face aux crises.

Le secteur le plus concerné par ce phénomène est le commerce et la réparation d’automobiles et de motocycles (32,4%), suivi du secteur de la construction (18,4%). La région de Casablanca-Settat est la plus touchée avec un taux de 30,7% de fermeture, suivie de Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi.

Cependant, chaque phénomène économique a son explication. Pour Abdellah El Fergui, président fondateur de la Confédération marocaine des TPE-PME, « les derniers chiffres publiés sur les faillites d’entreprises ne reflètent pas la réalité, car ils ne prennent en compte que les faillites des entreprises personnes morales, c’est-à-dire des sociétés« . En 2023, les faillites, tant des entreprises personnelles morales que physiques, ont dépassées les 33.000. Pour 2024, ce chiffre devrait dépasser les 40.000, dont 99% sont des TPE (Très Petites Entreprises), appréhende-t-il.

LeBrief : On observe que la plupart des entreprises fermées existent depuis moins de 5 ans, quelles sont les raisons qui expliquent ce phénomène ?

Abdellah El Fergui: Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Les jeunes entreprises font souvent face à des défis tels que des difficultés d’accès au financement, des difficultés d’accès aux commandes publiques, une concurrence intense, le manque d’expérience et des problèmes de gestion. De plus, l’absence d’une stratégie commerciale solide et les fluctuations économiques peuvent également contribuer à leur fermeture. Sans oublier le climat général des affaires au Maroc qui favorise les intérêts des grandes entreprises au détriment des petites et jeunes entreprises.

En plus, la plupart des jeunes croient aux messages véhiculés par l’état sur les subventions octroyées aux TPE-PME. Je reçois de plus en plus de messages et coups de téléphones de jeunes entrepreneurs qui me demandent comment ils peuvent bénéficier de l’aide de l’état destinée aux TPME. Le type de message que je revois : «Je viens de créer mon entreprise et je veux bénéficier des aides de l’état destinées aux Très Petites, Petites et Moyennes Entreprises» alors qu’il n’y a ni aide ni subventions.

LeBrief : Pourquoi le secteur le plus impacté par cette fermeture est le commerce et la réparation d’automobiles et de motocycles ?

Abdellah El Fergui: Plusieurs secteurs comme les cafés restaurants, les sociétés de bâtiments, le commerce, les services, etc sont particulièrement touchés en raison de l’augmentation des prix, de la concurrence accrue, de la saturation du marché et de la concurrence déloyale du secteur informel. De plus, les fluctuations de la demande, les changements dans les comportements des consommateurs et les impacts économiques récents ont exacerbé les difficultés. Les TPE de ces secteurs peuvent également être plus vulnérables aux crises économiques causées par le Covid-19, la sécheresse, l’inflation et l’absence d’incitations fiscales.

Lire aussi: 40.000 entreprises risquent de disparaître en 2024

LeBrief : Comment l’affaire «Les jeunes maçons» a-t-elle impacté le secteur de la construction ?

Abdellah El Fergui: Cette affaire a révélé les problèmes rencontrés par les TPE et PME sous-traitantes face aux grandes entreprises dans le secteur de la construction qui refusent de régler leurs factures, entraînant des faillites en cascade pour de nombreuses entreprises.

Concernant la société «Les jeunes maçons», dirigée par Chakib ALJ, président de la CGEM, plusieurs dysfonctionnements de notre système économique ont été mis en lumière. Cela va de l’octroi de commandes de 1,5 milliard de DH à cette entreprise jusqu’au refus de paiement des TPE-PME sous-traitantes. Ce phénomène s’est reproduit à plusieurs reprises avec diverses TPE-PME, mais cette fois-ci, c’est le président du patronat, censé défendre ces petites entreprises, qui les pousse malheureusement vers les faillites.

Nous avons également constaté que les grands groupes et holdings pratiquent le «Cash Pooling», incitant les entreprises du groupe à déclarer faillite, ce qui entraîne également la faillite de nombreuses TPE-PME sous-traitantes et fournisseurs. Ces grands groupes profitent d’un vide juridique entourant la pratique du «Cash Pooling», ainsi que du manque de lois qui protègent les sous-traitants.

LeBrief : Rappelons qu’en 2021, le Maroc a enregistré un pic de création d’entreprise. Y a-t-il un lien de cause à effet avec cela qui explique la hausse des dissolutions des entreprises ?

Abdellah El Fergui: Le pic de création d’entreprises en 2021 peut en partie s’expliquer par le lancement des programmes Intelaka, Relance TPE et Damane Relance. De plus, il est logique qu’après une année 2020 où presque aucune entreprise n’a été créée, ceux qui souhaitaient se lancer en 2020 se soient ajoutés aux nouveaux entrepreneurs de 2021. Malheureusement, les faillites ont également explosé en 2022, atteignant 25.000, tant pour les entreprises personnelles, morales que physiques. De nombreux entrepreneurs, attirés par les opportunités, ont lancé des projets sans préparation adéquate, ce qui a conduit à une augmentation des échecs, surtout dans un contexte économique incertain où certaines entreprises n’ont pas su s’adapter et où les banques refusent toujours d’accompagner leurs clientèles et spécialement les TPE-PME et les auto-entrepreneurs.

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