Les historiens sont formels : la ferveur populaire suscitée par le parcours du Onze national lors de cette Coupe du monde 2022 n’a d’égale que la Marche verte organisée en novembre 1975 ou le retour de feu Mohammed V d’exil en novembre 1955. Le premier match disputé par les Lions de l’Atlas contre la Croatie le 23 novembre (0-0) a rassuré le public sur le niveau de l’équipe nationale. Depuis, les victoires se sont succédé (2-0 face à la Belgique et 2-1 face au Canada) jusqu’à franchir le 1er tour en étant premier du groupe et atteindre le résultat réalisé par l’équipe de 1986 qui avait accédé aux huitièmes de finale. Cette référence a même été dépassée par la qualification aux quarts de finale en battant l’Espagne aux tirs au but, devenant ainsi la première nation arabe à atteindre cet objectif.
Les Lions ne s’arrêteront pas là, ils battront le record de l’Afrique en atteignant le carré d’or aux dépens du Portugal (1 à 0). Les Marocains dans les villes et dans l’arrière-pays sortiront célébrer cette victoire en communion et dans la bonne humeur. Ils raconteront fièrement ce moment unique à leurs enfants et petits-enfants. Les victoires face aux meilleures équipes de football de la planète ont donné une dimension internationale à l’équipe nationale, suscitant l’admiration et la fierté des Amazighs, des Arabes, des Africains, des Musulmans et de tous les peuples non occidentaux de la planète.
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هذا المقطع بكاني تخيلوا هناك شعب في الضفة الأخرى جالس يتفرج على المنتخب 🇲🇦 ويدعي لنا 😭 .. إنه الشعب الأندونيسي شكرا لكم وشكرا لكل من آزرنا وفرح معنا .. فرحتنا فرحتكم 🙏🏻🥹#المغرب_البرتغال pic.twitter.com/0ZVXgOtK6p
— Nᴼᵁᴿᴬ Yᴼᵁᔆᔆᴱᶠ (@nouny__cathy) December 11, 2022
La défaite face à la France (2-0) en demi-finale le mercredi 14 décembre n’affectera en rien le soutien indéfectible exprimé aux quatre coins du monde aux Lions de l’Atlas par des célébrations, des discours, des prières…
Au Qatar, supporters et joueurs marocains ont manifesté leur solidarité avec le peuple palestinien et la oumma islamique. Le drapeau palestinien était omniprésent à côté du drapeau rouge à l’étoile verte. La chanson «Hbiba ya falstin» était scandée à chaque match dans les gradins. Le public ira plus loin encore avec la profession de foi (La Ilaha Illa Allah, Mohammed Rassoul Allah) en présence du président français lors du match de demi-finale.
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Une vraie équipe
Les performances techniques du Onze national sont loin d’être un hasard. La réforme opérée il y a plusieurs années avec la création de l’Académie Mohammed VI de football, la refonte des championnats, le renforcement des infrastructures sportives et le remodelage de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) ont porté leurs fruits. Mais au-delà de la technicité, l’équipe dirigée par le coach Walid Regragui a un état d’esprit que toutes les équipes lui envient. L’esprit d’équipe s’est reflété avec des images d’un groupe soudé dans le jeu comme dans la vie. Les joueurs sont solidaires, combatifs, enthousiastes, calmes, rigoureux, fair-play, à l’écoute de leur coach qui a su en bon communicant se faire respecter comme un big brother. La cohésion est tellement présente que lorsqu’un joueur est blessé, il peut être remplacé par un autre joueur sans que l’équipe ne ressente ce changement.
Les ex-sélectionneurs Hervé Renard et Vahid Halilhodži? y sont pour beaucoup, quoiqu’on en dise. Mais en quatre mois seulement, Walid Regragui, the right man in the right place, a cimenté un groupe hétérogène et a réconcilié les joueurs et le public avec l’équipe nationale.
https://twitter.com/i/status/1600590265982586889
Une image resplendissante
Les valeurs portées par notre équipe nationale ont émerveillé le monde entier. Cette équipe a prouvé que nos valeurs civilisationnelles ne sont en aucun cas antinomiques avec les valeurs universelles et avec la modernité. La foi et la bénédiction envers les parents manifestées par nos joueurs ont aussi ébloui le monde entier.
https://youtu.be/4xH1DAmJzfU
Les supporters marocains ont aussi véhiculé une image très positive pendant cette Coupe du monde avec un esprit de solidarité et d’attachement au pays. Pour Abderrahim Bourkia, sociologue et enseignant-chercheur à l’Institut des sciences du sport de l’Université Hassan 1er de Settat, «Les matchs des Lions de l’Atlas se sont offerts comme un outil performant de communication pour notre société (nos sociétés) ; comme un événement exemplaire qui condense et théâtralise ce que « Nous Marocains » voudrait dire. Telle une fiction réelle, ludique et dramatique de ce qu’un Marocain pourrait éventuellement accomplir, produire et représenter, fidèlement et naturellement sans fioriture, les valeurs fondamentales qui façonnent notre société». Notre expert estime que les mêmes valeurs sont partagées dans l’espace méditerranéen, en Afrique et du Golfe à l’Atlantique, à savoir : l’amour voué à la patrie et aux parents, le respect de l’autre, la foi en « nous-mêmes » et en Dieu, le travail collectif et l’abnégation.
Ce Maroc, terre de lumière, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) en fait sa promotion à longueur d’année. Mais quelle meilleure publicité pour le Maroc que cet exploit des Lions sur lequel l’ONMT capitalise à travers une nouvelle campagne baptisée « We dream big »…
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A côté de cela, les grands de ce monde ont participé au rêve marocain. Le tweet d’Elon Musk, Joe Biden recevant le maillot de l’équipe nationale des mains de Aziz Akhannouch et Nadia Fettah Alaoui, Emmanuel Macron dans le vestiaire des Lions de l’Atlas, les couvertures des différents médias internationaux, les encouragements de différentes stars mondiales… Que d’images fortes et qui ont fait le tour du monde, participant à la sympathie pour le Royaume.
Des retombées positives
Le Maroc sort la tête haute de cette Coupe du monde et a manifestement participé au succès de ce Mondial qatari, le premier dans un pays arabo-musulman. L’émir du Qatar a soutenu les Lions de l’Atlas qui le lui ont bien rendu. Cheikh Tamim ne pouvait espérer meilleur scénario que la qualification du Maroc dans le carré final pour susciter l’intérêt des millions de supporters pour cette Coupe du monde jusqu’à la fin, surtout les supporters des pays arabes voisins pour qui il est facile de faire le déplacement au Qatar.
Au Royaume, le parcours très honorable de l’équipe nationale s’est traduit par un regain de confiance chez les Marocains. Avec cet impact positif sur le moral des ménages et les récentes précipitations, les économistes tablent sur un coup de boost de la consommation à court terme et même sur des effets sur la croissance économique. Le secteur touristique et les investissements directs étrangers pourrait à leur tour connaître une embellie grâce aux projecteurs braqués sur le Maroc pendant la Coupe du monde. Enfin, le gouvernement doit capitaliser sur cette épopée pour relancer la dynamique de développement socio-économique du pays. En confiant une nouvelle fois l’organisation du Mondial des clubs 2022 (du 1?? au 11 février 2023) au Maroc, la FIFA a émis un signal en faveur du Royaume. Mais le vrai décollage et développement par le football ne peut s’opérer que si le Maroc décroche l’organisation de la Coupe du monde, et pourquoi pas celle de 2030.
Un accueil triomphal pour nos Lions
En 1986, feu Hassan II avait organisé une grande soirée au Complexe sportif Mohammed V de Casablanca en l’honneur du Onze national qui s’était qualifié pour la première fois en huitièmes de finale lors du Mondial au Mexique. Accompagné du prince héritier Sidi Mohammed et du prince Moulay Rachid, le défunt Souverain avait reçu en grande pompe les joueurs, l’entraîneur Mehdi Faria et le staff technique de l’équipe nationale ainsi que les champions d’athlétisme Nawal Moutawakkil et Saïd Aouita pour une parade mémorable.
En 1998, la sélection nationale avait livré une bonne prestation à la Coupe du monde en France. Malgré leur sortie prématurée dès le premier tour, les poulains du coach Henri Michel défileront en autobus décapotable traversant les grandes avenues de Rabat pour se rendre au Palais royal où feu Hassan II leur offrira une réception. Tous ont été décorés et Henri Michel se voit accorder la nationalité marocaine.
On se rappelle aussi l’accueil triomphal réservé aux Lions de l’Atlas par le roi Mohammed VI en 2004 à Agadir, après leur brillante prestation à la Coupe d’Afrique des nations en Tunisie. Sous la direction de Badou Zaki, les coéquipiers de Noureddine Naybet, dont un certain Walid Regragui, avaient disputé la finale qu’ils ont perdu face au pays hôte. Le Souverain tenant dans ses bras le prince héritier Moulay El Hassan, qui n’avait pas encore fêté son premier anniversaire, avait décoré les joueurs et les staffs fédéral, technique et médical de wissams royaux.
Cette fois-ci, les célébrations devraient être encore plus grandioses, au niveau de l’exploit réalisé par nos valeureux joueurs. Ils ont permis au Maroc d’être la première équipe africaine et arabe à atteindre les demi-finales de la Coupe du monde de football et seront peut-être, avec la Turquie (2002), la deuxième équipe islamique à être classée troisième dans un Mondial. C’est la preuve qu’un nouvel ordre est en train d’émerger dans le monde du sport.
Tout ceci doit nous pousser à changer notre mindset. La gestion chaotique des déplacements des supporters marocains pour la demi-finale au Qatar nous renvoie vers la dure réalité des pratiques opaques de nos responsables. Les vidéos accablantes qui ont circulé avant le match ont été visionnées par les joueurs et les ont perturbés d’une façon ou d’une autre alors qu’ils se battent pour ce public.
Ce qui s’est passé lors de la demi-finale a quelque peu terni l’image du Royaume et poussé les autorités marocaines à abandonner tout dispositif pour la petite finale face à la Croatie. C’est bien dommage. On a raté une occasion de prouver que les supporters continuent d’encourager Walid Regragui et ses poulains malgré la défaite face à la France. Quoi qu’il en soit, tous les Marocains sont fiers du Onze national et demeurent mobilisés pour le soutenir. Bonne chance aux Lions de l’Atlas pour le match de classement cet après-midi à 16h ! Ils méritent de décrocher la troisième place de ce Mondial…
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