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Selon les données de Statistica.com, le marché du jeu vidéo devrait faire un bond en avant au Maroc et devrait générer un chiffre d’affaires estimé à 227,30 millions de dollars US, soit près de 2 milliards de DH (MMDH), en 2024. Cette tendance à la hausse devrait se poursuivre avec une croissance annuelle projetée à 9,39% jusqu’en 2027, où le marché pourrait atteindre près de 3 MMDH, soit environ 297,50 millions de dollars US.
Le nombre d’utilisateurs devrait, lui aussi, augmenter, atteignant 8,4 millions d’utilisateurs d’ici 2027. Parmi les divers segments du marché, les jeux téléchargés se distinguent en tête, illustrant la demande croissante pour les jeux accessibles via des plateformes numériques.
Parmi les principaux acteurs du secteur, on compte des entreprises renommées, telles qu’Activision (Call of Duty), PUBG Mobile et GeForce Now, loin du Scrabble ou du Monopoly joués par les anciennes générations. Connus pour leur dangerosité, les jeux vidéo inquiètent… et pas que les psys ! Dr Imane Kendili, psychiatre – addictologue, professeure affiliée à l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P), cheffe de service psychiatrie-addictologie de la clinique Andalouss et vice-présidente du Centre africain de recherche en santé a répondu aux questions de LeBrief.
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LeBrief : A quel âge un enfant peut avoir son premier jeu vidéo ? Certains sont-ils plus conseillés que d’autres ?
Dr Imane Kendili : Je suis contre les jeux vidéo. Je le déconseille à tous les parents. A moins d’un jeu éducatif, qui respecte l’enfant et son environnement et l’aide à apprendre et découvrir de belles choses. Mais malheureusement, ce type de jeux vidéo est rare et ce n’est pas ce qui a de l’intérêt auprès des groupes d’enfants.
LeBrief : Quels sont les bienfaits des jeux vidéo ?
Dr Imane Kendili : Ils n’ont aucun bienfait pour moi. C’est une consommation stérile du temps. Cela rend dépendant sans parler de la violence/agressivité et des risques y attenant.
LeBrief : Quel est leur impact sur le cerveau ?
Dr Imane Kendili : Comme je vous ai dit, ils occasionnent des troubles du comportement : irritabilité, agressivité, violence physique et verbales sans parler des addictions. L’enfant pris dans ce cycle vicieux ne peut plus se passer des écrans et de ces jeux, ce qui provoque des conflits entre parents et enfants.
LeBrief : Nous avons souvent entendu parler de violence suite à l’utilisation de jeux vidéo, est-ce lié ?
Dr Imane Kendili : Absolument. Les jeux vidéo les plus connus et que tous les enfants regardent, malheureusement, sont violents, avec un langage ordurier (insultes, menaces), des images dures, sans contrôle, des armes, des morts, des cadavres, des suicides… Un enfant qui consomme ce type d’images risque beaucoup. Encore une fois, je cite les troubles de la personnalité, l’isolement, la dépression, le retrait, le rejet des autres, des accrochages avec les parents…Nous revenons à l’impulsivité et au risque de passage à l’acte dus à une sérotonine basse.
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LeBrief : Il y a quelques années, un jeune Marocain a tué sa mère pour un jeu (Free Fire) après qu’elle le lui ait interdit, ce comportement est-il logique (d’un point de vue psychologique-addiction) ?
Dr Imane Kendili : Il n’y a aucune logique dans un acte meurtrier. Mais le jeu est générateur de violence, car les jeux banalisent l’assassinat, et la vie dans le jeu abolit la frontière entre réalité et fiction. Sans oublier l’impact des heures de jeu, d’écrans, de stimulation lumineuse avec baisse de sérotonine et augmentation du risque de passage à l’acte. J’ai eu hier en consultation une jeune de 13 ans qui a fracturé le bras de son père quand il a voulu lui retirer sa console de jeux. Ce n’est pas un acte isolé. C’est la vie réelle. Le confinement et l’école à distance n’ont pas arrangé les choses. L’inversion du rythme de sommeil, l’absence dans certaines familles d’une programmation et ritualisation avec des règles et un cadre. C’est un cas vivant de l’impact sur le comportement. L’addiction est telle que le passage à l’acte devient aisé et générateur de violence. C’est cette facilité de la violence absorbée surajoutée à une levée d’inhibition biologique qui facilite les passages à l’acte. Meurtres et suicides sont les conséquences affreuses d’une telle dérive pour les plus fragiles car le trouble du comportement lié à l’addiction peut se transformer également en maladie mentale. D’où ma conviction qu’il faut interdire ces jeux pour protéger nos enfants.
LeBrief : Les jeux vidéo peuvent-ils mener au suicide ?
Dr Imane Kendili : Oui, absolument. Et les chiffres sont là pour l’attester. Aux USA, au Japon, en Chine et ailleurs, et même au Maroc, des cas de suicide sont enregistrés. Encore une fois, les jeux vidéo sont un danger concret. Il faut absolument lutter contre ce genre de jeux. Le passage à l’acte peut être auto ou hétéro agressif.
LeBrief : Quels sont les signes annonciateurs de tels actes (meurtres, suicide) ?
Dr Imane Kendili : L’isolement social, le retrait, la dépression, l’irritabilité, le manque de sommeil, l’agressivité verbale et physique. Tous ces symptômes sont annonciateurs d’une catastrophe qui nous menace jusqu’au passage à l’acte extrême. Un changement de comportement est à déceler au plus précoce du trouble, mais la réalité est la réduction des risques. Prévenir est le maitre-mot.
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LeBrief : Quelle est la tranche d’âge la plus sensible ?
Dr Imane Kendili : De 4 ans à 18 ans, tous les âges sont vulnérables. Les enfants n’ont pas de limites, ils peuvent passer la journée devant un écran. C’est aux parents de mettre en place des règles strictes pour éviter tout risque. Je préconise qu’on interdise les écrans avant dix ans et après cet âge, on surveille ce que l’enfant regarde à petites doses. Et j’insiste sur le fait d’interdire les jeux vidéo. C’est un réel danger. Le plus drôle est ce fameux « Pokemon go », ce jeu d’adultes qui a des conséquences addictives et comportementales graves.
LeBrief : Comment les parents peuvent-ils prévenir ce type de comportement, que doivent-ils faire ?
Dr Imane Kendili : C’est très simple et très compliqué à la fois. Il faut surveiller ce que l’enfant regarde en interdisant tout accès à Internet avant dix, douze ans seul. Mais pas seulement, les règles et le cadre sont à la base de tout et pour tout. Et cet accès à la toile doit être rigoureusement contrôlé par les parents pour éviter les sites dangereux : jeux, violence, pornographie, pédophilie…
Le problème de base est l’assistanat et la dépendance de nos jeunes générations à une parentalité trop protectrice et à leur service. L’hyperprotection est une maltraitance faisant des handicapés sociaux au moins et un sévices qui expose à la virtualité mais aussi aux drogues. Mon dernier mot : un enfant devant internet protégé à la maison n’est pas protégé, mais exposé aux pires conséquences sur sa santé mentale et sociale.
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