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LeBrief : Parlez-nous de votre dernière ascension du Mont Lhotse ?
Bouchra Baibanou : C’était une ascension très difficile, surtout que j’ai fait le choix de ne pas utiliser d’oxygène au départ. J’ai voulu repousser mes limites en restant maître de la situation. Je suis arrivée au camp 4, à 7 800 mètres d’altitude, sans oxygène. Mais après, et pendant huit heures, j’ai été obligée d’en utiliser pour atteindre le sommet. La descente était aussi compliquée et j’ai mis neuf heures pour arriver au camp 2. Je me suis d’ailleurs bien préparée à l’ascension de ce quatrième plus haut sommet du monde, puisque auparavant, j’ai escaladé le mont népalais d’Ama Dablam, qui est l’un des sommets les plus difficiles de l’Himalaya. Cela m’a beaucoup aidée et je suis très contente parce que j’ai déjà pu atteindre trois sommets de plus de 8 000 mètres d’altitude, à savoir l’Everest en 2017, l’Annapurna en 2022 et le Lhotse cette année.
LeBrief : Vous êtes la première personne au Maroc à réaliser le challenge des sept sommets du Monde. Quelle a été votre expérience la plus marquante lors de vos aventures en haute montagne ?
Bouchra Baibanou : L’objectif était de gravir le plus haut sommet de chaque continent. Pour moi, l’ascension de l’Everest était la plus difficile et la plus marquante. C’était il y a six ans, je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais très heureuse d’être au sommet du monde et de devenir ainsi la première femme marocaine et nord-africaine à avoir gravi l’Everest. Une autre aventure m’a beaucoup marquée, c’est celle du mont Vinson en Antarctique qui culmine à 4.892 mètres de hauteur. Le paysage et le décor atypique de ce vaste continent austral rendent cette expérience unique, sachant que j’y suis allée pendant l’été, la période durant laquelle il fait jour 24h/24. Mais, je dois avouer que chacune de mes expériences et chacun des sommets que j’ai réussi à escalader, ont une place particulière dans mon cœur.
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LeBrief : Quels sont les risques de la haute altitude ?
Bouchra Baibanou : Il y en a plusieurs. Tout d’abord, on peut parler du manque d’oxygène, ce qui peut provoquer de nombreux risques, tels que l’œdème cérébral ou pulmonaire. Il y a aussi le froid et les gelures qui peuvent affecter les mains, les pieds, ainsi que le visage, les pommettes, le nez et surtout les oreilles. Ce sont quelques périls auxquels l’alpiniste est confronté en haute altitude. Et au-delà de 8.000 mètres, on entre dans une zone appelée « zone de la mort » où l’air respirable devient très pauvre en oxygène, soit un tiers de la normale. C’est très risqué, il y a souvent des disparus, des morts, des personnes qui ne supportent pas la haute altitude. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les sommets les plus hauts prennent plus de temps, car il faut avancer lentement et cela nécessite une préparation physique rigoureuse, en respectant les consignes de sécurité afin d’éviter tout accident.
LeBrief : D’où tirez-vous votre force pour persévérer et atteindre les buts fixés ?
Bouchra Baibanou : Tout d’abord, la foi et ma confiance en Dieu. J’ai également un fort sentiment patriotique, une volonté de hisser haut le drapeau marocain. Chaque fois que je réussis une ascension et que je hisse le drapeau de mon pays, je ressens une grande joie et une grande fierté. Cela me donne envie d’aller encore plus loin et de gravir d’autres sommets. À cela s’ajoute bien évidemment ma passion pour l’escalade, animée par mon amour pour ce sport. J’ai l’impression que les montagnes et les sommets me donnent leur force pour que je puisse poursuivre ma carrière et mon chemin.
LeBrief : Comment avez-vous appris à gérer vos limites, ainsi que vos capacités physiques et mentales ?
Bouchra Baibanou : Cela m’a pris beaucoup de temps. Plusieurs années d’expérience m’ont permis d’aller très loin dans cette aventure, notamment les premiers sommets que j’ai pu gravir au Maroc, comme Toubkal. C’est là que j’ai commencé à apprendre comment gérer mes forces et mes limites. De plus, je pratique le yoga, la méditation et d’autres exercices pour développer ma force physique et mentale.
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LeBrief : Récemment, les spectateurs ont pu découvrir le long métrage « Al Qimma » dédié à votre parcours et à vos exploits. Qu’est-ce que signifie ce film pour vous ?
Bouchra Baibanou : Il a été réalisé par Mehdi Moutia. C’est un film qui raconte mon histoire et retrace mes aventures, surtout celle de l’Everest. C’est le fruit de plusieurs mois de travail d’une équipe professionnelle qui a finalement livré un documentaire permettant aux spectateurs de découvrir l’univers de la montagne. Je suis fier de ce long métrage, qui est plus focalisé sur l’aspect spirituel de mon périple sur les sept sommets du monde et comment le fait de les gravir a contribué à la découverte de mon potentiel.
LeBrief : «Mon chemin vers les sept sommets du monde », comment avez-vous eu l’idée de se lancer dans l’écriture et quel message avez-vous envie de faire passer à travers votre livre ?
Bouchra Baibanou : C’est une autobiographie. L’idée est de partager mon expérience. Les erreurs, les échecs, les peurs, les doutes et les leçons de vie, voilà ce que les lecteurs vont découvrir à travers ces écrits. Je raconte aussi de nombreuses anecdotes, beaucoup de choses qui m’ont poussé à dépasser mes limites, les clés de la réussite. Je dévoile également quelques détails qui m’ont permis de devenir ce que je suis aujourd’hui. Au total, le livre m’a pris quatre ans avant sa sortie en langue française et il sera bientôt disponible en arabe et en anglais.
LeBrief : Avez-vous d’autres projets prochainement ?
Bouchra Baibanou : Actuellement, je travaille avec les jeunes filles dans le cadre du Challenge Toubkal Girls, sous l’égide de la Fédération royale de ski et sports de montagne, en tant que présidente de la commission féminine. En parallèle, je suis en train de préparer des projets pour développer l’alpinisme au Maroc.
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