Temps de lecture : 6 minutes

Accueil / Société / Enseigner l’histoire territoriale : quel intérêt ?

Enseigner l’histoire territoriale : quel intérêt ?

Temps de lecture : 6 minutes

Gros plan

Temps de lecture : 6 minutes

Enseigner l’histoire territoriale est aujourd’hui de plus en plus important à l’heure où le Maroc cherche à réinventer son modèle éducatif, et à un moment également où le Royaume semble mobilisé pour mettre en valeur son capital immatériel. Quelle Histoire enseigner donc à nos enfants ? Et comment faire en sorte que l’enseignement de l’histoire de nos territoires mette en valeur les spécificités locales, sans pour autant verser dans le relativisme mémoriel ?

Temps de lecture : 6 minutes

Faut-il enseigner l’histoire territoriale à nos enfants ? C’est la question à laquelle l’initiative citoyenne OTED (O’Territorial Empowerment and development) a tenté de répondre en organisant, jeudi 16 février, une nouvelle édition Parlons Territoires.

Modérée par Souleïman Bencheikh, chargé de mission à la direction générale du groupe OCP, cette table ronde, sous forme d’un webinaire, a donné la parole à plusieurs chercheurs et d’experts. Ceux-ci se sont notamment penchés sur les objectifs assignés à l’enseignement de l’Histoire et le rôle que doit y jouer l’histoire territoriale.

La visioconférence a notamment connu la participation de Abdeljalil Bouzouggar, archéologue, directeur de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP), de Nadia Hachimi Alaoui, politologue, chroniqueuse à Luxe Radio, de Driss Khrouz, économiste, ancien directeur de la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM), et de Nabil Mouline, historien, politologue, chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS-France).

L’archéologie permet de réécrire l’histoire locale

L’archéologue, Abdeljalil Bouzouggar, est connu pour avoir dirigé une équipe de recherche pluridisciplinaire et internationale. Celle-ci fut à l’origine de la découverte faite, dans une grotte, non loin de la ville côtière d’Essaouira, au nom de Bizmoune, des plus anciens bijoux du monde. Un ensemble de perles de coquillages qui datent de 142.000 à 150.000 ans.

Selon lui, l’archéologie ne permet pas seulement de mieux comprendre l’histoire locale, mais elle permet aussi de la réécrire, notamment avec les découvertes, qui sont des témoins matériels. Donc, «on n’est plus dans le document écrit qui a bien sûr sa valeur et son importance dans la construction d’une histoire, soit d’une région donnée soit de toute une région petite ou grande». L’archéologie peut ainsi servir de pont entre l’histoire locale et l’histoire de l’humanité.

Pour sa part, l’ancienne rédactrice en chef du journal Hebdomadaire, Nadia Hachimi Alaoui, qui a fait partie de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), estime qu’ «il y a un manque de travaux historiques d’historiens sur notre période contemporaine». «Aujourd’hui, il me semble que le discours historique sur le Maroc post colonial est plutôt saturé de manière quasi-hégémonique par de la parole mémoriel plus que du travail d’historien», ajoute-t-elle. «Il faut donc s’emparer de cette histoire contemporaine et ne pas la laisser seulement aux témoignages mémoriels», recommande-t-elle.

Lire aussi : Patrimoine culturel : la princesse Lalla Hasnaa acte un accord avec l’UNESCO

Il n’y a pas d’uniformité du Maroc

De son côté, Driss Khrouz, économiste de formation ayant consacré sa carrière au monde de la culture et des livres, explique que «l’histoire du Maroc s’est constituée dans une opposition entre l’État et le territoire et cela remonte à très loin. Ce n’est qu’à partir des années 90 du siècle dernier qu’on peut véritablement parler d’une réconciliation entre l’État au sens régalien et les territoires, avec un certain nombre de métamorphoses, de vagues, et de fluctuations. Dès lors, la question de la culture du territoire commence à être posée».

D’après l’expert, «il n’y a jamais eu de remise en cause de la nation marocaine depuis très longtemps, même pendant la période où l’on parlait des régions de dissidence contre des formes de prélèvement de l’impôt, d’octroi de la rente foncière et de la domination d’un certain nombre de régions (montagneuses, désertiques) par des pouvoirs locaux en place».

Et de noter qu’ «il n’y a pas d’uniformité du Maroc. Il y a une appartenance à des valeurs structurantes qui se fait à partir d’un mouvement du bas vers le haut, c’est-à-dire via des interactivités en termes de valeurs mais aussi en termes de reconnaissance et de respect. Il y a une mixité dans tout ce qui structure le Maroc (traditions, langues, etc). Cette mixité fait le vécu du Maroc qui s’est construit à travers la mobilité des idées, des populations, des exodes et migrations internes, mais également par le biais des relations commerciales».

Écrire l’histoire locale et régionale, poursuit-il, doit donc reconnaitre la multiplicité de la personnalité marocaine et sa pluralité. «L’histoire se construit à travers la reconnaissance des différences. On ne peut pas construire un projet de société si le territoire n’est pas une personnalité culturelle et politique», insiste-t-il.

Lire aussi : La princesse Lalla Hasnaa préside l’inauguration du Musée national de la parure

Les modes de transmission traditionnels sont insuffisants

L’historien et politologue, Nabil Mouline, auteur de nombreux ouvrages notamment « Le califat imaginaire » et producteur d’une série de podcasts sur l’histoire du Maroc, estime, de son côté, que «l’histoire pourrait constituer une sorte d’épine dorsale du commun qui dépasserait les clivages régionaux, ethniques, linguistiques, sociaux politiques, et autres».

Pour lui, «les modes de transmission traditionnels de l’histoire (écriture, conférences, workshops, etc) sont insuffisants pour toucher le plus grand nombre de personnes. Seule une petite minorité de Marocains consacre du temps à la lecture. Selon le HCP, moins de 0,3% de la population consacre du temps à l’écriture. Par contre plus de 70% puisent essentiellement leur culture à travers les nouveaux médias notamment les réseaux sociaux».

D’où l’idée «de transmettre des connaissances historiques, à travers des vidéos d’archives et des dessins pour présenter une période, un personnage, une institution, un lieu ou un événement, ayant façonné ou influencé la trajectoire du Maroc que ce soit à l’échelle locale, nationale ou globale», souligne-t-il.

Laissez-nous vos commentaires

Temps de lecture : 6 minutes

La newsletter qui vous briefe en 5 min

Chaque jour, recevez l’essentiel de l’information pour ne rien rater de l’actualité

Et sur nos réseaux sociaux :

Histoire

Journée mondiale de la santé mentale : quelles réalités au Maroc ?

Le 10 octobre, le monde célèbre la Journée mondiale de la santé mentale, l'occasion de sensibiliser sur les troubles mentaux et à promouvoir…
Histoire

Égalité genre : 58,4% des Marocains pensent qu’elle n’existe pas

Cette année, à l’occasion de la célébration de la journée nationale de la femme, la sonnette d’alarme a été tirée par le HCP. Les débats et …
Histoire

Baromètre de confiance : les Marocains méfiants face aux institutions

À l’occasion de la 6ᵉ édition de l’African Digital Summit organisé par le GAM, Karena Crerar, PDG d’Edelman Africa et Kamal Taibi, PDG et fo…
Histoire

Casablanca en travaux : les impacts négatifs à surmonter

Casablanca dans sa globalité est en plein projet de transformation. Les travaux de réaménagement prévus visent à améliorer la qualité de vie…
Histoire

Transformation de Casablanca : accélération des chantiers

Mohamed Mhidia a marqué de son empreinte toutes les villes du Royaume où il a officié en tant que wali. C’est un homme de terrain, qui aime …
Histoire

Salon du cheval d’El Jadida : les forces de défense et de sécurité à l’honneur

Depuis des millénaires, le cheval a toujours répondu présent quand l’Homme a eu besoin de lui. Et au sein des forces de défense et de sécuri…
Histoire

Casablanca : que se passe-t-il à Zerktouni ?

Casablanca, métropole dynamique et en pleine expansion, est actuellement au cœur d’un vaste chantier de modernisation. Le boulevard Zerktoun…
Histoire

Le bonheur au travail, réellement important au Maroc ?

Ce n’est qu’à partir du 18ᵉ siècle que l’idée de bonheur commence à être associée au travail. Le travail est devenu, fin du 19ᵉ siècle, un a…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire