Manifestation contre la réforme de l’enseignement public, à Rabat, le 7 novembre 2023. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA
Le 4 janvier, un moment important pour le secteur éducatif, avec des milliers d’enseignants défilant dans les rues de Rabat pour réclamer une réforme équitable de leur statut professionnel. Cette manifestation, qui a duré deux jours et a vu la participation d’environ 50.000 enseignants sur les 280.000 du pays, a été une réponse directe à l’insatisfaction persistante face à l’accord récent entre le gouvernement et les syndicats. Malgré ce mouvement, les enseignants restent fermes dans leur revendication pour des changements, illustrant la profondeur de la crise qui secoue le secteur depuis octobre.
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Finalisation et nouvelles mesures du statut unifié
Vendredi dernier, la dernière version du statut unifié des enseignants a été soumise aux syndicats pour leurs remarques finales, après un long processus de négociations entre le gouvernement et les syndicats. Cette démarche vise à finaliser ce dossier délicat d’ici au 15 janvier, conformément à la date limite fixée par le chef du gouvernement.
Le texte attendu revient sur plusieurs mesures, dont la limite d’âge de 30 ans pour l’accès à la profession, initialement fixée à 45 ans. Le nouveau projet élimine cette restriction, tout en laissant au ministère le pouvoir de fixer les critères et le programme du concours national pour le métier et des examens de compétences professionnelles, avec l’approbation du gouvernement.
Les enseignants-cadres des Académies Régionales d’Éducation et de Formation seront intégrés à la Fonction publique, mettant fin à la confusion causée par l’ancien statut. Le projet précise que les enseignants, qu’ils travaillent dans les services centraux, les académies régionales, ou les établissements d’éducation, sont considérés comme des fonctionnaires sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale.
Concernant le temps de travail, la durée hebdomadaire sera définie par décret, en concertation avec la commission des programmes. Le nouveau texte propose également des adaptations dans les heures de travail pour les cadres de soutien éducatif.
Une nouveauté notable est l’ouverture du concours de changement de cadre aux fonctionnaires de l’éducation nationale, auparavant limité aux enseignants du secondaire.
Pour la promotion, les enseignants bénéficieront d’une augmentation de 1000 dirhams dès l’échelon 3, et un grade spécial sera créé pour les enseignants agrégés en 2024. Un système d’incitation professionnelle sera mis en place, incluant la reconnaissance et des certificats d’appréciation, ainsi que des prix de mérite professionnel pour les enseignants et directeurs d’établissements publics. De plus, une ancienneté légale sera accordée pour la promotion au grade d’excellence aux administrateurs pédagogiques diplômés.
La position ferme des enseignants et des coordinations
Ces accords conclus avec les syndicats ne satisfont pas les exigences des enseignants, soutenues par les Coordinations, qui remettent en question la représentativité des syndicats négociant en leur nom. Un membre anonyme de la Coordination nationale des enseignants de la Cellule 10 souligne l’importance pour le gouvernement d’écouter et de répondre équitablement aux besoins des enseignants pour mettre fin à leur mouvement de protestation.
Cette position ferme soulève la question de savoir si les enseignants ne s’opposent pas systématiquement, indépendamment des résultats des négociations. Ils expriment leur désaccord avec le nouveau statut sans avoir pleinement pris connaissance de ses mises à jour. Pour eux, il s’agit de garantir la fiabilité des promesses du ministère et des syndicats.
Un autre enseignant de la Coordination nationale du secteur de l’éducation exprime un manque de confiance envers le gouvernement, citant l’échec à honorer les engagements de l’accord du 26 avril 2011, et doute que l’accord du 26 décembre dernier soit respecté. La demande de garanties tangibles est donc primordiale.
La méfiance rend difficile tout progrès dans ce dossier. Les enseignants exigent des garanties avant toute concession, rendant les discussions et accords impossibles tant que les grèves persistent.
En signe de compromis, les coordinations ont réduit les jours de grève de quatre à deux. Cependant, les syndicats ne suspendront définitivement les grèves qu’après avoir examiné le nouveau statut et confirmé l’inclusion de tous les engagements, ainsi que la réalisation effective des augmentations salariales promises et le remboursement des retenues sur salaires. Ces vérifications ne pourront être effectuées qu’à la fin du mois, indiquant que la résolution du conflit dans le secteur de l’enseignement n’est pas imminente.
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La suspension de 400 enseignants et la réaction syndicale
Alors que les négociations sur le nouveau statut unifié des enseignants approchaient de leur conclusion. La situation s’est tendue suite à la suspension temporaire de 400 enseignants par certaines Académies régionales de l’éducation, sur ordre du ministère, pour leurs absences répétées.
Cette mesure a provoqué l’indignation de nombreux syndicats. Préparée par le ministère pour faire face aux grèves paralysant les écoles pendant des semaines, cette action a déclenché un débat sur sa légitimité.
Une lettre ouverte signée par divers acteurs politiques, éducatifs, syndicaux et des droits de l’Homme critique la suspension, la qualifiant d’«irresponsable» et accusant faussement les enseignants de fautes professionnelles graves. Selon eux, les enseignants ne faisaient qu’exercer leur droit de grève pour protester contre un statut injuste et défendre l’école publique avec des revendications légitimes.
Ces suspensions provisoires sont conformes à l’article 73 du dahir du 24 février 1958, qui définit comme fautes graves les absences répétées et illégales, l’entrave au fonctionnement normal de l’établissement et le manquement aux obligations professionnelles. Néanmoins, les syndicats d’enseignement contestent la légalité de cette procédure de suspension.
Le syndicat national de l’enseignement (SNE affilié à la CDT) a condamné la décision du ministre tout en appelant à privilégier l’intérêt des élèves et à créer un environnement propice à la récupération du temps scolaire perdu.
De son côté, la Fédération libre de l’enseignement (FLE affiliée à l’UGTM) a également critiqué la suspension des grévistes, invitant le ministre à l’annuler pour favoriser un dialogue constructif et restaurer la confiance. La FLE prévoit de suivre attentivement la situation des enseignants suspendus avec les autorités régionales et provinciales.
Quant aux enseignants, ils ont fermement protesté contre ces décisions qu’ils jugent «illégales et anarchiques», aggravant la perte de temps scolaire pour les élèves.
La riposte des coordinations à la suspension des enseignants
Cette action a ravivé aussi la colère des coordinations, qui ont alors annoncé de nouvelles grèves. C’est finalement les élèves et leurs familles qui subissent les conséquences de ces tensions.
Le secteur de l’éducation nationale reste ainsi embourbé dans des grèves, privant des millions d’élèves de leur droit à l’éducation. Les Académies ont accusé les enseignants concernés de «fautes graves et de manquements aux obligations professionnelles».
Plusieurs directions provinciales du ministère de l’Éducation nationale ont commencé à appliquer la procédure d’abandon de poste. Ainsi, plusieurs enseignants grévistes se sont vu notifier leur suspension temporaire.
La Coordination nationale du secteur de l’éducation a dénoncé ces suspensions comme étant une violation des lois et a critiqué le gouvernement pour sa gestion de la crise. Elle affirme sa solidarité avec les enseignants affectés et accuse le ministère de recourir à des tactiques d’intimidation plutôt que de répondre aux revendications des enseignants. La Coordination est prête à intensifier la lutte en coordination avec d’autres groupes, affirmant que l’intimidation ne dissuadera pas leur engagement.
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Réactions parentales et mesures du ministère face à la prolongation des grèves
Malgré la signature d’un deuxième accord, les enseignants ont persisté dans la grève, provoquant la frustration des associations de parents d’élèves, perplexes malgré les promesses du ministre de l’Éducation nationale. Pour apaiser ces inquiétudes, le ministère a annoncé, le 2 janvier 2024, un plan national pour la gestion du temps scolaire et l’organisation pédagogique, applicable à tous les niveaux d’enseignement. Ce plan ajoute une semaine à l’année scolaire dans les trois cycles, le renforcement du soutien pédagogique pour consolider les acquis des élèves, plus de flexibilité dans la programmation des examens, et le report d’une semaine des examens standardisés à tous les niveaux, tout en assurant que l’examen national unifié du baccalauréat commencera le 10 juin 2024, au lieu du 3 juin.
Toutefois, selon les parents d’élèves, ce plan ne suffirait pas à compenser trois mois de cours manqués, ce qui pourrait affecter significativement le niveau scolaire des élèves.
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