Le département dirigé par Chakib Benmoussa vit une période tumultueuse. Toutes les équipes du ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, sont mobilisées pour la mise en œuvre de la feuille de route 2022-2026, qui vise à instaurer un enseignement de qualité pour tous. Cette semaine, le ministère de l’Éducation nationale (MEN) a dévoilé les détails du projet « Écoles pionnières », qui vise à transformer les établissements primaires publics lors de la rentrée scolaire 2023-2024. Ce projet ambitieux a pour objectif d’améliorer la qualité des apprentissages de base, de réduire l’abandon scolaire et de favoriser l’épanouissement des élèves.
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Vision pour l’école publique du futur (7/10)
Le projet « Écoles pionnières » repose sur des approches pédagogiques novatrices et a pour objectif de poser les bases de l’école publique du futur, axée sur une approche participative répondant aux attentes des élèves, des parents et des enseignants, soutient le MEN. Le modèle des « Écoles pionnières » prévoit une transformation globale de la performance des établissements en s’appuyant sur l’engagement volontaire des équipes pédagogiques et la mise à disposition de ressources pédagogiques, numériques et matérielles. Un dispositif de formation certifiante et d’accompagnement sera également mis en place pour aider les enseignants à adopter des pratiques efficaces en classe, soutenues par des recherches scientifiques. Dans une première phase, le projet sera déployé dans 628 écoles primaires publiques, couvrant les zones urbaines, semi-urbaines et rurales, bénéficiant ainsi à environ 322.000 élèves. Par la suite, le projet sera étendu progressivement à la majorité des établissements primaires publics.
Le modèle des « Écoles pionnières » repose sur une approche multidimensionnelle qui englobe trois axes principaux : l’élève, l’enseignant et l’école. Les équipes pédagogiques mettront en œuvre quatre composantes essentielles. La première vise à corriger les lacunes en lecture et en calcul des élèves par le biais d’un programme de remédiation massive. La deuxième consiste à mettre en place des méthodes d’enseignement efficaces en classe, basées sur la progression des apprentissages. La troisième composante concerne la spécialisation des enseignants dans leurs domaines de compétence, et enfin, la quatrième composante porte sur la gestion des établissements.
Les établissements scolaires qui mettront en œuvre ces composantes pourront obtenir le label « École pionnière ». Ce label offrira des incitations matérielles pour les membres de l’équipe pédagogique, ainsi qu’une indemnité individuelle de 10.000 DH nets par an.
Sur le papier et de par son approche multidimensionnelle, on peut attribuer une note de 7/10 à ce projet tout en regrettant le fait qu’il n’implique pas les parents. Reste à voir comment il sera déployé dans la réalité…
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Multilinguisme à tous les niveaux (6/10)
Le MEN a mis les bouchées doubles pour l’enseignement des langues dans les différents niveaux scolaires. Après avoir annoncé la généralisation de l’amazigh dans le primaire, Chakib Benmoussa a adressé le 23 mai une circulaire aux directeurs des Académies régionales d’éducation et de formation (AREF) concernant la généralisation de l’enseignement de la langue anglaise dans l’enseignement collégial, à compter de la prochaine rentrée 2023-2024.
Cette décision vise à renforcer le statut de la langue anglaise dans la société marocaine et à ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes dans les domaines de la connaissance, de la science, de la technologie, de la communication et de l’ouverture culturelle. Selon les directives ministérielles, l’enseignement de la langue anglaise sera progressivement généralisé dans les classes préparatoires au cycle secondaire. Lors de la rentrée scolaire 2023-2024, il sera introduit en première année de collège avec un taux de couverture de 10 %, puis en deuxième année avec un taux de 50 %. Pour l’année académique 2024-2025, le taux de couverture en première année sera porté à 50 %, tandis que l’enseignement de l’anglais sera généralisé à 100 % en deuxième année de l’enseignement collégial. Enfin, à partir de la rentrée scolaire 2025-2026, l’enseignement de la langue anglaise sera généralisé à 100 % dans les deux années du collège.
La réussite de cette généralisation nécessite la mise en place de mesures administratives, éducatives, organisationnelles et de soutien à tous les niveaux. Un comité central de leadership sera créé, dirigé par le secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, pour superviser et évaluer la mise en œuvre du programme à chaque étape. Des ressources pédagogiques spécifiques seront élaborées en collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux afin de renforcer l’approche participative et la méthodologie dans l’enseignement de l’anglais. De plus, la formation des enseignants sera renforcée pour améliorer leurs compétences linguistiques et pédagogiques, en mettant l’accent sur les approches et les méthodes efficaces, assure le MEN.
Les technologies de l’information et de la communication joueront un rôle clé dans le renforcement des compétences linguistiques des enseignants. Des ressources numériques seront intégrées dans l’enseignement de l’anglais, et des plateformes numériques seront utilisées pour faciliter l’accès des enseignants et des élèves à ces ressources. De plus, des bibliothèques seront aménagées dans les établissements scolaires pour enrichir les compétences linguistiques des élèves, et les enseignants bénéficieront de documents et de guides pédagogiques pour les aider dans leur pratique quotidienne. On s’interroge néanmoins sur la motivation du corps enseignant à susciter l’intérêt des apprenants pour la langue anglaise, alors que les langues étrangères, notamment le français, ont toujours été considérées comme des matières accessoires dans les établissements publics.
Une note de 6/10 semble juste pour cette initiative linguistique en attendant les résultats.
Maîtrise de la lecture (4/10)
Ahmed Boukmakh doit se retourner dans sa tombe en constatant le niveau des élèves marocains en lecture. Père de la collection « Iqrae » de manuels d’enseignement au primaire post-indépendance, le défunt a accompagné à travers son œuvre les générations d’apprenants des années 1950, 1960 et 1970. Réalisée en 2021, l’étude internationale sur le progrès en littératie (PIRLS 2021) révèle que le Maroc fait figure de cancre en matière de maîtrise de la lecture.
Publiées par l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA), les conclusions de l’enquête mettent en évidence les lacunes alarmantes du système éducatif marocain. Malgré une légère amélioration par rapport aux éditions précédentes, les performances des élèves marocains en matière de lecture restent bien en deçà des attentes. La tutelle n’a pu que communiquer amèrement en admettant que le Maroc s’est classé à la 56e place sur 57 pays participants, avec un score moyen de 372 points, soit un écart de 128 points par rapport à la moyenne internationale fixée à 500 points. Les résultats révèlent également que 59 % des élèves marocains se situent en dessous du niveau minimum de maîtrise de la lecture. Ces chiffres viennent renforcer les diagnostics nationaux et internationaux qui ont déjà mis en lumière la crise des apprentissages au sein du système éducatif marocain.
Mais l’expert en éducation et formation, Abderrahmane Lahlou, tient à nuancer. Ce classement reflète des défaillances, certes, mais l’évaluation en tant que telle est aussi un aspect à garder en tête. Notre interlocuteur note que les apprentissages au Maroc sont encore trop orientés vers l’aspect technique de la chose, comme les règles de grammaire, par exemple. Or, des tests tels que le PIRLS, le TIMMS (qui évalue les acquis en mathématiques et en sciences) ou le PISA (qui évalue l’acquisition de savoirs et de savoir-faire essentiels à la vie quotidienne à la fin de la scolarité obligatoire) évaluent l’apprentissage acquis dans son aspect fonctionnel, c’est-à-dire la lecture fonctionnelle : « Suis-je capable de lire un panneau de signalisation pour me repérer dans l’espace, … ». Sur ce plan-là, oui, nos enfants échouent, car ils ne sont pas suffisamment outillés.
Partant de là, on ne peut attribuer une note supérieure à 4/10.
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Mathématiques (10/10)
Après l’annonce des résultats décevants de l’étude PIRLS 2021, une excellente nouvelle est venue de Kigali réconforter ceux et celles qui croient encore en notre système éducatif. La 30e édition des Olympiades panafricaines de mathématiques (OPAM 2023) a été marquée par la victoire de la sélection nationale marocaine. Les élèves marocains se sont distingués en remportant plusieurs médailles et en se hissant au sommet de la compétition. Cette performance exceptionnelle a été saluée par le MEN qui a félicité les élèves pour leur brillante participation. Lors de cette compétition continentale, l’élève Hiba Ferchioui, âgée de 17 ans et représentant le Lycée préparatoire Al Joulane à Chtouka Aït Baha, a été couronnée « Reine des mathématiques en Afrique » après avoir dominé la compétition féminine.
Côté masculin, Ayman Hajifi a décroché la médaille d’or. De plus, trois médailles d’argent ont été remportées par Zakaria Dro, Yassir Abousir et Zaineb Charqui, confirmant ainsi l’excellence des élèves marocains. Enfin, Maroua Zidouni a obtenu une médaille de bronze, contribuant ainsi à la victoire globale de l’équipe marocaine. Les OPAM 2023 ont rassemblé des élèves de l’enseignement secondaire venant de 32 pays différents. Chaque pays était représenté par une équipe de six élèves, composée de trois filles et de trois garçons. Cette compétition a révélé les talents mathématiques des apprenants marocains et la qualité du travail des encadrants qui ont assuré la préparation des élèves pour cette compétition scientifique d’envergure.
Carton plein et une note de 10/10 incontestable pour cette performance exceptionnelle.
Entre la performance remarquable des élèves marocains en mathématiques et le score catastrophique réalisé en lecture, plusieurs pistes de réflexion se profilent. Les acteurs de l’éducation doivent renforcer les acquis et régler les défaillances. La généralisation de l’apprentissage des langues et le projet « Écoles pionnières » sont à saluer. Notre relevé de notes se clôture par une moyenne générale de 6,75/10. Assez bien… Peut mieux faire…
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