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Annulons les mille et une nuits et laissons place aux harems, coulisses de ces mêmes contes. Avec le retour de la mairesse, Fatima Zahra El Mansouri, un vent de renouveau a soufflé sur la ville ocre. L’on pensait, à en croire son premier bilan trimestriel, que les affaires de laisser aller étaient derrière nous et que les citoyens Marrakchis n’auraient plus à subir de nouvelles surprises. Que nenni, « Le vice, toujours sombre, aime l’obscurité » (Nicolas Boileau).
Découvrons ensemble, ces 7 péchés qui enragent les Marrakchis.
La colère
La ville ocre fait énormément parler d’elle. Ces dernières semaines, les alertes aux intoxications sont nombreuses. Pire encore. L’une des affaires s’est conclue par une hécatombe. Une tragédie alimentaire a frappé le quartier M’hamid à Marrakech, avec six décès résultant d’une intoxication alimentaire dans un fast-food local. L’incident a débuté le 29 avril, lorsque 26 personnes ont été hospitalisées en urgence à l’hôpital Arrazi pour des symptômes sévères liés à une intoxication. Malheureusement, six victimes ont succombé aux effets toxiques, laissant la communauté et la ville sous le choc.
Les enquêteurs ont rapidement ciblé un fast-food spécifique comme source probable de l’intoxication. Les témoignages des survivants ont souligné les sandwichs et autres plats de cet établissement. Une enquête approfondie sur les normes d’hygiène et sanitaires du restaurant est en cours, avec le propriétaire placé en détention provisoire pendant les investigations.
Ce snack n’est pas un cas isolé. « Il doit y avoir une plus grande diligence des services d’hygiène parce qu’aujourd’hui les snacks sont ouverts tous les jours et tout le monde peut ouvrir un snack sans qu’on lui demande de respecter aucun critère. Je sais qu’il y a une demande parce qu’il y a beaucoup d’étudiants, mais le nombre de shawarmas qui a ouvert est incroyable. Qui vérifie tout ça ? », déclare Fouzi Zemrani, ancien vice-président général de la Confédération nationale du tourisme, et auteur du blog Blogtrotter, à LeBrief.
Quand la plupart ne peut se payer un restaurant aux normes, elle se rabat sur des Shawarmas à 10 ou 15 dirhams. Les établissements qui servent ce genre de repas, ne respectent pas forcément les normes.
C’est après ce scandale qui a frappé la plus belle ville du monde que l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) a lancé une campagne d’inspection des établissements alimentaires à Marrakech. Supervisée par un comité mixte, cette initiative a, pour le moment, entraîné la fermeture de certains lieux qui ne respectaient pas les normes sanitaires ou opéraient illégalement.
L’avarice
Nouveau contexte, différente problématique : en sortant de la gare de Marrakech, il faut évidemment traverser des routes. La première à droite, celle faisant face à la gare ou la première à gauche, font peur à voir. La circulation fait peur à voir, c’est un fait dans une grande ville. Ce qui est plutôt inquiétant, c’est cette signalisation routière, quasi-inexistante.
Elle s’efface à vue d’œil, au point où les piétons, locaux comme touristes, ne savent plus où mettre les pieds. Ce problème est récurrent dans plusieurs quartiers de la ville, aisés comme moins aisés. Mais ce n’est pas tout. Dans la liste des premières causes d’accidents : l’absence de certains feux de signalisation, en des lieux hautement critiques, l’absence de marquages et de passage piétons.
Qu’il s’agisse de changements de voie, des directions, ou encore de l’assistance à la conduite, le marquage au sol est important. Bien en-deçà des normes que mérite une grande ville, ce marquage revêt d’un véritable cafouillage.
Orgueil d’antan
Lorsqu’on approche de Marrakech depuis Casablanca, rien n’est plus affligeant que le spectacle qui se dévoile soudainement : quelques kilomètres avant d’atteindre la ville, au milieu d’une grande plaine désertique bordée au sud par la ligne de l’Atlas, apparaît d’un coup un espace sec et aride. Le vert a laissé place à un marron jauni.
La palmeraie de Marrakech, jadis écrin verdoyant et vital pour la région, subit une dégradation alarmante, accentuée par les sécheresses récurrentes et l’expansion urbaine. La palmeraie était un havre de biodiversité.
La palmeraie de Marrakech, autrefois une oasis florissante, est maintenant en déclin. Il suffit de les observer au loin, pour remarquer cet affligeant spectacle. Des palmiers secs résultant notamment de la surexploitation des nappes phréatiques.
Afin de restaurer cette zone, la Fondation Mohammed VI a, notamment, planté des milliers de jeunes palmiers.
Un arrosage continu devrait mettre fin à cette situation… si seulement Marrakech ne consommait pas plus d’eau qu’elle ne devrait.
Gourmandise
Il y a quelques jours, le Maroc a été honoré du titre de « Meilleure destination africaine de tourisme golfique de l’année ». Pour de tels prix, les pelouses doivent être régulièrement arrosées. Gourmande d’une visibilité à l’international, et ambitieuse assumée d’être LA destination golfique du pays, Marrakech ne lésine pas sur les moyens pour rester au vert.
Face aux problèmes de sécheresse, la société civile ne reste pas silencieuse. Au contraire, elle propose même la solution des jardins en gravier, en remplacement des pelouses. Aussi, une réutilisation des eaux usées peut être une solution pour l’arrosage des espaces verts. Une solution, déjà mise en place dans la plupart des cas.
Toutefois, les jardins représentent un investissement écologique significatif. Selon les données de l’Agence du bassin hydraulique de Tensift (ABHT), l’arrosage des 26 espaces verts publics de la ville, couvrant au total 228 hectares, nécessite environ 3,6 millions de mètres cubes d’eau par an. Cela représente près de 4,5% de la consommation annuelle en eau de la région du Grand Marrakech.
Malgré cette réalité aberrante, les Marrakchis semblent attachés à ces espaces verts publics. Culturellement, les familles ont pour habitude de sortir en fin de journée, en été, pour se rafraîchir en s’asseyant quelques heures.
Afrique : le Maroc remporte le titre de meilleure destination golfique
Paresse
A lorgner la route du quartier Semlalia, l’on remarque de nombreux établissements fermés, laissés à l’abandon. Ils rappellent qu’à une époque, la ville de Marrakech a été bien trop gourmande en constructions. Pour répondre à une demande croissante, la ville n’a pas hésité à construire, toujours plus, sans penser au long terme.
« Il y a un changement de modèle économique au niveau du tourisme. Le tourisme des années 80, des années 70, n’est pas le tourisme actuel. Nous avons complètement changé de modèle. Les grandes années du tourisme lorsque les tours opérateurs ramenaient les touristes. Ces derniers restaient une semaine au Maroc, ils ne venaient pas pour 3-4 jours. A cette époque nous avions besoin de capacités litières et c’est là que nous avons eu toute une flopée d’hôtels qui s’est ouverte. Des hôtels dont nous avions besoin, mais qui n’étaient pas vraiment aux normes hôtelières. Les gens ont fait ce qu’ils pouvaient avec ce qu’ils avaient », nous explique Zemrani.
D’anciennes villas, transformées en hôtels, en montant en hauteur. De grandes maisons donnant place à des boutiques hôtels, d’une capacité d’une centaine de chambres. Ces hôtels-là ont commencé à voir le jour à partir des années 70, début des années 80. Ils étaient essentiellement au service des tours opérateurs qui avaient la charge de remplir les chambres de manière hebdomadaire. Il s’agissait, en prévalence d’un public du troisième âge.
Aujourd’hui, ce type de clientèle, est moins présent. « La clientèle actuelle c’est une clientèle qui d’abord ne vient plus avec les tours opérateurs, ce sont des gens qui sont libres, qui prennent leur billet d’avion sur des compagnies low cost, qui débarquent et ne vont pas dans les hôtels, plutôt dans du Airbnb, dans des appartements. », détaille Zemrani.
C’est bien pour ça que ces hôtels sont tombés en décrépitude. Fouzi Zemrani a proposé une solution dans son blog, à savoir la transformation de ces hôtels en campus universitaire. Le quartier Semlalia, entre autres, deviendrait un quartier universitaire, dans une grande ville universitaire, où règne un sentiment de sécurité.
L’envie
A quelques kilomètres de Marrakech, se trouve le chef-lieu du rêve de la région. Cette dernière a vu grand, et a tenté de faire du désert d’Agafay, une destination touristique. Très prisé, dans un premier temps, après la réouverture des frontières post-pandémie, le désert a été victime de son succès. Cette popularité croissante entraîne une augmentation des campements et d’un genre d’activités qui perturbent la tranquillité naturelle de la région. Agafay, surnommé le « désert marrakchi », est un désert de pierres offrant un paysage aride et rocheux, attirant les visiteurs en quête d’aventure avec des activités comme des balades en quad ou à dos de dromadaires, offrant des vues sur l’Atlas.
« Il y a des moments où le désert d’Agafay n’est plus un désert, il y a tellement de monde qu’il porte mal son nom. Les gens viennent et s’installent et vous avez des ouvertures de campements, en dépit du bon sens. Vous avez la même chose également du côté de Merzouga, au niveau du parc du Toubkal. Avec la surfréquentation du parc du Toubkal et surtout des gens qui ne sont pas respectueux de l’environnement. Des gens qui jettent leurs détritus, qui ne les ramassent pas et ainsi de suite. Je parle des touristes aussi bien nationaux qu’internationaux. Souvent les nationaux sont moins respectueux que les internationaux. Les internationaux ont des habitudes et font attention. Et on se doit, aujourd’hui, de protéger ces lieux qui sont des lieux mythiques. Le parc de Toubkal est très fréquenté, on parle de 30.000 visiteurs par an, c’est un chiffre important », déclare Zemrani.
La multiplication des campements, a perturbé les opérateurs établis depuis des années, et surtout axés sur le respect de l’authenticité des lieux. A contrario, cette nouvelle génération de touristes, attirés par des campagnes abusives d’influenceurs engagés par la ville, ne respectent pas la tranquillité des lieux. Musique, soirée, quad… tout y passe.
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Luxure
En avril 2024, une enquête débute après la découverte du corps sans vie d’une jeune femme de vingt ans, retrouvée dans la piscine d’une villa à Ouahat Sidi Brahim. Des analyses supplémentaires ont été demandées pour compléter les résultats de l’autopsie, après la remise du corps à la famille.
L’Association marocaine des droits humains (AMDH) de Marrakech a réagi vivement, appelant à une enquête approfondie et à une lutte renforcée contre le tourisme sexuel. Elle a critiqué les termes utilisés pour qualifier les délits présumés, soulignant que les actes allégués, tels que l’« atteinte à la pudeur sans violence », sont en réalité des violations graves des droits de l’Homme, surtout en cas de viol ou d’exploitation sexuelle de mineurs.
Alors que nous entendons de moins en moins parler d’exploitation de mineurs, le problème n’en demeure pas moins, toujours existant, selon Najat Anwar, présidente de l’association Touche pas à mon enfant.
Le Brief : Comment est la situation de pédo-criminalité actuellement à Marrakech ? (Amélioration ou recrudescence ?)
Najat Anwar : À Marrakech, la situation des crimes d’agression sexuelle sur les enfants demeure préoccupante, suivant une tendance similaire aux années précédentes, notamment dans les autres provinces de la région de Marrakech. Il est difficile d’évaluer une amélioration ou une détérioration de la situation tant que des obstacles au signalement persistent, tels que des facteurs sociaux et la peur. Il est crucial d’examiner les éventuelles améliorations dans les mécanismes de signalement et dans la politique de prise en charge des enfants victimes de violence à Marrakech.
Le Brief : Pouvez-vous nous raconter comment certains ont profité du désarroi de certaines familles, au lendemain du tremblement de terre ?
Najat Anwar : Certains influenceurs ont profité de la confusion lors du tremblement de terre, mais cela ne concerne pas la totalité des acteurs. Certains ont harcelé des mineurs, et des déclarations ont été faites par des personnes prêtes à épouser des mineures orphelines. Par ailleurs, l’organisation a reçu des informations et des plaintes concernant des personnes ayant profité de la situation chaotique après le séisme pour agresser des enfants et des mineurs, y compris des habitants des zones sinistrées, ainsi que des personnes se faisant passer pour des membres de groupes humanitaires.
Le Brief : Quels sont les défis spécifiques rencontrés lors de la poursuite des affaires de pédo-criminalité et de protection des victimes ?
Najat Anwar : L’organisation est confrontée à plusieurs défis, notamment la peur des familles des victimes du regard de la société et de son impact, qui peut conduire à dissimuler le crime. Il existe également des difficultés à agir en tant que partie civile dans ces affaires en raison des frais requis pour les procédures légales. De plus, la prise en charge psychologique est problématique en raison du manque de spécialistes et de l’absence d’une politique claire de prise en charge psychologique des enfants victimes de violence.
Le Brief : Qu’est-ce qui est mis en place actuellement pour contrer cette situation ? Juridiquement et culturellement ?
Najat Anwar : Le Royaume du Maroc, par le biais du ministère de la Famille et de la Solidarité, en collaboration avec tous les secteurs ministériels concernés et la société civile, a mis en place un système national de protection de l’enfance visant à généraliser les centres de protection de l’enfance et à renforcer le domaine social dans toutes les provinces du Royaume. L’organisation participe à ce système en partenariat avec le ministère de la Santé et de la Protection sociale, ainsi qu’avec l’Entraide nationale à travers l’unité de proximité pour la prise en charge des femmes et des enfants victimes de violence à Sidi Bouknadel.
*Nous avons tenté de contacter Fatima Zahra Mansouri, maire de Marrakech, afin d’aborder avec elle les problématiques que rencontre la ville qu’elle dirige. A ce jour, cette tentative demeure sans suite.
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