Depuis plusieurs mois, l’Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG) Casablanca, qui dépend de l’Université Hassan II, vit dans un climat malsain. Plaintes répétées des étudiants, tensions entre le corps professoral et la direction… Mais la goutte qui a fait déborder le vase est l’affaire d’un PV d’un conseil exceptionnel de l’institution qui aurait été falsifié. Ce PV contesté, loin d’être le seul, n’est que l’arbre qui cacherait la forêt. Nous avons investigué sur ce qui se passe à l’ENCG Casa auprès du corps professoral et des étudiants de l’établissement. L’ensemble des témoignages nous ont été fournis sous couvert d’anonymat. Les personnes concernées craignant d’être identifiées et de subir des intimidations… Le directeur par intérim, Pr. Smail Kabbaj, quant à lui, ne bronche pas d’un cil. Il nous a livré sa version des faits. Enquête…

Le 19 mai 2022, LeBrief publiait un article sur la grogne des enseignants de l’Ecole nationale de commerce et de gestion de Casablanca. Ces derniers avaient annoncé l’organisation d’un sit-in devant la présidence de l’Université Hassan II de Casablanca pour protester contre « les décisions unilatérales et illégales » émises par la direction de l’ENCG Casablanca. Près de deux ans après, les choses ne sont toujours pas rentrées dans l’ordre.

19 avril 2024… Notre scène prend place dans l’illustre ENCG Casablanca. Alors que cet établissement rayonne, de par sa réputation, depuis la Covid-19, les choses semblent avoir changé.

Et, fait d’actualité, les professeurs ne se taisent plus, et dénoncent de nombreuses falsifications et infractions des lois et des règlements qui auraient été commises par Pr. Smail Kabbaj, directeur par intérim de l’école depuis sa nomination. La dernière affaire en cours est l’histoire de 16 projets de masters qui auraient été adoptés alors même qu’ils n’auraient pas été présentés ou préalablement exposés ni aux membres des conseils des départements, ni aux membres de la commission pédagogique issus du Conseil de l’établissement.

«Nous ne sommes pas informés de la part de la direction, et nous n’avons rien reçu de la part du directeur par intérim. Aucun document officiel, soit par courrier, soit par e-mail, rien, alors que des professeurs proches de la direction ont pu avoir l’information et ont pu préparer et déposer leurs projets de masters. Et je le défie aujourd’hui, de nous montrer la preuve de cet envoi ou de cet avis», précise l’un des professeurs de l’ENCG ayant préféré garder l’anonymat. Il s’agit donc, selon notre interlocuteur, d’une infraction à la circulaire ministérielle du 23 janvier 2024, qui annonce le processus de dépôt des demandes d’accréditation des masters pour la session d’évaluation 2024. Une façon de faire opaque, sélective et inégale.

De par la loi et en se référant au règlement intérieur des départements, validé et approuvé par le Conseil d’Université, un chef de département n’a pas le droit de signer ou de prendre une décision sans l’avoir soumise au conseil du département pour discussion et approbation.  «Le Chef de département de Commerce s’est permis de signer les projets de masters sans respecter cette procédure. Il n’a même pas informé les enseignants, seulement le coordinateur du département Gestion qui vient d’être nommé par le directeur par intérim le 28 février 2024 (qui n’est autre que son directeur-adjoint chargé des affaires pédagogiques, récemment démissionnaire). Lui aussi s’est permis d’approuver et signer les projets des masters après la date de la tenue urgente du Conseil d’établissement (tenue le 21 février 2024). Cela, en violation du respect de la procédure suivie en la matière qui exige de présenter ces projets de masters au Conseil de département pour étude et approbation avant de les présenter au Conseil d’établissement pour discussion et approbation», nous détaille notre source.

Ancien organigramme de l'ENCG Casablanca

Ancien organigramme de l’ENCG Casablanca

Ancien organigramme de l'ENCG Casablanca

Ancien organigramme de l’ENCG Casablanca

Afin de dénoncer cette affaire de masters, qui auraient été passés de manière frauduleuse, une équipe pédagogique membre du Conseil d’établissement a adressé un courrier au président de l’Université Hassan II, via un huissier de justice. Une copie a d’ailleurs été envoyée à d’autres parties concernées : le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, et l’inspecteur général du ministère de l’Enseignement supérieur et l’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité de l’enseignement supérieur (ANEAQ), en tant qu’instance chargée des accréditations définitives des masters au niveau national. Jusqu’à ce jour, ces membres n’ont reçu aucune suite, ni à leur courrier, ni à leur demande d’audience, de la part du président de l’université.

En réponse à un article paru dans le journal Al Akhbar, Pr. Smail Kabbaj, déclare avoir bien dirigé cette réunion dans les normes. Fait remis en cause par une partie de l’équipe pédagogique, non-conviée.

Paralysie à l’ENCG Casablanca

L’établissement casablancais semble être dans un état de paralysie pour la première fois depuis sa création en 2007. «Depuis l’arrivée de l’actuel directeur par intérim, les perturbations s’accumulent, les clans se forment, les professeurs, administrateurs, agents de sécurité souffrent, et les étudiants vivent dans la peur, l’angoisse, la non-équité et la non transparence», nous déclare un autre professeur. Cette situation s’était conclue, en septembre 2022, par une grève de 4 semaines observée par les professeurs de l’établissement contre les agissements du directeur par intérim, pour non-respect des textes législatifs et des règlements, dépassements répétitifs et non-respect des instances : «l’implication et l’autonomie des conseils des départements et les réunions du Conseil d’établissement : durant les 3 dernières années, le directeur a convié les membres du Conseil à plus de trente réunions, dont dix-sept programmées à titre exceptionnel ou d’urgence. Les treize dernières réunions n’ont pas eu lieu lors de sa première session, faute du quorum».

Il est intéressant de noter que tous les résultats des élections concernant les différentes instances de l’école, organisées en novembre 2023, ont été annulées par la présidence de l’Université Hassan II, une première dans un établissement universitaire marocain. «Certaines de ces élections ont été refaites, alors que le directeur par intérim refuse toujours de proposer une date pour lancer les élections des représentants des PES (Professeur de l’enseignement supérieur, NDLR) et du chef du département de Gestion. En sa qualité de président du Conseil, le directeur par intérim tient à inviter les quatre professeurs représentants des PES en tant que « membres », et accepte que l’un d’entre eux soit le rapporteur de la réunion urgente du conseil du 21 février, ce qui est considéré comme une violation des exigences légales et invalide ainsi toute tenue d’une réunion du Conseil et par conséquent rend toute décision prise comme nulle et sans aucun effet juridique», nous explique l’un des professeurs concernés.

Vivant dans une pression constante, les professeurs recevraient des avertissements de manière récurrentes, sans raison valable.

«Dans toute institution, il y a une fraction qui ne goûte pas à l’application de la loi, et c’est ce qui se passe actuellement à l’École Nationale de Commerce et de Gestion de Casablanca. La plupart des professeurs et employés sont convaincus que ce que fait la petite fraction opposante, qui se compte sur les doigts de la main, n’est qu’une tentative de pression sur la direction pour obtenir des privilèges que la loi n’accorde pas. Lorsque la direction refuse de les leur accorder, ils protestent, mobilisent les syndicats »
Pr. Smail Kabbaj en réponse à une de nos questions

Suite aux résultats du concours relatif au poste de directeur de l’Ecole nationale de commerce et de gestion de Casablanca, et dans le cadre de délibérations et d’approbation des travaux du Conseil de l’Université Hassan II de Casablanca, tenues le 30 novembre 2023, sous la présidence du président de l’Université, et conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par la loi 00-01 relative à l’enseignement supérieur et en application de l’article 20 de ladite loi, le Conseil a rejeté à l’unanimité la nomination du directeur sortant Smail Kabbaj.

Les raisons citées, auxquelles LeBrief a eu accès, étant «la mauvaise gestion, les perturbations incessantes, les problèmes successifs qu’a connu l’établissement au cours de ce mandat, la démission du directeur adjoint, la démission de cinq chargés de mission, la mise à pied du secrétaire général, la démission du chef du service financier, l’absence de chef de département Gestion… ». «Cela donne raison à la « petite fraction opposante » dont parle le directeur par intérim», réagit une de nos sources aux réponses du Pr. Kabbaj.

L’école semble tituber et vacille dans le sens d’une entreprise qui court à la faillite.

En réponse aux accusations portées contre lui, Pr. Smail Kabbaj, directeur par intérim de l’ENCG Casablanca, a répondu de manière officielle à nos questions. Ses réponses sont relayées sans correction ni modification de notre équipe rédactionnelle.

LeBrief : Concernant l’histoire du PV falsifié, quelle est votre version des faits ?

Pr. Smail Kabbaj : Tout d’abord, avant de vous présenter la vérité sur ce qui s’est passé concernant le procès-verbal mentionné dans votre question, je vous assure que la Direction de l’école Nationale du Commerce et de la Gestion Casablanca empruntera toutes les voies légales pour défendre sa réputation afin que tous ceux impliqués dans l’exagération de cette affaire fabriquée soient punis, notamment parce qu’elle comprenait des accusations graves basées uniquement sur les déclarations de quelques professeurs habitués à la calomnie pour nuire à la réputation de l’école et de son directeur. Pour revenir aux détails de ce qui s’est passé, sachez que, suite à une correspondance du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation invitant les professeurs à préparer la présentation des formations de master pour l’année universitaire à venir, et dans un délai très court, la direction de l’École Nationale du Commerce et de la Gestion a convoqué de manière exceptionnelle le conseil de l’établissement le 21 février 2024, afin d’étudier et d’approuver les projets présentés.

Selon l’article 22 du règlement intérieur du conseil de l’établissement, la direction de l’École Nationale du Commerce et de la Gestion a envoyé les invitations aux membres du conseil le 19 février 2024. Le 21 février 2024, à 14h30, le conseil exceptionnel de l’institution s’est tenu en présence de 17 membres du conseil, comme l’indique la liste de présence signée par les participants. L’ordre du jour et la liste des formations proposées ont été distribués.

Au début de la réunion, en tant que directeur de l’école, j’ai rappelé les points à l’ordre du jour et confirmé que la réunion du conseil était légale, le quorum ayant été atteint, et que le recours déposé concernant l’élection d’une catégorie de professeurs de l’enseignement supérieur était un sujet de litige présenté à la présidence de l’université et concernait deux professeurs présents au conseil qui n’étaient pas dépourvus de leur statut jusqu’à une nouvelle élection, si une telle décision était prise. Par la suite, j’ai présenté les formations proposées et invité à voter sur les points inscrits à l’ordre du jour, où les résultats étaient les suivants : 10 pour, 4 contre et les autres se sont abstenus, et donc, les formations proposées ont été approuvées et la session du conseil exceptionnel a été levée.

Ensuite, le 25 mars 2024, la direction de l’École Nationale du Commerce et de la Gestion à Casablanca a été surprise de recevoir des correspondances de la part de 5 professeurs membres du conseil, dont 4 étaient sur la liste des opposants aux résultats de la réunion exceptionnelle et une professeure qui n’avait pas assisté à la réunion exceptionnelle du conseil, comme le montre la liste de présence, adressées à un groupe de membres du conseil incluant des accusations, des insultes et des menaces.

Le 4 avril 2024, la direction de l’École Nationale du Commerce et de la Gestion à Casablanca a été surprise par la publication d’un article dans le journal Al-Akhbar dans son numéro 3447 du jeudi 4 avril 2024, en première page, sous le titre principal : « Suspicion de falsification ébranle l’Université Hassan II de Casablanca« . Cet article contenait une série de faussetés et d’accusations graves allant jusqu’à accuser la direction de l’École Nationale du Commerce et de la Gestion de « falsification et de fabrication des procès-verbaux d’approbation des projets de master« , ainsi que de « duperie, altération et tromperie des professeurs, des administratifs et du ministère » et de commettre des « violations pédagogiques, administratives et financières« . Le journal Al-Akhbar a par la suite pris conscience de cela, publiant une clarification sur le sujet, et a corrigé tout ce qui avait été propagé d’affirmations et d’accusations irresponsables.

LeBrief : Par ailleurs, l’on nous a rapporté que vos méthodes ne convenaient pas à toute l’équipe pédagogique et que vous mettiez en œuvre des actions pour faire virer les professeurs qui sont contre vous, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Pr. Smail Kabbaj : Cette question est relative, car dans toute institution, il y a une fraction qui ne goûte pas à l’application de la loi, et c’est ce qui se passe et se passe actuellement à l’École Nationale de Commerce et de Gestion de Casablanca. La plupart des professeurs et employés sont convaincus que ce que fait la petite fraction opposante, qui se compte sur les doigts de la main, n’est qu’une tentative de pression sur la direction pour obtenir des privilèges que la loi n’accorde pas. Lorsque la direction refuse de les leur accorder, ils protestent, mobilisent les syndicats et utilisent la presse pour nuire à la réputation de l’institution et de son directeur.

Le Brief : Il y a un membre de votre équipe qui a démissionné dernièrement et qui vous accuse de fausser les comptes, que pourriez-vous lui dire ?

Pr. Smail Kabbaj : Le membre démissionnaire que vous avez mentionné a effectivement soumis sa démission pour des raisons personnelles, et non en protestation contre la manière de gérer l’École Nationale de Commerce et de Gestion de Casablanca. La preuve en est qu’il faisait partie des professeurs présents à la dernière réunion du conseil de l’institution, et il a exprimé son désaccord avec les actions des professeurs opposants qui cherchent actuellement à nuire à la réputation de l’institution.

Le Brief : Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé avec la dame de l’équipe administrative qui a fait une fausse couche ?

Pr. Smail Kabbaj : Cette affaire est close depuis longtemps, et certains essaient de la remonter, bien qu’ils sachent que le directeur n’a aucun lien avec l’affaire, de près ou de loin. Vous pouvez contacter l’employée concernée, et elle vous confirmera cela.

Le Brief : Sur TikTok, notamment, on retrouve beaucoup de vidéos/témoignages d’étudiants, tournées pour certaines dans vos locaux, qui se plaignent de problèmes de soudoiement pour avoir un master chez vous, que pourriez-vous répondre à cette grave accusation ?

Pr. Smail Kabbaj : Je ne suis pas au courant de l’existence de telles vidéos, mais si certains les diffusent comme preuve de violations dans l’institution, je demande, depuis cette tribune, à la présidence de l’université et au ministère de l’Enseignement Supérieur d’ouvrir une enquête sur le sujet. Si ceux qui diffusent les vidéos cherchent seulement à nuire à la réputation de l’institution, nous exercerons également notre droit de poursuivre toute personne qui tente de propager des mensonges et des erreurs dans le but de nuire à la réputation de l’institution.

Des enquêtes en cours…

Les multiples violations des lois, ainsi que les nombreux courriers de certains membres de l’équipe pédagogique, ont apparemment trouvé réponse auprès des hautes instances. Ces dénonciations ont abouti à l’ouverture d’une enquête par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), sous les instructions du procureur général du Roi, sur le directeur par intérim actuel de l’ENCG Casablanca. Selon une source bien informée, de nombreux professeurs et administrateurs ont été d’ailleurs convoqués et sont actuellement entendus pour témoigner à ce propos. L’occasion de démêler le vrai du faux des nombreux soupçons d’infractions et multiples transgressions, relevant du pénal, dans des aspects pédagogiques, scientifiques, financiers, administratifs et de gouvernance. «J’y ai passé plus de quatre heures. J’ai parlé de tous les dépassements, les infractions et les règlements de comptes faits par le directeur par intérim», déclare un enseignant entendu par la police judiciaire.

Par ailleurs, selon une autre source, le directeur par intérim est également poursuivi en justice par plus d’une dizaine de professeurs pour des affaires administratives, pour abus de pouvoir et non-règlement de leur dû de plus de trois ans. Selon cette source, le non-paiement des professeurs, s’accompagnerait aussi d’importants retards de paiements de plusieurs entreprises de services, traiteurs et autres.

Couloirs de l'ENCG Casablanca

Couloirs de l’ENCG Casablanca

L’école organiserait constamment, sans aucune validation ni des projets ni du budget de la part du Conseil d’établissement, de somptueuses réceptions pour de hauts décisionnaires, à coups de macarons et autres délices à plus de 19 DH la pièce. «Un budget n’est jamais présenté ou validé par le Conseil d’établissement depuis bientôt cinq ans et les décisions prises de façon unilatérales par le directeur par intérim vont à l’encontre de toutes les exigences légales et des procédures réglementaires», explique notre source.

Malversation, sur fond d’argent public

Pourquoi une personne tiendrait à ce point à la direction d’une école publique ? Cette question a été posée à nos sources, et les réponses font froid dans le dos. Selon les dires de Pr. Smail Kabbaj, l’ENCG tournerait avec un budget d’environ 26 millions de DH (MDH) par an. Bien plus, selon nos sources. «Juste l’argent de la formation continue cumule un montant supérieur à ce chiffre sans aucun contrôle ou reddition des comptes. Et c’est grâce aux efforts des professeurs qui travaillent les soirs et les week-ends pour assurer les cours à plus de 1.000 étudiants, pas le directeur par intérim qui n’a jamais dispensé de séance, même s’il en tient toujours la responsabilité», explique notre première source.

La même source s’interroge aussi sur les raisons qui empêchent le directeur par intérim de nommer un directeur adjoint, chargé de la formation continue, alors qu’il aurait procédé à la nomination de huit autres directeurs adjoints dans une école n’excédant pas 3.000 étudiants, et dont cinq ont présenté leurs démissions et non pas été remplacés.

Par ailleurs, les cérémonies seraient nombreuses au sein de l’école, et absorbent des montants exorbitants des fonds publics sans aucune utilité pédagogique ou scientifique, ni aucune procédure de programmation ou de contrôle. Des montants que le traiteur ne perçoit pas forcément. «La consommation de crédits destinés à des cérémonies s’élève en moyenne à plus de 40.000 DH par mois en apéritifs seulement, dépassant de loin les dépenses prévisionnelles du budget des réceptions des établissements universitaires publics», nous explique l’une de nos sources. Ces montants seraient directement prélevés sur les fonds propres de l’école (formation continue). Un budget qui n’aurait jamais été validé par le Conseil d’établissement.

Tente Caïdale à l'ENCG Casablanca

Tente Caïdale à l’ENCG Casablanca

Outre ce point, des problématiques reviennent dans l’ensemble des témoignages recueillis : la programmation de travaux de restauration, de réaménagement et de repeinture, en continu tout au long de l’année, sans l’avis du Conseil d’établissement et le suivi les procédures de programmation et de contrôle… «On peut citer l’installation et l’équipement d’une tente Caïdale permanente dans la cour de l’établissement, une dépense d’argent public pour l’organisation de fêtes et de banquets qui n’ont aucun rapport avec l’enseignement supérieur ou la recherche scientifique, ainsi que la création et l’équipement d’une crèche depuis plus de deux ans qui a été récemment démolie et qui n’a jamais fonctionné».

Crèche à l'ENCG Casablanca

Crèche à l’ENCG Casablanca

Harcèlement moral

Le plus triste dans cette histoire, quelle que soit la partie gagnante, qui a tort, qui a raison, c’est le mal-être des étudiants. Comblés, dans un premier temps, d’être admis dans l’une des meilleures écoles du pays. Ils déchoient rapidement en constatant, en interne, un aspect peu reluisant de favoritisme. Dignes de la génération Y et Z, les jeunes étudiants ne se taisent pas et s’expriment à bras-le-corps sur les réseaux sociaux. «Il a rendu une école prestigieuse en vraie dictature», pouvons-nous lire en commentaire sur une vidéo diffusée sur TikTok.

En plus de deux enregistrements audios qui circulent sur les médias sociaux exposant les agissements de la direction de l’établissement telles que les demandes de transfert des étudiants des autres ENCGs vers l’établissement, sans critères objectifs, et qui dépasseraient les 30% des inscrits chaque année.

Le mal-être des étudiants est facilement percevable à travers de nombreux commentaires mettant en avant le creux social et financier entre eux face à l’équité et à l’égalité des chances, comme cela devrait être le cas pour tous.

@ghitabouz3 #smailkabbaj #encgcasablanca #chouha #corruption #foryoupagemorocco ♬ son original – ghitabouz3

Face aux comportements, jugés abusifs du directeur par intérim, des étudiants ont adressé un mail ouvert et anonyme aux professeurs, les appelant au ″secours″. Dans ce mail, nous pouvons dénoter la dénonciation d’un abus de pouvoir. Nous avons questionné un professeur à ce propos, qui nous a confirmé l’ensemble des accusations des étudiants. «Je vois certains étudiants bénéficier d’avantages aux détriments des autres, d’autres admis aux programmes d’échanges et de doubles diplomations, sans implication des conseils des départements et sans critères communiqués ni aux professeurs, ni à l’ensemble des étudiants. Le corps professoral n’est pas avisé des dates des concours, des programmes d’échanges, du nombre des places disponibles, des semestres concernés, des dates de départ ou de retour des admis», s’esclaffe le professeur.

 

Mais où est le ministère dans tout ça ?

« La question qui se pose est la suivante : où est le ministre de l’Enseignement supérieur ? Qu’attend-il pour réagir à toutes ces nombreuses infractions et multiples transgressions de la loi et les réglementations confirmées par l’audit réalisé par la cellule chargée de l’audit interne ? Un audit relevant de l’Université Hassan II et transmis par l’actuel président au ministre Abdellatif Miraoui, ainsi qu’à toutes les correspondances envoyées à la présidence, au ministère de tutelle ainsi qu’à l’inspection générale du ministère pour dénoncer la paralysie totale que vit cette école depuis maintenant bientôt cinq ans.», s’interroge une de nos sources.

Nous avons tenté de contacter le président de l’Université Hassan II, Houssine Azeddoug, ainsi que le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, afin d’avoir leurs avis sur les différentes questions soulevées dans cette enquête. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous sommes encore dans l’attente de leurs réponses.

Cette enquête a été menée sur la base de témoignages, citations et documents de professeurs dont LeBrief détient des copies.

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