Image d'illustration. © DR
Tout a commencé par une vidéo filmée par deux vacancières, scandalisées par un cinquantenaire s’adonnant publiquement [sur la plage de Oualidia] à des attouchements sur un enfant au vu et au su des estivants, a soulevé la toile. Dès le samedi 12 août, la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) relevant de la ville d’El Jadida a ouvert une enquête judiciaire sous la supervision du parquet compétent, avec comme objectif de faire la lumière sur les actes criminels imputés à cet homme de 57 ans, soupçonné d’être impliqué dans une affaire d’«attentat à la pudeur sur un enfant mineur».
En effet, la famille d’un enfant de neuf ans avait déposé plainte à l’encontre du suspect, qui dirige une association sportive dans le quartier d’Anassi à Casablanca. Interpellé par la police judiciaire, le mis en cause est désormais en détention préventive à la prison locale de Sidi Moussa à El Jadida, mais l’affaire est loin d’être close. Le journal arabophone Al Ahdath Al Maghribia rapporte que la garde à vue du «pédophile de la plage» a été prolongée de 24 heures par le procureur général du Roi près la cour d’appel d’El Jadida pour approfondir l’enquête. La justice souhaite auditionner les mineurs qui étaient en sa compagnie pour vérifier si le suspect a porté atteinte à d’autres victimes.
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Ce mercredi 16 août, la même source précise que le juge d’instruction poursuit le pédophile pour «viol d’un mineur avec violence» et «traite d’êtres humains». Il a également ordonné qu’il soit écroué à la prison locale de Sidi Moussa, en attendant la première audience qui sera consacrée à l’instruction détaillée. Celle-ci a été programmée pour le 30 août prochain.
Des associations éducatives et de protection de l’enfance se sont coordonnées pour saisir la justice, en se portant partie civile. Elles affirment que contrairement à certaines fausses informations, l’organisation sportive du mis en cause n’est aucunement liée au programme national des colonies de vacances.
Une «sortie illégale» et vingt mineurs
Le mis en cause avait organisé une excursion «illégale» à El Jadida pour plus de 20 mineurs, où il leur a loué un appartement au prétexte d’y passer des vacances de dix jours. Selon la Fédération nationale des colonies de vacances (FNCV), citée par Yabiladi, l’inculpé aurait précédemment lancé un appel sur les réseaux sociaux pour organiser «une sortie à la plage de Oualidia, dans la province d’El Jadida du 1er au 10 août, comme annoncé sur la page Facebook de ladite association, et non un camp de colonie de vacances, avec la participation de 19 enfants pour qui un appartement de seulement deux pièces a été loué». Mais l’affaire qui a éclaté au grand jour a abrégé ce séjour.
«Le mis en cause a organisé cette sortie de son propre chef, en réunissant de l’argent auprès des parents d’enfants et en laissant croire qu’ils iraient en colonie de vacances. Or, il y a lieu de se demander comment, étant accompagné de 19 mineurs, il n’a attiré l’attention de personne et il a pu louer un espace d’hébergement qui ne correspond aucunement aux règles minimales de prise en charge des enfants. Cet élément à lui seul devait alerter, à commencer par la personne qui a mis son local à la disposition du concerné, ainsi que les autorités locales, lorsqu’on sait qu’il était le seul adulte non tuteur à les accompagner», a déclaré auprès de Yabiladi Mohamed Hajjioui, président national de l’Organisation des pionniers enfants du Maroc.
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Seulement, ce sera dans un endroit public que le prédateur est démasqué. Al Ahdath Al Maghribia explique que l’une des deux personnes, ayant documenté les faits incriminés, a d’abord constaté de visu les attouchements de ce pédophile envers des enfants qui l’accompagnait à la plage. Ces derniers ont eu lieu dans l’eau. C’est là qu’elle a décidé de guetter le comportement de l’accusé à sa sortie de mer et qu’elle a constaté qu’il continuait ses actes envers l’un des enfants en question.
La vidéo montre clairement la scène de manière à ne laisser place à aucune équivoque sur l’identité de l’agresseur et la nature de ses actes. Ce dernier a vainement essayé de se couvrir le visage ainsi que celui de sa victime avec un t-shirt afin de ne pas être reconnu, mais c’était déjà trop tard. Le visage et une partie de son corps camouflés, ses mouvements laissaient pourtant suggérer qu’il se donnait à des attouchements ainsi que des baisers sur différentes parties sensibles du corps de l’enfant.
Selon les images, le cinquantenaire a agressé sexuellement un enfant de moins de neuf ans, devant ses camarades, «de manière à ce que cet acte odieux leur paraisse comme une normalité et les concerne ensuite tous, au nombre de 19», s’est indignée l’organisation.
Nier les faits d’abord !
D’après Al Ahdath Al Maghribia, cette vacancière a prévenu la brigade de police chargée d’assurer la sécurité sur la plage. Des éléments de la Sûreté nationale ont par la suite été dépêchés sur place et ont interrogé l’individu sur ses liens avec les enfants qui l’accompagnaient.
À la préfecture de la police de la ville d’El Jadida, une mobilisation générale a été lancée pour enquêter sur les actes criminels. En très peu de temps, l’agresseur a pu être identifié et sa victime aussi. Une plainte a, par la suite, été déposée par la famille de la victime qui a pu identifier son enfant dans la scène.
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Les sources d’Al Ahdath Al Maghribia rapportent que l’accusé a déjà tenté de nier les faits qui lui sont reprochés lorsqu’il a été entendu la première fois par les services de la police judiciaire. Dans un premier temps, il leur a annoncé qu’ils faisaient tous partie d’une même famille, avant de se rétracter et de déclarer qu’il était en fait le président d’une association qui organise des sorties collectives pour des enfants. Sauf que l’accusé n’a pu présenter aucun document l’autorisant à organiser ce genre de sorties.
Ses tentatives de mensonge n’ont pas pu tenir longtemps face aux enquêteurs qui l’ont mis devant les preuves l’incriminant, dont une vidéo le montrant en flagrant délit. Il s’est alors rapidement «effondré» et a tout déballé. Il a ainsi reconnu ses actes pédophiles.
Par ailleurs, le quotidien arabophone fait remarquer que l’une des vacancières ayant révélé cette affaire a aussi indiqué que la mère de la victime semblait être au courant des pratiques du pédophile. Cette mère faisait même partie des organisateurs de cette sortie. Des soupçons pèsent sur une prétendue relation qui la lierait à l’accusé, lequel lui aurait promis le mariage si elle taisait ses crimes.
Acteur social depuis pas moins de 26 ans !
La FNCV a fait savoir que le mis en cause est «entraîneur de football, actif dans l’un des stades de proximité du quartier Anassi à Casablanca», où il préside l’Association des champions d’Anassi. Le responsable organisait régulièrement des excursions auxquelles participaient des mineurs.
Mais le samedi dernier, «il est démasqué par des vidéos compromettantes, mais ses victimes, des enfants vulnérables, sont trahis à la fois par leur agresseur et par une société qui les ignore. Combien d’autres histoires semblables restent-elles enfouies dans le silence, cachées dans l’ombre ? D’ailleurs, qui nous dit ce qu’il en est de tous ces enfants que les parents confiaient pendant une dizaine de jours à ce bourreau sans foi ni loi ?», écrit notre confrère de Maroc Diplomatique.
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Le caractère horrifiant de la scène, visible dans ladite vidéo, a suscité une vague de solidarité avec l’enfant et sa famille, notamment celle de Me Fatima Zohra Chaoui, avocate au barreau de Casablanca et vice-présidente de l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV). L’avocate se dit scandalisée par le fait que cet homme -qui jouit de la présomption d’innocence jusqu’à ce que la justice livre son jugement- ait pu «se faufiler, jusqu’ici, entre les mailles du filet des autorités». «L’agresseur est un responsable d’une association reconnue qui aurait dû être fiché», a-t-elle déploré.
L’association Touche pas à mon enfant a également dénoncé ces actes, en exprimant son indignation de «la présence de telles personnes à la tête d’associations qui ternissent le travail d’organisations dans le domaine du sport et détruisent ses nobles objectifs visant à diffuser la culture du sport comme hygiène de vie saine pour les enfants».
La Fédération, elle non plus, ne décolère pas, précisant que «l’intéressé a organisé un enlèvement [des mineurs] sous couvert d’une tromperie concernant un soi-disant voyage, pour recourir à un trafic d’enfants, porter atteinte à leur intégrité et les agresser». L’incrédulité et le choc sont grands parmi les parents des enfants adhérents à l’association. Au micro de 2M, ils décrivent le profil d’un prédateur bien caché, celui d’un homme qui a su inspirer la confiance aux habitants du quartier d’Anassi et dont personne n’a jamais douté.
Des réactions, malheureusement, après les faits
Dans un communiqué, Touche pas à mon enfant a fermement condamné cet acte odieux et a annoncé son engagement à prendre toutes les mesures nécessaires pour que le coupable soit puni conformément à la loi. De la même manière, l’Association des droits des enfants a fait part de son intention de solliciter les autorités compétentes en vue de discuter de cette affaire grave qui met en évidence de nouvelles stratégies utilisées par les pédophiles pour se rapprocher des enfants.
En ce sens, l’association Touche pas à mon enfant a lancé un appel à toutes les composantes de la société civile, quel que soit leur domaine d’activité, afin qu’elles unissent leurs forces pour organiser une mobilisation nationale visant à combattre la pédophilie et à empêcher qu’elle ne s’insinue au sein des associations et organisations, particulièrement celles à caractère sportif, qui pourraient être perçues comme des terrains de chasse pour ces prédateurs, à l’abri des regards.
Dans son communiqué, la section régionale de l’Organisation des pionniers enfants du Maroc dénonce les «actes d’un pédophile constituant une violation flagrante des droits de l’enfant» et «demande que la peine soit durcie pour l’auteur de ce crime grave, afin d’en faire un exemple pour tous ceux qui s’en prennent aux enfants, et de manière à garantir tous les droits des victimes soumises à des actes criminels aussi odieux».
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«Nous condamnons fermement cet acte criminel horrible et nous requérons auprès de notre honorable magistrature les peines maximales», a souligné l’instance. Dans ce sens, Mohamed Hajjioui a affirmé à Yabiladi qu’en tant que membre de la Fédération nationale des colonies de vacances, l’Organisation des pionniers enfants du Maroc fait également partie d’un réseau associatif constitué au sein de la FNCV, afin de coordonner et assurer le suivi de ce cas.
De son côté, l’AMDV affirme «Nous allons engager des contacts pour défendre la victime et sa famille comme nous allons suivre le dossier pour voir s’il n’y a pas d’autres victimes, la rumeur n’excluant pas cette hypothèse», a déclaré la vice-présidente de l’AMDV. Me Fatima Zohra Chaoui a d’autre part dénoncé la légèreté des verdicts prononcés par le passé dans les cas de viols avérés sur des mineurs, citant l’affaire de l’adolescente de Tiflet, ainsi que les affaires de viol de Tanger et de Safi.
L’avocate appelle par conséquent le législateur «à redéfinir juridiquement le mot viol, en ne se contentant plus de l’assimiler à un rapport homme-femme lors d’une agression sexuelle. Le viol est assimilé par erreur à une simple atteinte à la pudeur, ou «Hatk el Aard», dans les articles 484 et 488 du Code pénal», a-t-elle expliqué.
Mais cette affaire soulève bien d’autres questions. De nombreux citoyens ont exprimé leur choc émotionnel et leur grande colère et indignation en interagissant vivement à la vidéo, certes. Il est toutefois troublant de constater que les personnes ayant pris le pédophile en flagrant délit n’ont pas réagi. Comme l’écrit notre consoeur Souad Mekkaoui «la pédophilie n’est pas seulement le fait d’individus dérangés, c’est le symptôme d’une société qui ferme les yeux sur l’inacceptable».
Jusqu’à quand allons-nous fermer les yeux ou rester spectateurs passifs d’atrocités ? Car «l’indifférence, après tout, est le plus grand complice du mal».
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