Écoles Vs parents: qui aura le dernier mot ?
À peine ont-ils espéré souffler sous quelques beaux rayons de soleil, que les établissements privés ont annoncé à ces parents désemparés qu’ils devraient s’attendre à se serrer la ceinture. Pas de vacances, pour cette année, les rayons frapperont sur les reflets de la télévision familiale.
les écoles, comme toutes autres institutions, font face à une augmentation continue de leurs coûts de fonctionnementAbderrahmane Lahlou, directeur général du groupe ABWAB
En cause ? La nouvelle augmentation des frais de scolarité dans les écoles privées marocaines. Pas de fortes augmentations ? Ça dépend pour qui ! Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, en termes de finances. « Il est souvent mal compris que les augmentations des frais de scolarité restent modérées, généralement entre 5 et 10 %. Par exemple, 10% de 2.000 dirhams, cela ne représente que 200 dirhams supplémentaires par mois. Bien sûr, cela peut sembler beaucoup pour une petite école privée de quartier, mais ce n’est pas nécessairement le cas pour les établissements plus prestigieux où les coûts de fonctionnement sont plus élevés », déclare Abderrahmane Lahlou, directeur général du groupe ABWAB, à Le Brief.
Les établissements justifient ces hausses par la nécessité de faire face aux défis économiques actuels, notamment l’inflation et les coûts croissants de gestion. « Il ne faut pas oublier que les écoles, comme toutes autres institutions, font face à une augmentation continue de leurs coûts de fonctionnement. Les salaires des enseignants, le renouvellement du matériel pédagogique, l’entretien des infrastructures et l’intégration des nouvelles technologies sont autant de postes de dépense qui ne cessent de croître. Les augmentations des frais de scolarité appliqués reflètent ces réalités économiques et sont indispensables pour maintenir la qualité de l’enseignement », poursuit Lahlou.
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Que faut-il donc dire à ces familles qui se serrent déjà la ceinture pour donner à leurs enfants un accès à un bon enseignement ? Les familles, en particulier celles de la classe moyenne et ayant plusieurs enfants scolarisés, se voient confrontées à des charges financières supplémentaires, considérant l’éducation comme un investissement crucial pour l’avenir de leurs enfants.
Faire appel au ministère de tutelle ? Impossible. Le ministère de l’Éducation n’a aucun pouvoir de régulation sur les tarifs des écoles privées, lesquels sont fixés en fonction des dynamiques de marché. Bien que le ministère ait imposé des mesures de transparence, obligeant les établissements à détailler les coûts des services, ces initiatives ne suffisent pas à atténuer la pression ressentie par les familles.
Les augmentations des frais de scolarité ne vont en aucun cas à l’encontre du contrat-typeAbderrahmane Lahlou, directeur général du groupe ABWAB
Face à cette situation, l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc appelle à une intervention gouvernementale. Elle propose que les aides publiques soient étendues à tous les élèves, qu’ils fréquentent des écoles publiques ou privées, afin de garantir une plus grande équité dans l’accès à l’éducation. Cette mesure permettrait d’alléger la part financière des parents et de favoriser la démocratisation de l’éducation. L’Alliance suggère aussi des subventions ou des allègements fiscaux pour les familles, à l’instar de ceux accordés dans le secteur de la santé, afin de réduire la pression sur les infrastructures publiques et de limiter la surcharge dans les écoles.
Et pourtant…
Et pourtant… pourtant ! Il y a un an, un contrat-type a été instauré par le ministère de l’Éducation nationale pour structurer les relations entre les parents et les écoles privées. « Les augmentations des frais de scolarité ne vont en aucun cas à l’encontre du contrat-type, qui a été co-signé par le ministère de l’Éducation. Ce contrat n’est pas figé, il a été conçu pour être évolutif afin de s’adapter aux différentes dynamiques du secteur. C’est pourquoi il contient un avenant qui permet de prendre en compte les ajustements nécessaires en fonction des réalités économiques et des besoins pédagogiques. Il est essentiel de comprendre que ces ajustements sont effectués dans le respect des engagements pris, tout en cherchant à garantir un enseignement de qualité », nous explique Abderrahmane Lahlou.
Ce document, élaboré en collaboration avec les associations de parents et les propriétaires d’établissements, vise à prévenir les abus et à réguler les interactions entre les deux parties. Il précise les droits et devoirs de chacun, tout en prévoyant une commission d’arbitrage pour gérer les conflits potentiels. « À la fin de l’année, il se peut qu’il y ait une augmentation des obligations financières (ndlr : pour les familles), et dans l’institution éducative privée, ce contrat influence la relation, mais ne la clôt pas. Nous discutons encore de ce sujet au sein de la commission technique du ministère, et nous avons abordé plusieurs questions pratiques sur le terrain », détaille Noureddine Akkouri, président de la Fédération nationale des Associations des parents d’élèves au Maroc (FNAPEM), à Le Brief. Le contrat met également un point d’honneur à garantir la stabilité des enseignants et du personnel, tout en veillant à ce que l’intérêt des élèves soit préservé : « dans certaines institutions, il arrive qu’un enseignant soit remplacé en cours d’année par un autre. Cette situation perturbe l’élève qui ne bénéficie pas d’une continuité pédagogique. La famille a le droit de s’enquérir auprès de l’institution si l’enseignant restera avec l’élève toute l’année scolaire. Ce point devrait figurer dans le contrat, afin que l’institution soit tenue responsable si un enseignant est remplacé », poursuit Akkouri.
Il faut dire que cette bataille parents/établissements ne date pas d’hier. Depuis plusieurs années, les relations entre les parents d’élèves et les établissements d’enseignement privé au Maroc ont été marquées par des tensions récurrentes. Ces conflits, souvent liés aux frais de scolarité, aux assurances et à la délivrance des certificats de départ, ont conduit à une situation d’impasse. Pour mettre fin à ces divergences, un contrat-type avait été signé le 8 septembre 2023, réunissant les représentants des parents et des établissements privés. Cet accord visait à instaurer un cadre plus juste et transparent pour les deux parties.
Le contrat-type, composé de 11 articles, aborde les principales sources de friction. Parmi les mesures les plus importantes, on note, notamment, l’obligation pour les écoles de fournir aux parents une copie des contrats d’assurance. Cela garantit une transparence totale sur les frais engagés par les familles et les risques couverts. « Un autre droit très important est l’assurance scolaire. Auparavant, les parents payaient un montant global à l’institution, en pensant que cela couvrait toutes les assurances. Or, il est crucial qu’un contrat d’assurance soit clairement établi, détaillant les éléments couverts pour l’élève, y compris une copie du contrat d’assurance, le nom de la compagnie d’assurance, les contacts pertinents… Ces informations sont essentielles pour la famille, qui doit en être informée avant d’inscrire son enfant. », explique Noureddine Akkouri à Le Brief.
De plus, le contrat interdit aux écoles de retenir les bulletins scolaires et les certificats de départ des élèves en cas de litiges financiers. Cette mesure essentielle permet aux élèves de poursuivre leur scolarité sans interruption, notamment dans d’autres établissements publics, en remettant ces documents dans un délai de 72 heures après une demande écrite des parents.
Plus d’humiliation publique
Il n’est pas rare d’entendre de scandaleuses histoires impliquant des enfants que la direction d’une école renvoie devant tous leurs camarades de classe pour non règlement des frais trimestriels ou mensuels. C’était l’un des points importants débattu dans le cadre du contrat-type. « Nous avons essayé, dans ce contrat, de garantir les droits de toutes les parties afin d’influencer positivement la relation entre la famille et l’institution d’enseignement privé. Les documents ne faisaient pas état de différends matériels entre la famille et l’institution. Nous avons trouvé une solution basée sur le fait que la famille puisse, par exemple, rédiger une demande adressée au directeur de l’institution, indiquant qu’elle ne souhaite pas poursuivre son engagement envers l’institution en raison des contraintes matérielles qu’elle rencontre. Il n’y avait pas d’autres problèmes matériels entre eux. Il n’y avait ni direction régionale ni académie pour intervenir et résoudre les problèmes, mais l’élève devait poursuivre ses études, que ce soit au sein de l’institution, à l’extérieur ou dans une autre institution publique. Cela est important dans le contrat, car à un moment donné, l’élève était impliqué dans les conflits matériels entre la famille et l’institution éducative, ce qui affectait la relation entre l’institution éducative privée et la famille », détaille le président de la FNAPEM.
les parents ont toujours la liberté de choisir l’école qui correspond le mieux à leurs attentes et à leur budgetAbderrahmane Lahlou, directeur général du groupe ABWAB
Le contrat précise que les parents doivent être présents lors de la rentrée en septembre. Il doit être signé en début d’année scolaire, en septembre, pour une durée de dix mois, de septembre à juillet. Ce point doit être clairement établi pour la famille. Les aspects financiers entre la famille et l’institution doivent rester à la discrétion de chaque partie. En cas de difficultés financières ou autres problèmes, l’élève doit être exclu de cette démarche. Si le problème ne peut pas être résolu entre la famille et l’institution, il est possible de recourir à l’académie, à la direction régionale ou à la fédération nationale pour trouver une solution. « Il est important de rappeler que les parents ont toujours la liberté de choisir l’école qui correspond le mieux à leurs attentes et à leur budget. S’ils estiment que les frais de scolarité dans une certaine catégorie d’établissement ne correspondent plus à leurs critères, ils ont la possibilité de se tourner vers d’autres options éducatives. Cette flexibilité est au cœur du système libéral dans lequel nous évoluons, où la diversité de l’offre permet à chacun de trouver l’école qui répond le mieux à ses besoins et à ses contraintes financières», déclare Abderrahmane Lahlou.
Le contrat-type va aussi au-delà des questions financières en protégeant les droits des élèves et des parents. Désormais, il est prohibé pour les écoles de refuser l’inscription d’un élève en raison de ses difficultés d’apprentissage ou de son niveau scolaire. Les établissements doivent accepter tous les élèves tant qu’il y a des places disponibles, ce qui garantit un accès équitable à l’éducation.
Par ailleurs, les parents ont désormais le droit de visiter les installations scolaires et de consulter le matériel pédagogique avant de décider d’inscrire leurs enfants. Ce droit à l’information renforce leur rôle dans le choix de l’établissement le plus adapté aux besoins de leurs enfants. « Chaque parent a ses propres critères de satisfaction lorsqu’il s’agit de choisir une école pour ses enfants, tout comme lorsqu’il sélectionne un produit ou service. Il est naturel de vouloir tester un service avant de se faire une opinion définitive, en observant les résultats concrets et le développement de leurs enfants. Ce processus de test et d’évaluation est crucial pour déterminer si l’offre répond à leurs attentes et justifie les frais engagés », explique Abderrahmane Lahlou. « Le Conseil de la Concurrence a évoqué la nécessité de différencier les prestations dans l’enseignement privé, en soulignant que cela revient aux parents d’évaluer la qualité de l’enseignement proposé. C’est une question de libre choix et de perception. Le prix des frais de scolarité est, en effet, directement lié à la qualité des prestations offertes ».
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L’un des principaux points de conflit a été le paiement des frais de scolarité, surtout pour le mois de juillet. Certaines écoles avaient été critiquées pour avoir refusé de délivrer les diplômes de baccalauréat à des élèves dont les parents n’avaient pas réglé ces frais. Le contrat-type met fin à cette pratique, en imposant aux écoles de délivrer les diplômes indépendamment des paiements. « En réalité, ce qui est essentiel dans le contrat que les parents doivent signer, c’est de connaître avant la signature de ce contrat la nature de l’institution, la qualité de l’enseignement qui y est dispensé, et si les enseignants disposent des diplômes requis pour le service que l’institution propose. Il arrive parfois qu’il y ait des services non fournis, mais cela ne signifie pas que l’institution doit en assumer les coûts. Le parent a aussi d’autres obligations comme le transport scolaire, qu’il peut choisir de payer ou non, et la restauration des enfants au sein de l’institution, qui peut également être facultative », conclut Akkouri.
Et puis, il y a d’autres éléments liés au contrat qui concernent la majorité des institutions éducatives, et les parents doivent être informés pour pouvoir établir un groupe de parents au sein de l’institution éducative privée. Les parents doivent être présents lors de l’assemblée générale pour choisir leurs représentants, car c’est un point essentiel. Si un conflit survient entre l’institution et la famille, l’association doit intervenir comme médiateur.
La folie furieuse des fournitures
Les frais de scolarité ne sont pas la seule raison de se faire du sang d’encre. Cette année, alors qu’une stagnation de prix était annoncée par l’Alliance des libraires du Maroc pour les manuels destinés à l’enseignement public, grâce au soutien apporté par l’État, c’est loin d’être le cas pour l’enseignement privé. L’Alliance a signalé une augmentation des prix des manuels scolaires dans ce secteur. Pour soutenir les familles bénéficiant de l’aide sociale, elle a mis en place des aides spécifiques afin de réduire le poids financier et de garantir l’accès aux livres indispensables. Aussi, une hausse concerne les livres en anglais et en français ainsi que les manuels scientifiques en français importés, mais uniquement dans les établissements privés. Selon l’Alliance, cette augmentation est principalement due aux écoles privées qui imposent l’achat de ces ouvrages spécifiques.
Une petite ristourne pour la rentrée
À l’approche de la rentrée scolaire, alors que les parents se préparent à acheter les fournitures, la Direction générale des impôts (DGI) annonce une mesure favorable aux industriels du secteur. Certaines fournitures scolaires et les matières premières nécessaires à leur fabrication seront désormais exonérées de la TVA à l’importation, à condition qu’elles soient destinées exclusivement à un usage scolaire.
Cette mesure, communiquée le 26 août, s’inscrit dans le cadre d’un décret sur la TVA datant du 31 décembre 2006, modifié le 25 décembre 2023. La DGI a transmis aux services de la douane la liste des produits concernés par cette exonération. Cette dernière inclut des bloc-notes, des cahiers de coloriage, des tubes de colle de petite contenance, ainsi que les pistolets à colle et des tabliers de dessin en plastique.
D’autres articles comme les ardoises, qu’elles soient en plastique, métal ou carton, ainsi que les cahiers de travaux pratiques, les cartables, les trousses et les cartes d’identité scolaires, bénéficient également de cette exonération. La liste comprend également les stylos, les craies, les flacons et cartouches d’encre.
Pour ce qui est des autres fournitures, comme les cahiers et les sacs à dos, aucune augmentation n’aurait été observée par l’alliance des libraires. Faits vérifiés par Le Brief. Il suffit de se rendre dans quelques librairies (en diversifiant les quartiers) pour tout de même constater une hausse. Cette année, les prix des fournitures scolaires connaissent une légère hausse, notamment dans le domaine de la papeterie. Par exemple, le coût des cahiers a augmenté, passant de 15-16 dirhams pour un cahier de 100 pages à 18 dirhams. Cette tendance se retrouve dans de nombreuses librairies, où une augmentation générale des prix est observée, bien que tous les articles ne soient pas affectés de manière uniforme. Ainsi, une famille qui dépensait 1.000 dirhams l’année dernière devra désormais prévoir environ 1.100 dirhams. Les cartables représentent également une part importante du budget, avec des prix variant entre 200 et 400 dirhams pour des modèles de qualité moyenne à bonne. Les marques plus connues se situent dans une gamme de prix plus élevée. Les librairies de quartier, quant à elles, proposent souvent des prix plus compétitifs, avec un coût moyen des fournitures allant de 600 à 700 dirhams.