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Dans son édition 2022, le rapport annuel de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) traitant de la situation au Maroc met en lumière les défaillances ayant marqué l’année. Entre libertés publiques, individuelles et de conscience, droits civils et politiques, ou encore le droit à la vie, de nombreux axes ont été abordés jeudi 3 août, à Rabat, par Aziz Ghali, président de l’ONG. Dans l’ensemble, l’AMDH fait le constat d’un «statu quo» sur la scène des droits humains au cours de l’année 2022. «L’année s’est déroulée sans aucun changement ou développement positif significatif à signaler. Ce fut marqué par des violations fréquentes et des atteintes répétées aux droits et libertés», note le document d’une dizaine de pages.
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Une année qui, pour rappel, marque la sortie du pays de la crise liée à la Covid-19 et le déconfinement total du Royaume. «Bien que certaines des violations constatées au cours des deux dernières années, en 2020 et 2021, puissent être attribuées à l’état d’urgence sanitaire et à l’adoption d’une approche sécuritaire pour les gérer, les violations enregistrées au cours de l’année 2022 ne peuvent être expliquées et liées qu’au choix clair et continu de l’État d’attaquer l’exercice des libertés publiques essentielles».
Un rapport critique, décrivant des reculs généralisés touchant les droits humains, qui fera certainement grincer des dents. Et, l’AMDH en est consciente. Raison pour laquelle l’association a tenu à préciser en introduction de la conférence de presse les visées de ce document de bilan : «Nous n’avons nullement l’intention ou le but de semer la déception ou la frustration. Nous présentons ce rapport en assumant notre responsabilité dans la défense des droits humains dans notre pays ; dans le but d’alerter les pouvoirs publics sur les mauvaises politiques qu’ils mettent en œuvre et sur les violations et les infractions qu’elles génèrent. Puissent-ils retrousser les manches pour protéger et fortifier les droits et les libertés, au lieu de s’inventer des ennemis imaginaires», espère l’AMDH.
Détentions à caractère politique et répression des opinions sur l’espace digital
Selon l’AMDH, les détentions à caractère politique et d’opinion représentent 175 cas, en 2022. Y sont comptés les détenus du mouvement du Hirak du Rif, au nombre de 9, «dont 3 condamnés à vingt ans d’emprisonnement, deux à quinze ans, un à dix ans et un à six ans». Le rapport inclut aussi «les détenus sahraouis dans l’affaire Gdaim Izik, au nombre de 20», dont «8 condamnés à la réclusion à perpétuité, quatre à trente ans, cinq à vingt-cinq ans, deux à vingt ans, et un à quinze ans». L’ONG retient par ailleurs six détenus salafistes, «dont un condamné à la réclusion à perpétuité et les cinq autres à trente ans de prison».
Dans cette section, le rapport retient «des dizaines de détenus arrêtés et jugés sur la base de leurs opinions politiques ou investigations et articles de presse, exprimés et publiés sur les réseaux sociaux, ou en raison de leur participation à des manifestations pacifiques». En tout, selon l’association, «ils sont au nombre d’environ 140 détenus, condamnés à des peines allant de l’acquittement jusqu’à 12 ans fermes», en plus de cas d’«arrestations et de convocations restées en suspens».
Pour Aziz Rhali, président de l’AMDH, dans une déclaration à ENASS : «Après avoir fermé l’espace réel avec la répression des manifestations, sit-in et marches, l’État s’attaque de manière méthodique à l’espace virtuel en muselant l’expression des opinions des citoyens sur les réseaux sociaux», observe ce défenseur des droits humains au Maroc.
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De leur côté, les autorités affirment lutter contre la «diffamation» et les «atteintes aux libertés individuelles» sur les réseaux sociaux, des «crimes» passibles de peines d’emprisonnement. Dernière actualité en date, le tribunal de première instance de Casablanca a condamné, lundi dernier, un internaute à cinq ans de prison ferme pour offense à la monarchie. Ce dernier avait critiqué sur Facebook la normalisation avec Israël.
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Migration : une lente mise en œuvre de la stratégie nationale
L’année 2022 aura particulièrement été marquée par le drame frontalier du 24 juin, survenu à la clôture séparant Nador et Melilia, au niveau de Barrio Chino. Dans son rapport, l’ONG a retenu que cette «tragédie» restera «gravée dans les esprits de tous les défenseurs des droits humains». Pour rappel, les faits sont survenus lorsque plus de 2.000 migrants ont tenté de traverser la barrière. Le bilan officiel décompte 23 morts et 77 blessés, ainsi que 140 autres dans le rang des autorités marocaines.
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Mais, pour sa part, l’AMDH a précédemment estimé que le nombre de décès serait plus élevé, sans compter les disparus. Selon l’association, «au moins 27 demandeurs d’asile y ont perdu leur vie suite à l’intervention brutale et violente des forces de l’ordre marocaines et espagnoles ; 76 autres sont toujours portés disparus et 87 ont été arrêtés et jugés pour de lourdes charges, lors d’un procès dans lequel les conditions d’un procès équitable n’ont pas été remplies». Dans ce sens, l’ONG plaide pour «une enquête internationale» à même de «définir les coupables de ce massacre et les déférer devant la justice».
Dans son rapport sur la situation des droits de l’Homme, l’association pointe du doigt la violation des droits des immigrés et des demandeurs d’asile dans le Royaume. L’AMDH déplore les déplacements forcés des migrants de la région du nord «vers des zones reculées à l’intérieur ou au sud du Maroc, ou vers la frontière maroco-algérienne». Ces opérations, assure l’ONG, «sont souvent accompagnées de maltraitance, de pillage des biens (appareils téléphoniques – argent)».
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Le rapport souligne que le Maroc a adopté la Stratégie nationale sur la migration et l’asile (SNIA) en 2014, avec l’objectif «d’assurer une meilleure intégration des migrants et des réfugiés et de faciliter leur accès aux services publics sur un pied d’égalité avec les citoyens marocains». Cependant, «force est de constater qu’après près de dix ans, cette stratégie se caractérise toujours par sa lenteur, le manque d’efficacité et de sérieux dans sa mise en œuvre pratique», constate l’association.
L’AMDH n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme sur «les transformations sociales, économiques et politiques en Europe au cours de l’année 2022, traduites par la montée des mouvements racistes et la montée de l’extrême droite aux élections, ce qui constitue une véritable menace pour leurs acquis». Relevant à ce titre que «l’immigration sélective» cible désormais les compétences marocaines, surtout «le personnel médical, les ingénieurs et autres», ce qui «épuise non seulement les budgets énormes consacrés à leur formation, mais également le droit au développement de notre pays».
Peine de mort : encore une triste réalité
Sur le volet consacré aux droits civils et politiques et notamment le droit à la vie, l’association constate qu’«un grand nombre de citoyens et citoyennes perdent la vie, soit en raison de la négligence et du manque de soins médicaux nécessaires dans les hôpitaux et centres de santé, à cause du non-respect des règles et des normes de sécurité sur les chantiers ou dans les ateliers, et à l’intérieur des usines et des unités de production, à cause de la prévalence de l’impunité quant aux interventions des forces de l’ordre, ou encore les mauvais traitements dans les centres de détention».
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Le rapport aborde aussi ce point à la lumière des condamnations à la peine de mort, encore prononcées par certains tribunaux du pays. En ce sens, l’ONG souligne la contradiction de la peine capitale avec les engagements de l’État à «mettre en œuvre les recommandations de l’Instance équité et réconciliation (IER)». En 2022, l’AMDH a enregistré deux cas de condamnations à mort, respectivement à Al Hoceïma et à Safi, en plus d’un cas d’approbation par la Cour de cassation d’un jugement à Tanger. Par ailleurs, elle a compté «7 cas de mort suspecte dans les prisons» et «90 décès suite à des accidents du travail ou dans des accidents de circulation sur le chemin vers le travail», entre autres cas.
Dans ce même axe, le rapport aborde les décès dus au suicide, rappelant que «le Maroc reste toujours classé parmi les pays les plus concernés», au temps où «le nombre de cas ne cesse d’augmenter de manière très préoccupante, notamment dans les provinces de la région du Nord». En référence aux données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’AMDH rappelle que le pays est concerné «par plus de 1.000 cas par an, soit 3 par jour, avec un taux de 2,5 cas pour 100.000 habitants».
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Concernant ceux enregistrés en 2022, «notamment à travers les journaux et les sites d’information, et qui ne représentent qu’un très faible pourcentage du total des cas», l’ONG retient le nombre de 140. Dans les détails, ceux-ci sont répartis sur les régions de Tanger-Tétouan Al Hoceïma (67), en tête avec 48%, Beni Mellal Khénifra (14) avec 10%, Casablanca-Settat (7) avec 5%, Souss-Massa (18) avec 13%, Marrakech-Safi (12) avec 9%, Fès-Meknès (9) avec 6%, l’Oriental (7) avec 5%, Rabat-Kénitra (2) avec 1,4%, Guelmim Oued Noun (2) avec 1,4%, et enfin Laâyoune-Es Sakia El Hamra (1) et Dakhla-Oued Eddahab (1) avec 0,7%.
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