Larbi Belbachir , ancien conseiller du directeur général des douanes au Maroc. © DR
À l’occasion de la Journée internationale des Douanes, célébrée chaque 26 janvier, cette année, sous le thème «accompagnement de la nouvelle génération: promouvoir le partage des connaissances et renforcer la fierté de la profession douanière», l’expert et ancien conseiller du directeur général des douanes au Maroc, Larbi Belbachir, publie «Les Douanes aux frontières du numérique : mutations, risques et moyens d’action».
Ce livre, qui constitue le second volet d’un précédent ouvrage, «Les douanes aux frontières du numérique», sorti en 2020, offre ainsi au public des clés de lecture afin d’aider à mieux saisir ce phénomène et en comprendre les enjeux.
L’auteur, fin connaisseur du secteur, choisit à travers ce nouvel ouvrage de dépasser la réflexion sur l’infraction numérique pour la questionner comme étant à la fois l’instrument et le corps du délit en douane. Plus concrètement, le livre invite au débat autour des défis que pose le contrôle des transactions électroniques transfrontalières et du transfert des données à caractère économique et sécuritaire.
Larbi Belbachir montre la réalité complexe du travail des douanes qui appelle une adaptation pour relever ce défi numérique. Parce que la fraude a évolué, passant d’un format classique, comme la contrebande, à une version plus sophistiquée réalisée au moyen de procédés informatiques et électroniques dans le cadre de transactions transfrontalières.
En 2021, l’e-commerce représentait un cinquième des ventes au détail dans le monde. D’ici trois ans, ce sera le quart. Le défi est non seulement d’actualité, mais il est global.
«L’e-commerce a supprimé la notion de barrière physique, rendant en quelque sorte caduc le principe même des frontières. La nature de la fraude a aussi changé. Les articles sous-évalués, la contrefaçon ou le trafic de voitures volées ont cédé la place à des transactions qui se négocient sur des marchés bien plus obscurs, comme le Darknet», explique l’auteur.
Fruit d’une réflexion portée par une expérience de près de 40 ans, l’ouvrage offre des clés de lecture afin d’aider à mieux saisir ce phénomène et en comprendre les enjeux. Il laisse, de plus, entrevoir les possibles solutions à une équation complexe : concilier l’impératif de fluidité d’une frontière avec l’exigence de régulation et de sécurisation d’échanges exponentiellement croissants.
L’adoption de l’outil informatique en douane, si elle est effective depuis des décennies à travers le dépôt des déclarations douanières et leur traitement par voie électronique, a vite été confrontée à des violations en tous genres, telles que la manipulation des données relatives aux admissions temporaires de marchandises et de véhicules.
Les nouveaux risques vont jusqu’à “remettre en cause la notion même de vie privée”
Selon l’auteur, cette situation nécessite pour les douanes marocaines de faire évoluer en permanence leurs moyens juridiques et technologiques afin de les adapter aux cybermenaces.
Dans une interview accordée à l’Agence marocaine de presse (MAP), l’expert en lutte contre la fraude et le trafic illicite des stupéfiants résume les deux enseignements à retenir de cet ouvrage.
L’impact du commerce électronique est profond et ses ramifications peuvent toucher chacun de nous.
Premièrement, avec la généralisation des technologies numériques, le risque touche tous les acteurs impliqués dans le commerce électronique : aussi bien les consommateurs que les producteurs, les vendeurs, les administrations, les gouvernements et plus largement les États.
Cela fait donc plus de trente ans que les textes n’ont pas connu de véritable évolution.
Le second enseignement, c’est que les cyber fraudeurs réagissent très rapidement aux évolutions des législations, des règlements et des moyens de contrôle et de surveillance. Cependant, le code marocain des douanes date de 1977 et l’adoption des dispositions répressives liées à la fraude informatique remonte aux années 1980. Or, l’adaptation du droit est essentielle pour aussi permettre de lutter à armes égales contre la cyberdélinquance.
Le Sénégal, un exemple
Plusieurs pays d’Europe, d’Asie et sur le continent américain ont développé de véritables cyber législations douanières taillées sur-mesure pour contrer la cyberdélinquance. L’auteur choisit pourtant dans ce livre de faire référence à un pays avec lequel le Maroc entretient une relation modèle au niveau interafricain : le Sénégal.
L’OMD soutient le Sénégal 🇸🇳 dans la mise en place d’un système national de décisions anticipées
➡️ https://t.co/75DMCBojTH#OMD #Douane #ProgrammeUE_OMD_SH_Afrique #ProgrammeUE_OMD #SystèmeHarmonisé @DouaneSenegal pic.twitter.com/42lmUFemwI— World Customs Organization (@WCO_OMD) January 20, 2023
Larbi Belbachir explique à la MAP, comment «les autorités sénégalaises ont considérablement facilité le travail de leurs douanes en apportant des solutions qui permettent la lecture et le décryptage des données informatiques saisies, ou encore en autorisant leurs agents à procéder à des investigations numériques inédites et approfondies, à procéder à des livraisons surveillées voire à infiltrer les réseaux de trafiquants».
À propos de Larbi Belbachir :
Ancien haut fonctionnaire à l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII), Larbi Belbachir a exercé près de quarante ans dans la lutte contre la fraude et le trafic des stupéfiants. Major en 1973 de la promotion internationale de l’École nationale des douanes françaises de Neuilly, il est nommé successivement directeur régional du Centre, puis de l’Oriental. Après avoir dirigé plusieurs unités d’intervention opérationnelles, il achève sa carrière en tant que conseiller du directeur général de l’ADII. Actuellement enseignant vacataire à l’École nationale d’administration (ENA), son expérience dans le domaine du renseignement douanier fait de lui un spécialiste reconnu au Maroc et dans le monde.
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