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De jupitérien à bon samaritain, Macron prend le monde de court

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Le président français, Emmanuel Macron, et le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, le 24 octobre 2023. © DR

Le ballet diplomatique des amis de Tel Aviv continue. Hier, c’est le président français qui a foulé le sol israélien avant d’aller à la rencontre de son homologue palestinien, Mahmoud Abbas, puis d’autres dirigeants arabes. Dans une déclaration surprise, «comme il les aime», il invite les partenaires occidentaux et régionaux à s’allier pour lutter contre le Hamas, comme par le passé, ensemble ont combattu Daech. À peine émise, cette proposition semble morte-née. Pour nous éclairer, nous avons contacté colonel Hassan Saoud, membre associé de l’Institut royal des études stratégiques (IRES).

La nuit dernière a été marquée par une nouvelle série de bombardements intensifs. Les raids israéliens sur la bande de Gaza ont fait depuis le début du conflit plus de 6.546 morts, en majorité des civils palestiniens incluant près de 2.704 enfants. En Cisjordanie occupée et à Al Qods, 101 personnes ont été tuées lors d’attaques de l’armée israélienne depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne.

Le chef d’état-major des forces de défense d’Israël a affirmé, lundi soir, être prêt pour une invasion terrestre, rappelant dans un message vidéo que l’objectif de l’intervention est le «démantèlement total» du Hamas.

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La population, sommée par Tsahal de quitter le nord de la bande, trouve encore refuge dans les installations de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Mais les capacités d’accueil de celle-ci sont désormais dépassées. «Près de 600.000 déplacés sont hébergés dans 150 installations de l’UNRWA. Nos abris dépassent leur capacité de quatre fois, de nombreuses personnes dorment dans la rue», a fait savoir, mercredi sur X (anciennement Twitter), l’agence qui fait état de dommages matériels pour «40 installations».

La veille, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réclamé une quatrième fois un «cessez-le-feu humanitaire immédiat», dénonçant les «violations claires» du droit humanitaire à Gaza. Une demande qui n’a pas manqué de faire réagir les autorités israéliennes. «Comment pouvez-vous conclure un accord de cessez-le-feu avec quelqu’un qui a juré de tuer et de détruire votre propre existence ?», a répondu le ministre des Affaires étrangères israélien, Eli Cohen, qui a annulé sa rencontre avec lui.

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Alors que la situation au Proche-Orient laisse planer l’ombre d’un conflit régional étendu, la diplomatie, elle, s’active sur le terrain pour tenter d’empêcher l’escalade. Après le président américain, Joe Biden, le chancelier allemand, Olaf Scholz, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, et la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, c’est au tour du président français, Emmanuel Macron, de se rendre en Israël, État en guerre depuis 19 jours contre le Hamas.

Macron prend son bâton de pèlerin

Première étape : Israël. Arrivé mardi, le chef de l’État français a créé la surprise générale. Aux côtés du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, Emmanuel Macron a appelé de ses vœux à la mise en place d’une «coalition» régionale et internationale pour lutter contre le mouvement palestinien au contrôle de la bande de Gaza.

«Je propose à nos partenaires internationaux que nous puissions bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous», a martelé le président français à l’issue d’une rencontre bilatérale avec son homologue israélien. Si les contours de cette proposition semblent encore flous, l’Élysée précise qu’il s’agit de s’inspirer de l’expérience de la coalition contre Daech.

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«Macron tente le flou pour le tout», «Effet d’annonce comme les aime Macron», «une sorte de bouteille à la mer jetée par Emmanuel Macron», «Emmanuel Macron surprend en proposant de mobiliser la coalition internationale», «la proposition inattendue d’Emmanuel Macron»,… la presse française semble, elle aussi, avoir été prise de court.

L’Élysée expliquera par la suite : «Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d’actions pertinentes contre le Hamas. Ce sera ensuite aux partenaires et notamment à Israël d’exprimer leurs besoins.» L’entourage de Macron semblait vouloir atténuer rapidement toute hypothèse que ses commentaires auraient pu créer sur la possibilité qu’une force terrestre soutenue par l’Occident émerge pour rejoindre Israël dans son objectif déclaré de détruire le Hamas.

Coalition contre Daech

La coalition contre Daech est née dans la foulée des premiers bombardements américains en Irak le 8 août 2014. Alors que le mouvement terroriste connaît un essor fulgurant au Proche-Orient, quelque 80 pays, dont l’OTAN et l’Union européenne, répondent favorablement à l’invitation du gouvernement irakien, déterminé à chasser toute présence terroriste sur un territoire de plus de 110.000 km² entre l’Irak et la Syrie.

Dès septembre, la coalition internationale est en marche, et apporte un soutien aux forces militaires locales. Il s’agit concrètement de missions quotidiennes de frappes aériennes, de renseignement et de formation des troupes irakiennes. Les États-Unis sont en première ligne, et à l’origine de la majorité des frappes.

Parmi les principaux contributeurs figure la majorité des pays de la région, au premier rang desquels l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, mais également la Jordanie, le Bahreïn et le Qatar.

En mai 2022, le Royaume a accueilli l’assemblée ministérielle de la Coalition aboutissant à la création de l’«Africa Focus Group», co-préside par le Maroc, les États-Unis, l’Italie et le Niger qui place le continent au centre des préoccupations anti-terroristes.

Churchill disait «la meilleure improvisation est celle qui se prépare avant». Pour nombre d’observateurs, la sortie d’Emmanuel Macron, qui rappelons-le était hors-sol et en terrain de guerre, est pour le moins ratée à plusieurs égards.

D’abord, cette déclaration semble avoir été émise sans consultation préalable des alliés européens ni même des États-Unis derrière lesquels plus de 80 pays se sont ralliés pour la lutte contre le terrorisme. Contacté par nos soins, le colonel Hassane Saoud, chercheur associé à l’Institut royal des études stratégiques (IRES), est catégorique : «les États-Unis ne s’inscriront jamais dans cette initiative. Créer une coalition internationale pour lutter contre le Hamas serait redondant, inapproprié et empreint d’amalgame».

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L’expert explique qu’une «copie» d’«Ineherent Resolve» (traduisez, détermination absolue) n’aurait d’ailleurs aucune chance d’aboutir, à partir du moment où une version originale existe et qu’elle a fait son chemin depuis 2014. «Trop de structures tuent les structures essentielles, et les copies les font éparpiller. Il ne s’agit pas d’une proposition réaliste ni réalisable», commente colonel Saoud.

Le président français tenterait-il, en réalité, de construire son nouveau calendrier international au Proche-Orient ? L’hypothèse est en tout cas émise par une certaine presse française.

Hamas «terroriste», une qualification politique

Ensuite, dans sa formulation, Emmanuel Macron, qui dit être lié par le «même deuil» [NDLR, avec Israël], place le mouvement palestinien sur le même plan que Daech ou Al-Qaïda. «Le Hamas est un groupe terroriste dont l’objectif même est la destruction de l’État d’Israël», a fustigé le président français.

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Or, comparaison n’est pas raison. La nature même de ces groupes est différente, un point sur lequel plusieurs analystes s’accordent. Le Hamas est, avant tout, un groupe nationaliste palestinien, localisé sur la bande de Gaza, dont il est aux commandes depuis sa victoire aux législatives en 2007, et qui est aujourd’hui bombardée. Daech est, pour sa part, un mouvement qui «s’était emparé d’un territoire, mais qui était illégitime sur ce territoire», avec comme ambition l’expansion géographique du Califat dans tout le Proche-Orient et plus encore.

«Si une «coalition internationale» était nécessaire pour lutter contre l’expansion de Daech dans des pays en décomposition politique tels que la Syrie et l’Irak, où il n’y avait pas de base étatique contre laquelle les terroristes pouvaient se heurter, la situation n’est pas la même en ce qui concerne le Hamas», tranche Jean de Gliniasty, diplomate et consul général de France en Israël de 1991 à 1995.

Cet amalgame constitue en soi une erreur stratégique d’un chef d’État. Les experts affirment que le degré d’unanimité constaté lors de la campagne visant à vaincre Daech ne se traduirait pas par une campagne contre le Hamas, ce qui rendrait difficile un simple élargissement de la coalition existante.

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Par ailleurs, quels pays arabes se rallieraient à cette coalition ? «Aucun !», répond clairement colonel Saoud. Car, si une trentaine de pays, quasi-exclusivement occidentaux, notamment les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, ou encore le Japon, classe le Hamas comme mouvement terroriste, ce n’est pas le cas des pays de la région et au-delà. Et, il est de préciser qu’«aucune résolution de l’ONU ne classifie le Hamas comme un groupe terroriste».

«Définir un acte comme terroriste est politique», résume Marco Sassoli, professeur de droit international public à l’Université de Genève, et «le terrorisme existe dans et en dehors des conflits armés». La reconnaissance du Hamas, tout comme la qualification de ses actes de «terroristes» ou non, «relève du champ politique et ne sont en aucun cas des réalités juridiques», explique pour sa part, Omar Kamel, professeur de droit international public et de conflits armés à Sciences Po Paris.

Si la coalition proposée par Emmanuel Macron est politique, «sans aucun doute Israël est preneur du plus grand nombre de soutiens possibles. Si c’est une coalition militaire, pour le moment, on ne voit pas très bien à quoi ça peut ressembler», a commenté mardi sur France Info Frédéric Charillon, professeur de relations internationales à l’Essec et à Sciences Po. Car en somme, «Israël n’a besoin de personne pour s’occuper de ce mouvement [NDLR, le Hamas], et même pour le neutraliser», déclare catégoriquement l’ancien consul général de France en Israël.

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Le pays, qui n’est pas membre de la coalition contre Daech – ce qui serait également problématique – demeure tout de même un État fort, qui jouit d’une des meilleures armées au monde.

Poudre de perlimpinpin

«À l’heure où la guerre entre le Hamas et Israël semble se transformer en conflit régional, Emmanuel Macron devait apaiser les esprits [NDLR, et son propre pays]», commente Hassane Saoud. Affichant sa solidarité totale vis-à-vis de l’État hébreu, le président français a toutefois plaidé pour une relance du processus politique «en acceptant le droit légitime des Palestiniens à disposer d’un territoire et d’un État, en paix et en sécurité au côté d’Israël». Une solution à deux États, soutenue par la majorité des pays, qui offre des perspectives d’avenir à la région.

Renad Mansour, chercheur principal au groupe de réflexion Chatham House, basé à Londres, a expliqué sur les colonnes d’Arab News, que même s’il existe un large soutien local des populations irakiennes et syriennes dans la lutte contre Daech, la campagne contre le Hamas «sera beaucoup plus difficile parce que le Hamas est plus biologique, de Gaza».

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«L’opinion publique dans le monde arabe, qui est déjà ralliée à la cause palestinienne, ne pourrait qu’être renforcée avec la déclaration d’Emmanuel Macron. Le désamour français en Afrique francophone risque «l’effet domino» au sein du monde arabe et musulman», conclut colonel Hassan Saoud. Une tournée au Proche-Orient qui, pour notre interlocuteur, s’apparente plutôt à un non-événement.

Comme le disait de Gaulle en se dirigeant vers Le Caire en 1941 : «Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples». C’est souvent le plus difficile. Il reste un mois à Emmanuel Macron pour convaincre les puissances régionales de la région de se rallier à son idée de coalition internationale. Et ce avant la troisième conférence de Bagdad, une réunion de sécurité créée à l’initiative de la France qui se tiendra fin novembre dans la capitale irakienne.

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